44. Robert versus Tassilon

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Posté à une certaine distance des murailles du château, Tassilon s'ennuyait ferme. Il entendait, au loin, les bruits si tentants du combat.

"Je devrais être avec eux", pesta le Prince Noir.

Il avait fini par se laisser convaincre par Athanasios de ne pas participer au combat. Mais il commençait sérieusement à le regretter. Après tout, il était presque remis de sa blessure. Ou il aurait pu combattre de la main gauche. Ils n'affrontaient que de faibles humains. Même s'il devait reconnaître une certaine pugnacité à cette odieuse fille d'Aspignan. Cette sorcière qui empoisonnait le cœur d'Athanasios. Si tous les membres de sa famille disposaient de la même ardeur, peut-être aurait-il pu trouver un adversaire digne de ce nom...

Tassilon soupira. N'aurait-il rien d'autre à faire qu'à attendre ? Même Athanasios était entré dans l'enceinte du château. Alors qu'il ne savait même pas se battre. Sauf en utilisant la magie. Mais cette tricherie ne comptait pas vraiment.

— Toi l'elfe, viens te battre ! s'exclama soudain une voix.

Tassilon se retourna aussitôt.

Un humain blond, vêtu à la manière d'un chevalier se dirigeait vers lui d'un air déterminé. Il avait dégainé son épée.

Le jeune elfe eut une moue, déçu.

— J'ai autre chose à faire que jouer avec les gamins, déclara-t-il avec mépris.

— Je suis Robert d'Aspignan, répondit le blondinet, fils du seigneur du lieu. Serais-tu trop lâche pour m'affronter ?

Tassilon avait sursauté en entendant le nom. Avait-il donc réellement sous les yeux ce nobliau dont Athanasios lui avait rabattu les oreilles pendant la période de son amnésie ?

Il eut un sourire mauvais. Il était toujours agréable de pouvoir se débarrasser d'un potentiel concurrent pour l'amitié d'Athanasios.

— Je suis Tassilon, fils du roi des elfes. J'accepte exceptionnellement de t'affronter.

A son grand dépit, l'humain n'avait pas exprimé le moindre effroi en apprenant son identité. Bien au contraire, il semblait lui aussi satisfait.

— Et pourquoi le Prince Noir se cache-t-il pendant que ses hommes agissent ? s'enquit-il d'un ton narquois.

Tassilon grogna.

— Ce ne sont nullement tes affaires, humains. Et je ne me cache pas.

— Si tu le dis...

— Je ne me cache pas ! répéta l'elfe, piqué au vif. Tu vas très vite pouvoir constater que je sais parfaitement me battre.

Il se saisit à son tour de son épée de sa main gauche. Il aurait bien sûr pu utiliser l'une des armes terriennes remises par Katsuo et abattre son adversaire d'un seul coup. Mais cela n'aurait pas été amusant.

L'humain se plaça en face de lui. Et attaqua.

Tassilon para sans difficulté. Le nobliau avait une certaine force, il devait bien le reconnaître. Il enchaînait les coups d'épée avec énergie, les yeux flamboyant de rage.

— Tu vas regretter d'avoir attaqué ma famille, hurla-t-il. Et je ne te laisserai jamais plus poser la main sur ma sœur.

Le jeune elfe eut une grimace dégoûtée.

— Si tu crois que j'ai envie de ta sœur... Je la tolérerai tant qu'elle restera le jouet d'Athanasios. Puis je me ferai un plaisir de me débarrasser d'elle lorsqu'il s'en sera lassé.

Robert d'Aspignan poussa un cri de rage.

— Tu ne feras rien du tout pour la bonne raison que je vais te tuer ici et maintenant !

Tassilon eut un sourire ironique.

— Essaie toujours, petit humain...

L'humain s'agitait, de plus en plus essoufflé. Il était un bon combattant. Mais pas assez pour avoir la moindre chance de vaincre Tassilon. C'est lui qui allait mourir. Cela ne faisait pas l'ombre d'un doute.

*

Robert était indiscutablement en difficulté. Il peinait à reprendre sa respiration tandis que l'elfe parait ses attaques, un insupportable petit sourire moqueur aux lèvres.

"Il joue avec moi", songea le chevalier, furibond.

Peut-être aurait-il dû réfléchir davantage avant d'attaquer...

Il se donna une gifle mentale. Non, il ne devait pas se montrer si défaitiste. Il pouvait l'emporter. Libérer Mundus de l'abominable Prince Noir serait un exploit digne des plus grands chevaliers.

Il avait remarqué quelque chose depuis tout à l'heure. L'elfe tenait curieusement son épée, commes'il était peu habitué à cet exercice. Et tenait avec raideur son autre bras près du corps.

"Il est blessé", comprit soudain Robert. "C'est probablement ma chance ! Il faut en tirer partie".

Sans hésiter une seconde de plus, il donna soudain un grand coup dans le bras droit de son adversaire qui, surpris, ne parvient pas à l'esquiver.

L'elfe poussa un sifflement de douleur.

"J'ai vu juste !".

Le Prince Noir s'était cependant aussitôt ressaisi et paraissait à présent  en colère.

— Fini de s'amuser, humain, grogna-t-il. Tu vas passer les dernières secondes de ta vie dans la douleur !

Robert s'autorisa à lui envoyer à son tour un grand sourire ironique.

— Essaie toujours, elfe.

Il eut cependant aussitôt à se repentir de sa fanfaronnade. Le Prince Noir attaqua pour la première fois. Et le jeune homme dut se rendre à l'évidence : tout chevalier qu'il était, il ne faisait nullement le poids face à un elfe en colère.

L'épée de Robert alla valser au loin.
C'était à présent au tour du prince de sourire. Il s'avança lentement vers lui dans une démarche de félin, sûr de sa victoire.

Et s'écroula sur le sol, assommé.

Robert sursauta et posa les yeux sur son sauveur.

— Toi ? s'exclama-t-il avec un mélange d'incompréhension et de colère.

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant