Arthur se sentait d'excellente humeur. Voilà des semaines qu'il n'avait pas été aussi en forme. Il parvenait à ouvrir et fermer sa main gauche sans ressentir la moindre douleur. La potion d'invulnérabilité semblait lui avoir redonné vie. Il avait l'impression d'être un homme neuf.
Bien sûr, cette guérison n'était que temporaire. Une tâche noir recouvrait toujours sa peau maudite. Même ralenti, le mauvais sort d'Absalom allait continuer à s'étendre.
Le jeune homme détourna les yeux de sa main. Il ne voulait pas se préoccuper de cela aujourd'hui. Il faisait beau. Le soleil faisait briller la neige. Il avait envie d'aller se promener à travers la forêt pour gagner la porte intermondiale. Tassilon n'était toujours pas revenu de la Montagne Blanche. Il se sentait seul et souhaitait aller rendre visite à Charlotte sur Terre.
Ignorant les elfes rassemblés dans le salon, le jeune homme ouvrit la porte et sortit à l'air libre. Il semblait à Arthur que le froid le laissait cependant à présent indifférent. Il pouvait en ressentir les picotements sur sa peau, mais ces derniers ne lui procuraient pas la moindre douleur.
Le jeune homme s'accroupit, retira les gants qu'il portait et plongea ses mains nues dans la neige fraîche. Il aurait pu rester des heures dans cette position sans frissonner. Ses doigts en ressortirent légèrement rougis.
Il se releva en tendit le bras droit en avant. Une longue flamme s'éleva sur un mètre de hauteur. Arthur contempla la flaque d'eau qu'elle avait créée avec satisfaction. Il n'avait pas ressenti de douleur particulière. Il aurait toujours à éviter au maximum d'utiliser ses pouvoirs pour ne pas aggraver la malédiction mais pourrait tout de même y recourir largement en cas de besoin.
Il remit ses gants et se mit en route.
Il avait tant neigé ces derniers jours que le paysage semblait avoir été délavé de toute couleur. Seul le blanc s'étendait à perte de vue. Tout bruit avait également disparu. Arthur avait l'agréable impression d'être seul au monde. Il se mit en route sur le sentier désert, respirant l'air frais avec délice. Le trajet à pied jusqu'au château de Beaumont allait lui prendre une bonne partie de la journée. Il aurait pu emprunter un véhicule. Mais il souhaitait avoir un peu de temps pour lui pour mettre de l'ordre dans ses pensées.
Peut-être pourrait-il rester quelques jours sur Terre en attendant le retour de Tassilon ? Il avait envie de passer un moment avec sa bien-aimée, oubliant ses soucis.
Arthur avançait à bonne allure au milieu des sapins de la forêt. Il atteignit le château de Beaumont alors que le soleil était sur son déclin. Jeannette, la servante qui lui servait de complice, l'attendait à l'endroit convenu. Contrairement à lui, elle tremblait de froid.
— B...bienvenue, m...messir Athanasios, bredouilla-t-elle de ses lèvres gelées.
Le jeune homme fronça les sourcils.
— Je vous ai déjà dit de ne pas prononcer mon nom.
Arthur, cependant, craignait moins que jamais de faire une mauvaise rencontre. La potion lui avait donné une telle confiance en lui qu'il se sentait prêt à affronter la garnison de la forteresse toute entière. Et l'affreux Sigebert de Beaumont. Surtout lui. Le jeune homme serait même ravi de pouvoir enfin anéantir son rival dans le cœur de Charlotte une bonne fois pour toute.
Un autre fois, peut-être...
Il rabattit son capuchon pour camoufler son visage et suivit la servante jusqu'à la crypte du château. Il passa au milieu des gisants des ancêtres de la famille de Beaumont et se planta devant la porte intermondiale.
Alors qu'il s'apprêtait à se faufiler entre les deux mondes, il se remémora brusquement son passage par la porte intermondiale en compagnie de Robert, un matin d'hiver enneigé semblable à celui-ci. Cela ne faisait qu'un an mais aurait pu être un siècle. A l'époque, Arthur était collé aux basques des Aspignan, entièrement dépendant d'eux. Il découvrait alors Mundus pour ce qu'il pensait être la première fois. Sa vision du monde était si différente, si naïve.
Le jeune homme prit soudain conscience d'un fait. Il avait pris la bonne décision en choisissant de retrouver ses souvenirs. Il n'aurait pas supporté de rester incomplet à tout jamais.
"J'arrive, ma Charlotte", songea Arthur qui était décidément de fort bonne humeur.
Il fit un pas en avant, plongea dans le froid glacial qui séparait Mundus de la Terre, et atterrit dans le salon de l'hôtel particulier de Versailles.
Le plancher craqua et Henri de Folleville, le gardien de la porte, entra.
Arthur était un peu surpris de le voir. La plupart du temps, le vieil homme évitait de le croiser, terrifié par sa présence.Il n'était que son pion. Tant qu'Arthur garderait sa famille comme otage il était à peu près certain d'être obéi.
Le gardien hésitait, passait nerveusement d'un pied à l'autre comme s'il cherchait à prendre la parole sans trop savoir quoi dire.
— Eh bien, que voulez vous ? demanda sèchement Arthur qui en avait assez.
Le gardien se tordait les mains. Son visage était pâle et son regard fuyant. L'une de ses mains était enfoncée dans la poche de sa robe de chambre, triturant visiblement un objet.
— Je..., bredouilla-t-il, je me disais que... Peut-être... Vous pourriez envisager...de... de libérer ma femme et ma fille. Voilà si longtemps que je ne les ai pas vues...
Arthur haussa un sourcil.
— Pourquoi ferais-je une telle chose ?
Henri de Folleville évita son regard.
— Je vous ai été fidèle. Je mérite... une récompense.
Un rictus étira les lèvres du jeune homme.
— Votre fidélité est contrainte et dépend de l'emprisonnement de votre famille. Votre demande est absurde.
Il ne comprenait pas comment le vieil homme pouvait formuler un tel souhait. Sans plus attendre, il se dirigea vers la sortie.
— Non, attendez ! Je... je...
La voix de gardien devenait confuse tandis qu'il balbutiait des élucubration sans queue ni tête.
Arthur fut pris d'une impression désagréable. Il devenait de plus en plus évident que le gardien n'était pas en train d'hésiter à lui dire quelque chose. Il cherchait à trouver un sujet de conversation. Il voulait gagner du temps et le retenir ici.
Au même moment, Henri de Folleville tourna les yeux nerveusement en direction de la fenêtre.
— Qui attendez-vous donc ? le questionna Arthur en espérant que l'hypothèse qui commençait à germer dans son esprit était fausse.
— P...personne.
Le jeune homme cessa de l'écouter. Il devait partir maintenant. Ignorant cette fois-ci les jérémiades du vieil homme, il se dirigea vers le couloir. Au moment où il allait atteindre l'entrée, un carillon retentit. Il y eut un grincement et la porte donnant sur la rue s'ouvrit. Un homme de haute stature à la peau noire se tint sur le seuil, les cheveux recouverts de flocons de neige.
Absalom.
Arthur se figea. Pendant un instant aucun d'entre eux ne parla tandis qu'ils se jaugeaient mutuellement. Puis Absalom sourit.
— Bonjour à toi, Athanasios. Je t'attendais. Sans doute étions-nous destinés à nous combattre à nouveau. Cette fois-ci, je ne te laisserai pas repartir vivant. Je ne commettrai pas deux fois la même erreur.
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Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2
FantasíaArthur est désormais à nouveau en possession de ses souvenirs. Hanté par son passé, il poursuit ses projets. Attention, ceci est un tome 2. La lecture préalable du tome 1 est indispensable.