47. La barrière magique

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Arthur chevauchait à la tête de son armée, juste à côté de Tassilon et de Brunehaut. Quelques chars de combat les précédaient.

Ils avaient rejoint les troupes envoyées par le roi Odilon il y a deux semaines et celles des les elfes blancs trois jours auparavant. Leur souveraine avait tenu à venir en personne.

« Je ne fais pas cela pour toi », avait-elle déclaré à Arthur d'un ton sec, « mais pour le bien de mon peuple ».

Le jeune homme ne s'en était nullement formalisé. Peu lui importait les motivations. Seul le résultat comptait.

Les retrouvailles entre le Prince Noir et son ancienne cousine avait été un peu froides. Puis les deux elfes avaient recommencé à se disputer sur tout et sur rien, comme à leur habitude. Arthur avait l'impression d'être revenu au bon vieux temps. Mis à part le fait qu'ils étaient en train de conquérir tranquillement le monde.

Arthur se retourna pour jeter un regard anxieux à Charlotte qui se trouvait quelques mètres derrière lui, étroitement surveillée par deux elfes. La jeune fille l'ignora. Elle semblait avoir adopté cette stratégie depuis qu'il l'avait reprise à ses côtés.

« Je finirai bien par me réconcilier avec elle », songea Arthur avec confiance.

Il aurait préféré laisser Charlotte à l'abri quelque part. Il n'était pas prudent de la faire voyager dans son état. Mais il avait eu peur de la perdre à nouveau. Elle était tout à fait capable de s'évader à nouveau. Mieux valait la garder sous les yeux. Il tenait trop à elle. Et n'aimait pas cela. Il était dangereux d'attacher trop d'importance à qui que ce soit. On ne pouvait jamais compter réellement que sur soi-même.

De mémoire d'elfes, une telle quantité de guerriers n'avait pas été réunie depuis l'arrivée des hommes. A cette époque, ils n'étaient pas parvenus à vaincre les envahisseurs. Mais ils disposaient à présent d'un écrasant avantage lié à leur armement. Tous avaient été équipés d'armes à feu dernier cri achetées sur Terre. Les elfes apprenaient vite. Malgré leur répugnance primitive à utiliser de tels outils contraire à leurs traditions, ils avaient fini par accepter de les manier.

Pour couronner le tout, plusieurs hélicoptères survolaient l'avancée des troupes.

Les quelques humains qui avaient tenté de s'opposer à leur passage avec leurs épées et leurs lances archaïques avaient été balayés en un instant. Arthur ne savait même pas s'il devait considérer cela comme de la bravoure ou de la stupidité. Sans doute un subtile mélange des deux ? Ils se faisaient tuer sans même pouvoir avoir une chance d'utiliser leurs armes.

Tous les autres villageois s'enfuyaient avec des cris d'effroi à leur vue. Les elfes les laissaient partir. Arthur avait interdit le pillage. Il ne voulait pas perdre de temps.

Les murailles de Tolone, la capitale du royaume, commencèrent à être visibles quelques heures plus tard.

- Notre but est presque atteint, commenta Arthur à Tassilon. Dans quelques heures, nous pénétrerons dans le palais royal. Je pourrais enfin me venger du roi et de mon emprisonnement.

- La dernière fois que nous sommes sortis d'ici, nous étions cachés dans des caisses à légumes, s'amusa le Prince Noir. Notre entrée d'aujourd'hui sera plus impressionnante.

- Je le pense aussi, sourit son ami.

De là où il était, il lui semblait discerner de minuscules silhouettes qui s'agitaient comme des fourmis au sommet des remparts. Les humains se croyaient-ils réellement à l'abri, protégés par des murs épais ? Ils allaient vite déchanter.

Les elfes s'approchèrent davantage. Les armes étaient prêtes à tirer. Le Prince Noir leva la main.

- Feu ! ordonna-t-il.

Les canons des chars se mirent en action. Il y eut un bruit assourdissant et une épaisse fumée cacha la ville quelques instants. Lorsqu'elle se dissipa, les murailles de Tolone étaient cependant parfaitement intactes.

- Je vois...., soupira Arthur.

Tous les humains n'étaient donc pas si stupides.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'agaça Tassilon. Pourquoi est-ce que les murailles n'ont pas explosé ?

Le jeune homme désigna le ciel au dessus de la cité.

- Tu vois ce reflet légèrement bleuté ? C'est une protection magique. Tolone abrite de nombreux mages. Notre avancée n'a pas été des plus discrète. Ils ont eu le temps de se renseigner sur nos armes et ont mis au point cette barrière.

Le Prince Noir grogna.

- Et alors ? Qu'est-ce qu'on va faire ?

Arthur se laissa glisser de sa selle.

- Je m'en occupe.

Le jeune homme s'avança de quelques mètres. Il se sentait excité par ce nouveau défi. Il n'était pas amusant de gagner trop facilement.

Le jeune homme fit encore quelques pas, tâtant l'air du bout des doigts. Il finit par rencontrer une résistance invisible. Il posa ses deux mains à plat sur la barrière. Sa consistance semblait à la fois solide, liquide et gazeuse. Arthur pouvait en sentir la puissance par de petits éclairs de magie qui la faisait doucement crépiter.

- Fais attention Athanasios, s'inquiéta Tassilon qui l'avait suivi. Tu es à portée de leurs tirs.

Le jeune homme secoua la tête.

- Je ne pense pas. Cette barrière doit certainement fonctionner dans les deux sens. Si nous ne pouvons pas les atteindre, ils ne peuvent pas non plus nous attaquer.

- Hm... Si tu le dis...

- Je suis prêt à parier sur ce postulat. Reste en retrait, Tass'.

Ce n'était pas une barrière magique de rien du tout qui allait l'arrêter. Il avait bien réussi à changer de monde sans porte intermondiale alors qu'il était enfant. Ce nouveau défi ne représentait presque rien pour lui. Les mages humains n'avaient réussi qu'à gagner un peu de temps.

Arthur ferma les yeux, les mains toujours posées à plat sur la barrière. Il rassembla toute son énergie la plus destructrice, toute sa puissance et la déversa contre la paroi. La volonté des mages heurta la sienne de plein fouet. Ils étaient déterminés à donner toute leur force pour l'empêcher de passer.

Ils n'avaient aucune chance.

Des petites flammes s'élevèrent sur la protection magique. Elles grimpèrent de plus en plus vite. La ville semblait à présent entouré d'un dôme enflammé.

Arthur recula, les yeux fixés sur la barrière. Il n'avait plus qu'à attendre. Le jeune homme avait perdu toute notion du temps. Il aurait été incapable de dire depuis combien de temps il se trouvait dans cette position. Il lui semblait qu'ils étaient arrivés devant la ville au coucher du soleil. Il aurait à présent fait nuit noire si la lueur de la barrière en flammes n'avait éclairé la scène comme en plein jour.

Les elfes avaient allumé d'autres feux pour se réchauffer et s'étaient mis au repos.

La barrière céda d'un coup. Arthur eut l'impression d'entendre comme un craquement. La magie de ses adversaires se fissura à toute allure. L'instant d'après, la protection vola aux éclats.

Les elfes se redressèrent aussitôt.

- Feu ! ordonna à nouveau Tassilon.

Les canons tirèrent, perçant cette fois-ci un large trou dans les murailles. Les guerriers s'élancèrent alors dans la brèche avec des cris féroces.

Les humains avaient d'ores et déjà perdu.

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant