Nous étions retournés au manoir d'Athanasios quelques jours après mon dernier entretien avec Arthur.Nous nous dirigions nuitamment vers le château de Beaumont pour emprunter la porte intermondiale. Le clair de lune n'éclairait le chemin pierreux que sur quelques mètres devant nous. La forêt que nous traversions était noyée dans une profonde obscurité chargée d'effroi. Seuls le bruit des sabots de nos montures et les hurlements de loin en loin d'animaux nocturnes troublaient le silence.
Arthur paraissait avoir repris quelques forces et chevauchait sans exprimer de douleur. J'observais de temps à autre la main blessée du jeune homme qu'il avait recouverte d'un gant. Je ne savais pas très bien si je devais ou non considérer cette malédiction comme une bonne ou une mauvaise chose. Une part de moi le plaignait, mais Athanasios était, après tout, mon ennemi. Je devais m'habituer à le considérer comme tel.
Arthur vint se mettre à ma hauteur, m'arrachant à mes réflexions.
— Je ne serais pas fâché de rentrer à la maison, soupira-t-il. Un peu de repos me fera du bien.
Je l'ignorai, vexée de la façon discourtoise avec laquelle il m'avait éconduite lors de notre dernière conversation.
— Puis je pourrais reprendre mes projets, à l'abandon depuis trop longtemps.
Je restai tout aussi muette.
Il me jeta un regard en biais.
— Bouderais-tu ?
— Non, grommelai-je entre mes dents. Je suis fatiguée et trouve absurde de chevaucher ainsi de nuit. Voilà la meilleure façon de se rompre le cou.
Arthur soupira.
— Il serait dangereux pour nous de nous déplacer en plein jour.
— On dit qu'il n'y a que les voleurs et les assassins qui agissent ainsi, observai-je d'un ton glacial. Oh, mais voyons : c'est ce que vous êtes.
Le jeune homme haussa les épaules avec indifférence.
— Ne t'inquiète pas, ma douce Charlotte. Bientôt nous pourrons nous promener au grand jour.
Cela ne me rassurait pas particulièrement. Je regardai Arthur sans dissimuler ma préoccupation, mais il sombra à son tour dans le mutisme. Il ne me faisait pas assez confiance pour me faire part du moindre de ses projets. C'était à moi de faire en sorte que cette situation s'améliore. Pour pouvoir arrêter Athanasios, encore fallait-il que je sache ce qu'il avait exactement en tête.
La traversée des deux portes se passa sans difficulté. La servante du château de Beaumont qui travaillait pour Athanasios nous attendait. Le gardien de Versailles aussi. Étant un bon ami de mon oncle Philippe, il m'avait immédiatement reconnue. Ses yeux exprimaient la surprise. Que pouvait-il donc s'imaginer ? Que j'avais rejoint le camp d'Athanasios ? Bien des gens devaient le penser. J'avais été surprise en train de l'aider ouvertement lors de notre bref passage en Écosse.
Déprimée par ces réflexions, je sortis avec Arthur et ses compagnons dans les rues de Versailles. Un elfe était venu nous chercher en voiture pour nous amener au manoir. Nous gagnâmes rapidement la propriété alors que le jour se levait.
Arthur sortit de la voiture et embrassa du regard l'édifice.
— C'est étrange de revenir ici, remarqua-t-il. Techniquement, je n'en suis parti qu'il n'y a que quelques jours, mais, d'une autre façon, cela fait aussi plusieurs mois.
Une ombre noire volante se dirigea droit vers lui. Puis l'oiseau qu'Arthur avait adopté se posa sur son épaule en croassant.
— Cid ! s'exclama le jeune homme avec affection. Tu m'a manqué.
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Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2
FantasíaArthur est désormais à nouveau en possession de ses souvenirs. Hanté par son passé, il poursuit ses projets. Attention, ceci est un tome 2. La lecture préalable du tome 1 est indispensable.