8. Possession

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Arthur continuait à avancer à grands pas le long des champs et prairies. La campagne était déserte à cette heure matinale et aucun véhicule n'était en vue. Si la route n'avait été goudronnée, on aurait presque pu se croire à Mundus.

Le jeune homme était plongé dans ses réflexions. Il aimait le calme et la solitude. Marcher en silence l'avait toujours aidé à faire le ménage dans sa tête.

"Je ne dois pas me laisser distraire de mon objectif", songea-t-il avec fermeté. "Avoir fréquenté un moment l'autre camp ne peut que me renforcer dans mes convictions".

L'image de Charlotte lui traversa l'esprit et il rougit sans pouvoir s'en empêcher. Une sincère affection le liait à la jeune fille et il espérait que les sentiments qu'il ressentait seraient un jour réciproques. Il n'avait pas la moindre intention de la laisser à un autre. Ils étaient faits pour être ensemble. Quoi qu'en pensent les Aspignan, Tassilon ou le monde entier.

"Je suis tout de même mieux que ce Sigebert de Beaumont", bougonna-t-il intérieurement. "Je ne vois pas du tout ce que Charlotte lui trouve".

Une petite voix au fond de lui lui soufflait que garder prisonnière sa bien aimée n'était pas un comportement des plus appropriés, mais il se refusa à écouter une recommandation aussi déplaisante. Charlotte finirait bien par se laisser convaincre de l'aimer. De gré ou de force.

Ses pensées dévièrent vers ses projets. Contrairement à ce qu'il faisait croire à Tassilon, ces derniers étaient encore peu avancés. Armer les elfes noirs d'équipements modernes était une première étape importante mais pas encore suffisante. Les troupes du Prince Noir étaient peu nombreuses, peu disciplinées. La majorité des elfes n'acceptaient d'obéir qu'à leur roi, Odilon, le père de Tassilon. Or Arthur avait besoin de plus grands effectifs.

Pourrait-il même convaincre les elfes blancs de se rallier également à son camp ? Peut-être par l'intermédiaire de Brunehaut, celle qui s'était longtemps cru la cousine de Tassilon ? Non. Elle n'avait jamais aimé Arthur et lui en voulait de l'avoir livrée à la reine des elfes blancs en échange de la fiole des souvenirs. Elle l'avait laissé entendre on ne peut plus clairement lors de leur dernier entretien... Et les elfes blancs et noirs étaient opposés depuis bien trop longtemps pour pouvoir se réunir aisément. Si seulement Arthur pouvait leur trouver un but commun...

Arthur entendit brusquement un craquement de branches et se retourna aussitôt.

Le soleil levant l'éblouit un instant. Puis il perçut un silhouette en mouvement. Une humaine vêtue à la mode mundissienne s'avançait à grands pas vers lui. Le jeune homme remarqua tout de suite qu'il y avait quelque chose d'étrange à propos de cette femme. Ses gestes étaient outrés, comme si elle était en proie à la folie. Elle avançait par à coups, tenant entre ses doigts tremblants une longue dague. Qu'elle brandissait en direction d'Arthur.

La vue du jeune homme parut renforcer son excitation. Poussant un cri sauvage, elle se précipita sur lui, la lame pointée droit vers son cœur.

Les réflexes d'Arthur entrèrent en action. Sans réfléchir davantage, le jeune homme actionna ses pouvoirs contre la femme qui fut propulsée à plusieurs mètres de là et s'écroula, inconsciente.

Une horrible douleur transperça la main gauche d'Arthur.

Il laisse lentement son regard descendre jusqu'à sa main blessée. La zone verdâtre s'étendait à présent sur quelques centimètres carrés en dessous de l'auriculaire déjà atteint.

Le jeune homme déglutit en détournant les yeux. Comme il s'y était attendu, l'usage de la magie aggravait effectivement son état. Il n'avait pourtant fait appel qu'à une infime part de ses pouvoirs.
Il était nécessaire d'éviter au maximum d'utiliser la magie tant qu'aucune solution n'aurait été trouvée. Ce qui était pour le moins frustrant. Arthur venait tout juste de retrouver toutes ses capacités.

Une bouffée de haine envers Absalom le saisit. Comment se dernier parvenait-il à se faire passer pour un modèle de droiture ? Il avait fait emprisonner Arthur alors que ce dernier avait perdu la mémoire et était donc aussi innocent qu'il pouvait l'être. Et il avait empoisonné ses souvenirs sans même le mettre en garde. Comme s'il avait souhaité que le jeune homme boive un jour le flacon contenant sa mémoire pour que la malédiction puisse s'accomplir. N'était-ce pas là une preuve de sadisme ?

Serrant les dents, Arthur s'avança vers le corps inanimé et s'accroupit à côté de la femme pour l'examiner plus attentivement. Elle devait avoir une trentaine d'année. Sa robe en toile grise et son chaperon laissaient à penser qu'elle était originaire de Mundus et non de la Terre. Quelqu'un lui avait donc fait franchir la porte intermondiale.

Qui pouvait être responsable de cette attaque bien maladroite ? Ce n'était pas le style d'Absalom. Il serait venu lui-même s'il avait su comment localiser Arthur. Rose, peut-être ? Oui, c'était probable. Sa chère petite sœur avait bien lancé à ses trousses des ominosi alors qu'il était particulièrement vulnérable.

Mais comment Rose parvenait-elle toujours à savoir où il se trouvait ? Et de quelle façon s'y était-elle pris pour utiliser cette femme ?

Arthur souleva l'une des paupières de son agresseur. Les pupilles dilatées de la femme étaient presque entièrement blanches.

"On aurait dit qu'elle était comme possédée... Je me demande comment fonctionne cette magie", songea le jeune homme, intéressé.

Mais les petits tours de sa sœur commençaient à l'agacer singulièrement. Ne pouvait donc t-il pas se promener sur Terre en paix ? Fallait-il qu'il se fasse agresser à chaque coin de rue ?

Rose venait cependant de lui donner une excellente idée qui lui permettrait de régler plusieurs difficultés d'un seul coup...

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant