28. Le vieux mage

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Arthur envoya le jeune mage valser contre une étagère. La tête de son adversaire heurta le bois dans un craquement sinistre et il s'écroula sur le sol, inconscient. Le mal était cependant fait. L'alerte avait été donnée.

Cessant de chercher à demeurer silencieux, Arthur se précipita en direction de la sortie de la bibliothèque, sa lampe de poche à la main. Il devait sortir de l'Académie au plus vite.

Zigzaguant entre les rayonnages, il eut le temps de parcourir deux salles avant de voir surgir une petite troupe de gardes sur le qui-vive.

— Halte-là, cria le plus audacieux.

Le jeune homme lui fit subir le même sort que le mage d'un geste de la main.

Ses camarades reculèrent aussitôt d'un pas.

Arthur prit un air menaçant, essayant de cacher la douleur insoutenable qu'il ressentait dans le bras jusqu'à l'épaule.

De nouveaux bruits de pas se firent entendre et quelques mages en habits de nuit surgirent à leur tour, essoufflés.

Arthur luttait contre la panique. Les mages lui coupaient toute retraite. Il n'aurait aucune difficulté à vaincre chacun de ces adversaires bien plus faibles que lui s'il s'agissait de combats à un contre un. Il lui était bien plus difficile d'affronter une dizaine d'adversaires à la fois. S'il avait disposé de ses pleines capacités, l'épreuve aurait été plus aisée, mais dans l'état dans lequel il se trouvait actuellement...

— Laissez-le moi ! Laissez-le moi, bande d'idiots ! cria soudain une nouvelle voix féroce.

Un vieillard en robe de chambre mauve, la tête surmontée d'un bonnet de nuit avançait à grandes enjambées, appuyé sur sa canne.

Arthur le reconnut aussitôt : c'était le mage spécialiste de langues anciennes qui avait étudié la marque elfique qu'il portait sur sa main lors de son précédent séjour à l'Académie.

— Mais professeur..., protesta l'un de ses élèves.

Le vieil homme le foudroya du regard.

— Taisez-vous, jeune sot. C'est à moi de l'arrêter. J'aurais dû reconnaître la noirceur de cet infâme démon lorsque je l'ai rencontré pour la première fois.

Jetant sa canne sur le côté, il fit face à Arthur dans une position martiale. Malgré son âge avancé, il était curieusement effrayant. Sans plus attendre, il lança aussitôt une attaque magique en marmonnant dans sa barbe.

Arthur dévia sans peine le rayon chaud dirigé droit vers son visage. Il arrêta avec la même facilité le second. Le troisième lui entailla l'épaule.

Il était temps de mettre fin à ce combat.

Arthur leva le bras et envoya le vieillard face contre terre. Il s'approcha vivement de son adversaire et le releva en le tirant par sa robe de chambre. Il pointa alors son pistolet contre sa tempe. Le mage, pourtant à moitié sonné, se débattit aussitôt en cherchant à se dégager. Ses élèves s'étaient cependant figés.

— Savez-vous ce qu'est cette arme ? demanda Arthur d'une voix calme.

— Une diablerie terrienne, bredouilla l'un des élèves.

Le jeune homme acquiesça.

— Exactement. Si j'appuie sur la gâchette, j'enverrai la cervelle de votre cher professeur gicler sur le sol. Je vous conseille donc de me laisser gagner la sortie en paix.

Il s'autorisa alors à envoyer à ses adversaires son sourire le plus tordu, les faisant frémir.

— Ne l'écoutez pas ! rugit le vieillard en se tortillant de plus belle. Quand on a vécu aussi longtemps que moi, on se soucie peu de la mort.

Il entreprit dans le même temps de donner des coups de pieds à Arthur qui peinait à le maintenir.

Agacé, le jeune homme lui fit à moitié perdre connaissance. Le vieillard pendait à présent mollement dans ses bras, hagard.

Une douleur insoutenable traversa tout le bras gauche d'Arthur. Il avait l'horrible impression qu'il allait lui aussi s'évanouir à tout instant.

"Pas maintenant", songea-t-il désespéré.

Il ne voulait pas perdre. Pas de cette façon si pathétique.

Les élèves mages restaient immobiles, indécis. D'autres ne cessaient d'arriver. Arthur entraperçut parmi eux le frère aîné de Robert.

Si ses adversaires décidaient de l'attaquer, il n'avait aucune chance. Il était bien trop mal au point, même s'il parvenait tant bien que mal à le cacher.

— Faites place, ordonna-t-il.

Il fit un pas en avant, traînant le vieillard avec lui.

A son grand soulagement, les élèves s'écartèrent aussitôt, effrayés.

Arthur s'engagea à travers le chemin qui avait été ouvert dans leurs rangs. Il s'avançait d'un pas assuré, résistant à la tentation de se retourner. Il sentait le regard des mages fixés dans son dos. Aucun d'entre eux ne l'attaqua. La réputation du maléfique Athanasios suffisait à les tenir éloignés.

"Ces humains sont si faibles, si méprisables".

Le corps du vieux professeur inerte était lourd à porter. La douleur de son bras était si vive que le jeune homme se retenait difficilement de crier. Il avançait péniblement le long du couloir, suivi à bonne distance par une troupe grossissante de mages. La vision d'Arthur était trouble et sa tête lui tournait violemment. Il voyait à peine où il mettait les pieds. Il espérait ne pas être en train de se tromper de direction en cherchant la sortie.

Le jeune homme entendait les mages chuchoter derrière lui. Accompagné de ce grondement hostile, il continuait à avancer le long de l'interminable couloir.

Enfin, il aperçut la sortie. Un dernier effort était à fournir.

Arthur tendit la main en avant et fit apparaître le pont de lumière. Le retour de bâton faillit le faire vomir.

Le jeune homme se redressa sans se retourner.

— Que personne ne me suive au-delà de la porte, déclara-t-il froidement.

Aucun mage n'osa lui répondre. La traversée lui parut durer des heures. Enfin, il posa le pied sur la berge. Il avança le plus loin possible jusqu'à disparaître dans les arbres.

Il abandonna aussitôt le corps du mage inconscient avec un grognement de douleur. Combien de temps se passerait-il avant que les mages ne se lancent à sa poursuite ? Il était aussi faible qu'un nouveau né.

Où se trouvait donc l'hélicoptère ?  Arthur ne voyait rien et n'avait pas la force d'appeler Katsuo. Il trébucha et tomba en avant, à bout de souffle. Il se recroquevilla derrière un buisson. Était-ce la fin ? Le terrible Athanasios allait-il se faire arrêter ainsi, caché comme un animal blessé ?

Il peinait à garder connaissance. Des pas se dirigeaient vers lui. Il sentit quelqu'un le secouer et un visage familier s'approcha du sien.

— Arthur ? s'inquiéta Katsuo.

Le jeune homme vit son camarade s'accroupir à ses côté comme dans un rêve.

— Ne dis rien à Tassilon, gémit-il avant d'achever de s'évanouir pour de bon.

Daemoniaci. La geste d'Arthur Montnoir, livre 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant