Je sentis mon cœur accélérer sous le coup de sa question. Je savais que c'était censé arriver. Je savais qu'elle finirait par me poser la question à laquelle je ne voulais absolument pas répondre. Pourtant, ses yeux clairs restaient fixés sur moi, attendant quelque chose de précis. Et tout ce que j'ai pu faire, c'est baisser les miens.
- Ton papa alpha est... Il est loin.
- Pourquoi il ne vient pas me voir ? Il ne m'aime pas ?
Une boule se forma au fond de ma gorge. La vérité, c'est que cet alpha ne connaissait pas l'existence de Maud. Je m'étais bien gardé de lui avouer qu'il avait une fille. Qui sait de quoi il aurait été capable ?
- Il... Il ne peux pas venir. Ma chérie, je n'ai pas de réponses à tes questions. La dernière fois que je l'ai vu... Nous ne sommes pas en très bons termes. Je suis vraiment désolé.
Elle baissa la tête, comprenant aisément que je n'en dirai pas plus aujourd'hui. C'était arrivé si vite. Je n'avais jamais pris le temps de trouver une excuse valable pour lui. Il allait falloir que je m'y attelle.
Nous avons joué un moment avant que je la mette au lit. Après une histoire et un gros câlin, je la laissais s'endormir, retournant dans le salon pour m' avachir devant la télé comme un mollusque.
Le lendemain, en retournant au bureau, je restai distrait. Que pourrai-je bien inventer pour que Maud ne me pose plus de questions ? Toute la nuit, j'avais réfléchi à des scénarii tous plus abracadabrants les uns que les autres. Il fallait pourtant que je me démène pour stopper les questionnements de ma fille.
Tandis que je plongeais ma tête dans mes mains, j'entendis la porte du bureau s'ouvrir.
- J'ai les nouvelles estimations du projet BL70.
Reconnaissant la voix d'Erkan, je me tendis avant de me tourner vers lui et le paquet de feuilles qu'il avait en main. J'ai saisi le dossier.
- Merci.
Je me suis à nouveau mis face à mon bureau, tout en notifiant le fait qu'il n'avait pas bougé. Il a fait le tour de mon bureau et s'est installé sur la chaise qui me faisait face. J'ai levé les yeux un quart de seconde avant de continuer de lire. Il me regardait. Les bras croisés sur son buste, il avait les yeux fixés sur moi.
Pourquoi restait-il là à me scruter comme un animal guettant sa proie ? Un second coup d'œil confirma ma première pensée. Je priais pour qu'Alex revienne vite de sa pause clope.
- Lael, pourquoi tu ne m'apprécies pas ?
- Ce n'est pas le cas, Monsieur. Répondis-je rapidement pour mettre un terme à cette conversation des plus déplaisantes.
- Dans ce cas, quel est le souci ? Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ?
À part naître alpha, s'incruster dans ma bande de collègues et détruire mon petit havre de paix au boulot ? Rien !
- Non, Monsieur.
Il soupira.
- Je m'appelle Erkan, tutoie-moi, s'il te plaît.
Tandis que je relevais les yeux vers lui, il m'a souri. Je me suis renfrogné.
- Vous êtes mon superviseur. Je dois vous vouvoyer.
- Mais on a presque le même âge ! S'indigna-t-il. On pourrait être ami !
Je me levais de mon siège, un peu brutalement.
- Excusez-moi.
Je quittais mon bureau d'un pas vif, priant pour qu'il ne me rappelle pas. Je tapais du pied nerveusement devant la photocopieuse. Je ne l'aime pas. Il a quelque chose de dangereux, d'animal, dans le fond des yeux. Il a beau être doué dans son travail, rien ne prouve que ce n'est pas le pire des connards sur son temps libre. Et je n'allais pas rester planté là, à attendre de le savoir. Pour le bien de Maud et le mien, moins de personnes nous approcherons, moins nous serons en danger. Jamais je ne voudrais être ami avec un alpha. Qui leur ferait confiance? Ils sont si fourbes.
En retournant ensuite à mon bureau, je remarquai la présence d'Alex, rassuré de l'absence d'Erkan.
- On sort ce soir ?, me demanda-t-il.
- Tu me prends un peu de cours. Je vais demander à Calista si elle est disponible.
J'attrapai mon portable et envoyai un sms à ma baby-sitter avant de me remettre au travail. Quelques minutes plus tard, mon téléphone sonna.
Bonjour Mister B ! Aucun souci pour ce soir ! Je peux être là pour 20h, ça vous convient ?
Je grimaçai au surnom. Je ne l'appréciais pas trop, mais c'était un accord entre Calista et moi. Elle avait le même âge que moi et, bien que je lui ai demandé plusieurs fois de m'appeler par mon prénom, elle s'y refusait. À l'entendre, je restais son employeur et donc, elle me devait un certain respect. Je lui ai donc demandé de choisir comment elle allait m'appeler, en lui précisant d'éviter le « Monsieur » que je trouvais trop cérémonieux. Elle a choisi « Mister B », parfois elle le prononçait à l'anglaise et d'autre fois non.
Je confirmai son heure d'arrivée et relevai la tête vers Alex.
- C'est bon pour Calista. Alors, on va où ?
- Je sais pas trop, t'aurais envie de quoi ?
Je m'affalai dans mon siège en soupirant.
- Un truc calme ? Où on pourra discuter sans devoir se hurler dessus pour s'entendre.
- Bonne idée, du coup, on va au bar des Ombres ?
Je me redressai sur mon siège brusquement.
- Oh ouais ! J'adore ce bar ! Ok ! On va là-bas !
Cette fois, j'étais content ! Passer un moment dans un endroit que j'aimais avec des gens que j'appréciais était tout juste ce qu'il me fallait ! Nous nous sommes mis d'accord pour nous rejoindre là-bas sur les coups de vingt-et-une heures et en sortant du bureau, j'étais déjà excité comme une puce !
J'ai rapidement été récupérer Maud à l'école qui m'a affirmé que sa journée avait été excellente. Cette nouvelle m'a réjoui.
VOUS LISEZ
Le miel et les épices [MxM - α/Ω] [terminé]
RomansaLael est un jeune oméga de vingt-et-un ans. Il est aussi le père de Maud, six ans. Il tente désespérément de vivre une vie normale avec son enfant, après avoir fuit la maison familiale alors qu'il était enceint. Mais l'arrivée du nouveau superviseur...