« Ça commence par un baiser, ça finit par un bébé. »
Proverbe Québécois
2020, Paris, 18e arrondissement, lundi 16 mars
-Cameron, que s'est-il passé après que tu m'ais envoyé ce fameux message ?
-On s'est mis dans une salle de bain. J'étais complètement saoul.
Gab me regarda dialoguer, je n'arrivais pas à discerner les sentiments qui transparaissait de ses yeux. C'était la première fois que je n'arrivais pas à comprendre ces sentiments et j'eus un pincement au cœur, j'avais l'impression que cela nous divisait encore un peu plus.
Je savais qu'après cet « épisode », les sentiments que Gab éprouvaient peut-être à mon égard avant disparaitraient comme par magie. Il n'y aurait pas de retour en arrière. J'étais effrayée, totalement apeurée.
-L'alcool n'excuse pas tout, Cam.
Cam, je l'avais appelé Cam... comme avant. J'étais totalement à la ramasse.
Mila, sa femme, écoutait attentivement nos échanges, attendant une sentence qu'elle ne connaissait pas mais qui n'allait pas lui rester inconnue encore longtemps.
-Mila, suis-moi.
Je la détachai rapidement, la faisant passer devant moi dans les escaliers.
-Pourquoi je suis là ? On a mangé il y'a moins d'une heure et je n'ai pas faim. Pourquoi je suis là ? T'inquiéterais-tu pour moi ?
-M'inquiéter ? Pourquoi je le serais ?
-À cause de ce que je vais apprendre après ?
-C'est toi qui devrait être inquiète, c'est ton mari et le père de ton gosse, pas le mien.
-Comme je l'ai dit le jour de mon mariage et je le répèterai, « pour le meilleur et pour le pire ».
-La descente sera le pire, tu vas descendre tellement bas que tu te demanderas comment tu pourras remonter.
On se détailla du regard, elle me regarda de la tête aux pieds.
-Tu verras enfin ce que c'est que de voir le fond. D'attendre impatiemment que quelqu'un vienne t'aider.
-Cameron sera là, je ne le ferai pas partir et je ne partirai pas non plus.
Je souris face à sa naïveté. Elle était aveuglée par sa confiance envers son mari, c'était normal et je la comprenais. Dans mon souvenir, Cameron n'était pas quelqu'un à qui on offrait sa confiance mais c'était sa femme et peut-être c'était-il assagi.
-Va prendre une douche si tu veux, dis-je lui montrant ma salle de bain sans une once de méchanceté.
Elle s'y dirigea doucement, regardant avec insistance ce qui trônait sur mes meubles. Des cadres, mon ordinateur, mes livres, mes clés, elle détaillait tout comme pour se souvenir après mon départ, ou tout simplement pour pouvoir donner des informations aux flics, si c'est ce qu'elle pensait, elle était beaucoup plus naïve que ce que je croyais.
Je m'installai dans mon canapé en l'attendant, je l'entendis se préparer, se précipiter, faire couler l'eau et rentrer dans la douche en fermant la porte de la salle de bain.
En sortant, elle me glissa un « merci » à peine audible.
-C'est une fille ou un garçon ? demandai-je alors que je savais très bien qu'elle n'avait pas la réponse, elle n'avait le ventre arrondi que très légèrement, elle devait être enceinte de deux mois, deux mois et demi tout au plus.
-Je ne sais pas, j'espère un garçon, elle commençait à se projeter c'était bon signe pour elle, elle voulait le garder, on le voyait. En fait non, je le voyais. J'étais la seule à le savoir.
-Tu verras quand tu le sentiras bouger tu t'en foutras complètement du sexe, tu voudras juste qu'il soit là et en bonne santé.
J'étais en plein rêve, je donnais des conseils sur les grossesses à Mila, la femme de Cameron. Comme quoi tout était possible dans la vie. Je ne sais pas quelle mouche m'avait piqué mais je lui dis alors :
-Cameron fera un merveilleux papa.
Le pire n'étant pas de le dire mais de le penser parce que je le pensais. Il avait grandi, muri, il était arrivé à un stade dans sa vie où avoir un enfant était la consécration.
-Tu n'en penses pas un mot. On est d'accord ?
Je réfléchis encore quelques instants pour être sûr.
-Si, ton mari sera un bon père.
Cette discussion n'avait aucun sens. J'étais vraiment en train de donner des conseils à la femme de mon « pire ennemi ». Même si j'avais dit que Cameron ferait un bon père, il n'en restait pas moins cette personne que je ne pouvais apprécier. Son passé m'empêcherait toujours de l'apprécier totalement. Prise d'un élan de pitié, je continuai et demandai :
-Es-tu prête à redescendre ?
Dans ma tête, je pensai « es-tu prête à découvrir la partie sombre de ton époux ? ». Elle hocha la tête sans réponse verbale.
On dévala les escaliers, stressée pour elle, impatiente pour moi. C'était ma dernière journée ici, la plupart des cartons (pour le peu) était fait, ma chambre, la salle de bain, la cuisine, et quelques choses inutiles de la salle à manger. Je laissais les meubles ici, la maison avait été louée meublée. Ce soir, je serais dans le train. Demain, je serais chez moi à Sanary avec ma fille.
Avant d'ouvrir la porte, elle me demanda d'un coup :
-Tu penses vraiment que Cam a envie d'un enfant ?
Je sentis toute la peine dans sa voix, toute l'hésitation.
-Tu es enceinte, vous l'avez fait à deux cet enfant même s'il n'était pas voulu, vous vous aimez il y'a pire situation que deux gens qui s'aiment et font un enfant.
J'étais en train de donner de l'espoir à une femme qui cinq minutes plus tard serait sûrement sur le point de demander le divorce. Étais-je vraiment devenue aussi sadique ? Ou alors j'étais simplement obsédée par mon idée de vengeance ?
-Mila, écoute, je suis désolée pour ce qui va se passer, encore haineuse je rajoutai : je ne suis pas comme vous, je vais te dire la vérité, tu vas être détruite après cette discussion, complètement détruite, tu vas tout remettre en question, ton amour et surtout cet enfant, je sais ce que c'est, je suis passée par là. Crois-le ou non, Cameron t'aime, cet enfant est voulu.
Elle hocha la tête comme une enfant venant de se faire gronder.
-Tu as raison, Cameron est un mari parfait, il sera un père parfait, dit-elle plus pour se convaincre que pour me convaincre.
J'ouvris la porte et allumai la lumière. Mila se plaça devant moi instantanément et mit ses mains dans son dos.
Je nouai Mila à la chaise sans oublier de les serrer bien fort.
-Nous pouvons reprendre.
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TOUT GÂCHER
RomanceAmbre s'appelle Jade depuis qu'elle a tenté de se suicider après des mois de harcèlement. Elle avait 16 ans. Maintenant, elle en a 26, et elle n'a pas oublié, elle se réveille chaque nuit par des cauchemars. Elle est revenue pour se venger, se venge...