Chapitre 31 : Départ et au-revoir

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« Le temps file, le temps n'attend personne. Le temps guérit toutes les blessures. Tous autant que nous sommes nous voulons plus de temps. Du temps pour se relever, du temps pour grandir, du temps pour lâcher prise. Du temps. »

Grey's Anatomy

Meredith

2020, Paris, 18e arrondissement, lundi 16 mars

J'ouvris lentement les yeux sous une lumière aveuglante, je posai une main sur ma tête qui me faisait un mal de chien. Quand ma vision se fut habitué à la lumière, j'essayai de poser mon regard sur quelqu'un. Était-on encore dans le sous-sol de cette folle d'Ambre ? Oui, toujours assis sur ces chaises inconfortables. Pourtant, on était tous détaché ce qui signifiait sûrement que l'on pouvait partir. Je portai mon regard sur ma femme ou ex-femme si elle se décidait de me quitter, qu'elle était belle, elle était mienne et je ferais tout pour qu'elle le reste.

Je me levai les jambes engourdis, et me dirigea vers elle quand je butai avec mon pied sur une petite chose, mon portefeuille et mon téléphone éteint, je les récupérai avant de les mettre dans ma poche arrière. Je repris mon chemin vers ma femme, elle dormait profondément.

Je m'approchai encore un peu d'elle en lui déposant un chaste baiser sûrement le dernier mais elle ne se réveilla pas pour autant.

Gabriel au contraire se réveilla, il ouvrit un œil puis l'autre et posa son regard sur moi.

-Elle est partie, pas vrai ?

J'hochai la tête et lui la baissa. Il ne posa aucune autre question.

J'essayais à nouveau de réveiller ma femme mais elle ne voulut m'écouter.

Je m'assis alors en tailleur sur le sol devant elle et jetai un coup d'œil à Gabriel, il regardait fixement quelque chose dans son portefeuille. Il avait les larmes aux yeux et je me doutai que ce cadeau laissé par Ambre n'était pas du tout un cadeau.

Les autres se réveillèrent presque simultanément, d'abord Maddy, Romain, Jordan, Maël et Emma puis quelques minutes après le reste nous rejoignirent.

Gabriel n'avait toujours pas détourné le regard de son portefeuille mais mon attention ne se portait pas sur lui mais sur elle, ma femme.

Personne n'osait parler, on ne savait pas quoi se dire, c'était bien la première fois.

Mila me fixait dans les yeux sans détourner une seule fois ses yeux. Je me demandai si elle m'en voulait, si elle comptait me quitter, si une erreur de mon passé empièterait sur mon présent et mon avenir.

On se leva chacun notre tour, bien décidés à partir quand Maddy nous demanda de nous arrêter.

-Regardez, il y'a une vidéo.

Je pris automatiquement la parole :

-On s'en fout, elle est partie, on ne lui doit plus rien, on n'a pas à regarder ça, dis-je prenant le chemin vers les escaliers.

Maddy ne m'écouta pas puisqu'elle appuya sur « play » et que la vidéo démarra.

Je la reconnus tout de suite, c'était notre président qui parlait, c'était une vidéo contre le harcèlement. Elle avait été virale il y'a moins d'un an. 

-Une personne qui est souvent seule, moquée par un autre groupe d'élèves, commença la vidéo.

Elle avait privilégié des moments en mettant le son plus fort.

-Moquée en direct dans la cour, dans la classe, sur les réseaux sociaux, continua-t-elle.

Elle avait bien choisi ses moments, comme toujours. Elle était très maligne.

-Vous vous dîtes peut-être que ce n'est pas grave.

On a compris.

-Vous vous dîtes au fond « ce n'est que des blagues ».

Ce n'était que des blagues.

-Je vous demande pendant cette minute de vous mettre à sa place.

Je fis un tour sur moi-même. Elle avait réussi. Jade ou Ambre, celle dont je ne savais plus le nom, tous ceux qui étaient dans la salle étaient en pleine réflexion et je savais qu'ils faisaient ce que Macron voulait « se mettre à sa place ».

-D'imaginer la solitude, l'humiliation, les blessures, les blessures d'aujourd'hui et les blessures qui vont durer à cause de cela.

On avait bien remarqué.

-Parce qu'il faut choisir très simplement. Soit vous continuez à vous taire, à sourire de temps en temps vous aussi à vous moquer, et alors c'est simple, vous devenez complices. Et vous devenez complice de quelque chose qui a un nom, cela s'appelle le harcèlement.

Je ne vais pas faire le choqué mais je le savais.

-Il tire sa force uniquement de son nombre et en fait même pas il tire sa force de votre silence, de notre silence.

Je me moquais mais au fond je savais qu'il avait raison et qu'elle aussi, on était coupables.

-Bonne soirée à tous, se finit la vidéo.

Je me rapprochai petit à petit de ma femme.

-Écoute, Cameron, j'ai besoin de temps pour assimiler tout ça, je te recontacterais, je vais prendre une chambre pour prendre du recul, dit-elle son silence glaçant qui ne me rassurait pas du tout.

Je ne sus quoi répondre, elle ne m'en laissa pas le temps non plus, elle fit demi-tour et repartit.

Ouah, il n'y a pas d'autres mots.

À mon tour, je me retournais sur moi-même, je tombai sur Alice et Romain en pleine dispute de couple comme le mien deux minutes plus tôt.

Tout le monde était encore là sauf Mila. Gabriel était seul dans un coin. Je décidai alors de le rejoindre.

-Tu ne pars pas ?

Je n'avais pas remarqué mais depuis le début il tenait toujours son portefeuille dans la main gauche et il le fixait toujours autant.

-C'est quoi ? demandai-je.

-Rien, dit-il précipitamment en fermant son portefeuille et le mettant dans sa poche ce qui attisa ma curiosité.

-Pourquoi tu me parles ?

Il me laissa planter là, sans attendre ma réponse, puisqu'il partait déjà vers les escaliers.

J'abandonnai les autres et partis à mon tour vers les escaliers.

Enfin fini. Quand je fus sorti, je découvris que l'on était dans le 18e arrondissement. Une rue plutôt normale et plutôt jolie. Simple. Sa maison ressemblait à la rue, simple et jolie. Ce qui était bien, nous n'étions pas loin de chez moi. J'appelai un taxi, qui se gara sur le trottoir. Je lui donnai mon adresse, il reprit la route automatiquement sans me jeter un regard. Je sortis mon téléphone de ma poche arrière afin d'envoyer un message à Mila quand je me rappelai qu'elle voulait du temps et de la distance.

Comme prévu, on arriva très vite chez moi enfin très vite, cette réalité était faussée dans Paris. Pour nous, très vite équivalait à une trentaine de minutes. Je sortis mon portefeuille et tendis un billet au chauffeur. En me rendant la monnaie, je vis une photo à l'intérieur de celui-ci.

Ce n'était pas vraiment une photo, c'était plutôt une échographie. Ambre m'avait moi aussi laissé un cadeau.

Qu'est-ce que c'était que ça ? Que devais-je comprendre ?

TOUT GÂCHEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant