PRENDRE MON ENVOL

CHAPITRE 40

Aujourd'hui, je suis énervée contre moi-même. Depuis mon réveil, je tente inlassablement de retrouver la mémoire, mais rien ! Rien de plus ne me vient ! J'ai comme l'impression que ma vie s'est arrêtée le premier janvier de cette année, le jour de mon anniversaire, pour reprendre ici même dans cette chambre quelques jours plus tard.

C'est comme si on avait arraché quelques pages du livre de ma vie. J'ai beau puisé de toutes mes forces au plus profond dans mes souvenirs, aucune autre image ne resurgit, c'est la page blanche, le trou noir.

Je n'en peux plus ! A force de cogiter, je deviens folle, et ma tête va finir par exploser tellement elle surchauffe.

J'aimerais obéir à ma psy et arrêter de m'en faire. Ma mémoire, selon elle, me reviendra en temps voulu, mais c'est plus fort que moi, il faut que je sache ce qui m'est arrivé. Je deviens dingue à tourner en rond dans cette chambre, dans mon lit, dans ma tête... Il faut que tout cela cesse !

Je regarde vers la petite fenêtre, la seule lueur du jour à laquelle j'ai droit, quand soudain je réalise que je suis également prisonnière de mes pensées, de ma propre vie, en plus d'être prise au piège dans cette cellule. Je dois tout faire pour me sortir de cet enfer ! Mais comment ?

Tout ce que j'ai entrepris jusqu'à présent n'a servi à rien. Je ne sais toujours pas ce qui s'est produit le 10 janvier et pourquoi je fais des cauchemars en hurlant à la mort... Plus les jours défilent dans cet endroit, et plus je me sens faible. Je touche pourtant au but selon les dires de Jane. Alors pourquoi je me sens si mal à l'idée de tout découvrir enfin ? Je devrais être ravie. Je vais sûrement pouvoir quitter ce lieu, retrouver l'homme que j'aime, ma famille... Mais à l'inverse, je n'arrive pas à m'en réjouir. Je suis comme paralysée de l'intérieur. Aucun de mes muscles, organes ne semble réagir, ni même mon sang ne semble circuler dans mon corps. Plus je m'approche de la vérité, je le sens, et plus je m'ankylose de peur. Pourquoi découvrir ce qui m'est arrivé me terrifie à ce point ? Pourquoi la peur prend t-elle le dessus ? C'est elle qui m'empêche d'avancer... Comment y faire abstraction ? Je ne contrôle rien en sa présence. Elle contrôle tous mes faits et gestes, ainsi que ma respiration, les battements de mon cœur. Je ne suis plus maître de mon corps. Je suis complètement à sa merci ! Il faut à tout prix que je me sorte de cet enfer ! Je me le répète afin de me donner plus de force et de courage pour vaincre cette crainte qui m'immobilise un peu plus chaque jour.

On frappe à ma porte à plusieurs reprises, sans y entrer. Je n'ai envie de voir personne. Je ne suis pas en état. J'ai besoin de souffler et de penser à autre chose. Mon passé est du passé. J'aimerais le temps de quelques heures méditer sur mon avenir, à tout ce que je désirerais entreprendre. Jane peut repassé, elle n'est sûrement pas prise par le temps à l'inverse de moi. Mais là, j'ai vraiment la nécessité d'être seule.

Mais, même, sans mon autorisation, la porte s'ouvre finalement. Et la seconde d'après j'aperçois à travers mes yeux mouillés de larmes le merveilleux visage de mon futur mari.

— Miguel ? C'est bien toi ? je prononce incrédule.

Il faut qu'il me confirme sa présence, j'en ai énormément besoin. Je ne sais vraiment plus distinguer la réalité du songe dans cet endroit. Si vous saviez le nombre de fois où je l'ai imaginé franchir cette porte pour m'enlever, et que ça s'est révélé être que le fruit de mon imagination, vous comprendriez mon besoin d'être rassurée.

— Qu'y a-t-il ma belle ? me demande t-il certainement perturbé par mes larmes qui coulent de plus belle.

Dès que les premiers sons de sa voix se sont faits entendre, je me suis levée pour courir en sa direction, mais impossible pour moi de faire un pas. Donc, c'est lui, qui se précipite vers moi, m'attirant dans ses bras. Je m'accroche à lui de manière à ce qu'il comprenne que je ne veux plus qu'il me laisse. Je ne veux plus être loin de lui. C'est trop dur !