Chapitre 4

140 23 18
                                    

A chaque foulée, elle sentait l'herbe folle lui chatouiller la plante des pieds. Une sensation qui se voulait agréable, et bien qu'elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit où elle se trouvait, elle ne s'en inquiétait pas outre mesure. Elle se contentait de suivre le sentier face à elle. Un étroit chemin d'herbes éclairé par la lumière blafarde d'une lune à moitié pleine. Toutefois, en levant la tête vers le ciel, elle ne vit rien d'autres que les ténèbres. Les chênes autour d'elle se déployaient sur des dizaines de mètres, lui donnant l'impression d'avoir un toit de verdure au-dessus de la tête. Aucune lumière ne passait à travers les feuillages alors comment pouvait-elle aussi bien voir? Le doute s'insinuait comme elle atteignait la fin du sentier. Elle s'arrêta et prit le temps d'observer la clairière qui s'offrait à elle. Cette fois-ci elle discernait le ciel, une obscurité infinie ponctuait par quelques éclats malicieux, et la lune, si belle et rayonnante, baignait la clairière d'une aura surnaturelle.

Au beau milieu de la plaine se trouvait deux rangées de banc en bois usés et austères. Malgré la multitude d'assises disponible, une seule personne comblait les espaces vide.

Impossible pour Axelonnie d'identifier cette personne, elle ne voyait de cet inconnu que le dos. Elle pouvait au mieux en déterminer le genre, un homme, et encore. Elle n'était pas à l'abris d'un malentendu. Elle hésita sur la conduite à adopter. Fuir ou approcher? Un imposant cercueil en pierre trônait devant les deux rangées de banc. Une boule d'angoisse se formait dans le creux de son estomac. Ce cercueil était-il pour elle? Elle déglutit difficilement et se décida à avancer, pousser par une force inconnue. Elle s'installa au côté de l'inconnu qu'elle reconnut immédiatement. Il s'agissait de Yann mais son attitude ne lui ressemblait en rien. Il demeurait immobile, les yeux rivés en direction du cercueil. La présence d'Axelonnie ne l'interpella aucunement. En revanche, lorsqu'elle ouvrit la bouche pour lui poser une question il se tourna enfin vers elle. Il s'apparentait d'avantages à une poupée de cire qu'à un être humain. Toujours était-il qu'il plaça un doigt devant les lèvres d'Axelonnie, l'incitant à garder le silence. Pour une raison obscure, elle préféra se plier à sa volonté et se tût. Il regarda à nouveau droit devant lui et elle l'imita. C'est ainsi qu'elle remarqua la volée de marches menant à une estrade, juste après le cercueil. Elle fronça les sourcils, perturbée. Elle aurait juré que ce n'était pas là quelques secondes auparavant. Un autel éclairé de quelques bougies reposait sur l'estrade. Derrière l'autel se tenait une silhouette... où plutôt une ombre. Impossible pour Axelonnie de déterminer si il s'agissait d'une entité physique ou nébuleuse. Elle était encore moins capable de déterminer si c'était une silhouette humaine ou non. Cette simple vision lui arracha un frémissement d'effroi. Un soudain sentiment d'urgence la saisit aux tripes. Elle devait fuir et maintenant. Axelonnie se leva, prête à rebrousser chemin mais la forêt par laquelle elle était passée n'existait déjà plus, une falaise menant nul part l'avait remplacée. Seule l'obscurité semblait prête à l'accueillir. Désespérée, elle se retourna vers Yann, cherchant l'appui et le soutien qu'il lui avait toujours offert. En guise de réponse à son appel de détresse, il lui tendit la main. Elle remarqua la terre accumulée sous ses ongles. Malgré le sentiment de terreur qui lui nouait l'estomac, elle décida d'accorder sa confiance à Yann. Elle se saisit de cette main glacée et se laissa guider. Il l'amena jusqu'au cercueil et à mesure qu'ils approchaient, une terrible odeur de viande faisandée agressait ses narines. Une odeur âcre qui restait en bouche. Arrivés devant la sépulture, Yann relâcha son emprise et reparti. Elle examina du regard le cercueil fermé par un couvercle en pierre et comprit que son rôle était de l'ouvrir. Cette certitude venait de la frapper si violemment qu'elle en ressentit un vertige. Elle s'appuya contre la pierre pour ne pas s'écrouler et une drôle de décharge la parcourut, semblable à une impulsion électrique. Elle retira immédiatement ses mains tremblantes. Lorsqu'elle toucha à nouveau le cercueil il ne se passa rien. Devenait-elle folle? Axelonnie poussa le couvercle recouvrant la sépulture. L'odeur de viande faisandée devint plus vivace et écoeurante mais rien d'étonnant lorsqu'elle découvrit le cadavre en décomposition à l'intérieur. Un corps méconnaissable tant il était déchiqueté. Des traces de griffures sur le visage entaillaient sa peau, des bouts de chairs pendouillaient à certains endroits. Les vers attaquaient déjà les yeux. Un haut-le-coeur secoua la carcasse d'Axelonnie. Elle recula vivement, manquant de tomber à la renverse. Un rire tonitruant et glaçant déchira le silence des lieux. Axelonnie leva les yeux vers la provenance de ce rire. La silhouette derrière l'autel prenait forme et se transformait en Samantha sous le regard paniqué d'Axelonnie. Elle hurla.

Impossible pour elle de savoir ce qui l'avait réveillé. Son propre cri ou le vibreur de son téléphone? Axelonnie se redressa, en sueur et essouflée. Elle passa ses deux mains dans sa crinière blonde pour les rabattre vers l'arrière. Ses pensées étaient confuses et mélangées. Son cauchemar et les récents événements la brouillaient. La frontière entre la réalité et la folie devenait mince. Elle ferma les yeux un court instant mais les rouvrit aussitôt. La vision de ce cadavre en décomposition restait ancrée dans son esprit. Alors elle s'empara de son téléphone dans l'espoir de fuir un instant la réalité grâce au réseau sociaux mais un sms de Yann la ramena brutalement à la réalité. "Tout est réglé." Tout était vrai. Son altercation avec Samantha, son meurtre... Que devait-elle répondre? Ses doigts pianotèrent sur le clavier un nombre incalculable de fois et à chaque fois, elle effaçait tout. Il n'y avait rien à répondre alors elle abandonna définitivement.

Bien qu'il était sept heures du matin, la nuit régnait toujours en maître sur les rues de la ville. Axelonnie quitta la chaleur rassurante de son lit pour se rendre dans le salon. Par automatisme, elle alluma la télé et mit la chaîne des infos locales. Elle aimait se tenir informée des nouvelles de la journée mais là, c'était d'avantages une nécessité. Et si Yann avait merdé? Et si quelqu'un trouvait le cadavre de Samantha? Quelqu'un finirait bien par signaler sa disparition... et ce jour-là, les soupçons iront droit sur Axelonnie. Angoissée à cette idée, respirer lui devenait difficile. Elle inspira et expira plusieurs fois, toujours plus proche de la crise de larmes que la seconde précédente.

Flash infos de dernière minute...

Quoi? La voix de l'animatrice télé attira son attention tout comme les gros titre du journal. "Un joggeur a retrouvé le cadavre mutilé d'un homme dans la forêt." Elle lut et relut plusieurs fois cette phrase et très vite, les paroles de la présentatrice se transformèrent en bourdonnement. Ses jambes cédèrent sous le choc et elle se laissa tomber sur le sol. Cet homme venait d'être identifié comme étant Yann Morin. Son Yann...

Son téléphone sonna plusieurs fois. Au quatrième appels, Axelonnie extirpa son cellulaire du fond de sa poche. En voyant le numéro entrant elle crut défaillir une nouvelle fois mais elle décrocha malgré tout.

— Yann? questionna t-elle aussi effrayée que pleine d'espoir.

— Tu es la prochaine sur la liste.

L'appel se coupa là. Le téléphone glissa d'entre ses mains. Impossible. Cette voix, c'était celle de Samantha.

Où que tu sois... je te retrouveraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant