Sombre funambule sur le fil ténu de la vie. Une équilibriste en déroute, elle manquait de basculer à tout moment dans les abysses de la folie. Axelonnie rassemblait les données recueillies auprès de Stella. Un goût amer sur la langue comme un poison qu'elle avait sciemment ingurgité. Le poison de la vérité. Cette vérité qui dérangeait. Elle déambulait dans les rues nancéiennes, sans but, sans destination. Ses prunelles sarcelles s'emplissaient par moment de larmes mais aucune rivière saline ne vint souiller ses joues blafardes. La perspective d'une vie normal s'éclipsait. L'angoisse obstruait sa poitrine, un poid lourd qui la comprimait. En plein centre ville, elle regardait ces individus piétiner l'asphalte avec conviction, insouciance ou légèreté. Ces âmes inconscientes du monde dans lequel ils vivaient. La rue saint-jean, artère principale de la ville, était noir de monde. Une foule de plus en plus compacte. Une foule de plus en plus oppressante. Le coeur d'Axelonnie tambourinait contre sa cage thoracique, prêt à transpercer son carcan de chair pour s'écraser sur le sol. Une montée d'angoisse agitait sa carcasse et une fine couche de sueur froide recouvrait son derme. Elle frôlait la crise de panique sans comprendre pourquoi. Axelonnie bifurqua aussitôt dans une autre rue, moins bondée. Elle s'installa sur la chaise d'une terrasse avant que ses jambes en coton ne cèdent sous son propre poids. Elle ferma les yeux et se concentra sur sa respiration. Inspirer. Expirer. Se vider la tête. Ne penser à rien. Un exercice compliqué. Maxime. Elle repensait à son poing martyrisant le nez du sorcier. C'était mal mais ça la soulageait. Son esprit bifurqua ensuite sur un autre souvenir, celui de son baiser avec lui. Un accident, rien de plus. Pourtant elle se questionnait, et s'il s'était réveillé à ce moment-là? Peut-être que dans le fond, elle aurait aimé qu'il s'éveille. Peut-être que dans le fond, elle aurait aimé d'avantages. Un raclement de gorge l'obligea à rouvrir les yeux. Le gérant du petit café la regardait, un calepin à la main.
— Un coca cherry, qu'elle commanda.
La crise était passée mais impossible de se dépêtrer de ses angoisses. Elles étaient toujours là, semblable à un poison se déversant dans ses veines. Axelonnie s'attarda le plus longtemps possible à cette terrasse, en dépit du froid mordant de l'hiver. La question se posa. Devait-elle retourner chez Maxime ou rentrer "chez-elle", là où elle vivait avec J-C.
Après réflexion, elle retourna à l'appartement de Maxime pour deux raisons : elle y avait laissé son téléphone portable et elle avait embarqué les clés du sorcier. Axelonnie n'était pas une grande fan des réseaux sociaux et elle pouvait aisément se passer de son cellulaire. Malgré tout, la période était mal choisie pour se retrouver sans moyen de communication. Arrivée dans l'appartement, elle entendit des éclats de voix entre deux hommes. Maxime et J-C.? Elle retira son manteau, à l'écoute de la dispute.
— Je te demande une chose, c'est de la surveiller et résultat des courses? T'es pas fichu de savoir où elle est partie?
— Oh excuse-moi de ne pas l'avoir attaché à une chaise pendant que je menais ma petite enquête sur la mort d'un membre de ma communauté.
Elle comprit aussitôt qu'elle était l'objet de leur dispute. Un malaise la submergea, très vite accompagné de la colère. Jusque preuve du contraire, elle n'était plus une enfant. Axelonnie longea le couloir menant au salon. Les deux hommes s'y trouvaient, debout l'un en face de l'autre, les traits du visage déformé par la colère.
— Si jamais il lui arrive quelque chose, tonna J.C.
— Il se passera quoi? interrompit Axelonnie.
Les deux hommes se tournèrent aussitôt vers elle, soulagés. Le grand gaillard qu'était Maxime enfonça les mains dans les poches de son pantalon hors de prix, feignant l'indifférence. Quant à J.C. il se précipita vers Axelonnie pour la prendre dans ses bras. Contre toute attente, elle plaça une main devant elle pour lui signaler d'arrêter tout de suite. Il se stoppa, à la fois vexé et étonné.
— T'es fâchée?
Axelonnie se mordilla la lèvre et plissa les yeux. Il osait sincèrement poser la question? Finalement, elle lâcha un petit rire dénué de sens. Elle secoua la tête de gauche à droite, désabusée.
— J'y crois pas... T'es sérieux là?
Dans l'incompréhension la plus totale, J.C. lança un regard désespéré à Maxime, espérant recevoir un peu d'aide. Le nécromancien pour s'être déjà prit des coups par Axelonnie, se contenta d'hausser les épaules. Il ne voulait pas être mêlé à tout ça.
— Je... oui. Je suis sérieux. Je ne comprend pas très bien pourquoi tu m'en veux. Je n'ai rien fait.
— Peut-être qu'il est là le soucis. Tu n'as rien fait, tu n'as rien dit. Tu es juste parti quand j'en avais le plus besoin. Je t'ai demandé de revenir et au lieu de ça, tu m'envoie un sorcier incompétent.
D'un geste ample, elle désigna Maxime.
— Hey... qu'il protesta pour la forme.
C'était injuste mais elle le détestait. Elle le détestait de lui avoir caché une part importante de sa vie... mais surtout elle détestait avoir eu à affronter ces derniers jours sans lui. Elle le détestait de ne pas l'avoir retenu des années auparavant. Elle le détestait autant qu'elle se détestait en cet instant.
— Tu m'as abandonné... encore une fois.
Si Maxime ne comprenait pas le "encore une fois", J.C., lui, savait parfaitement à quoi elle faisait référence. Peiné, il s'approcha d'elle. Il voulait tout lui expliquer, depuis le début. Il avait toujours voulu le faire mais la protéger du monde occulte était pour lui plus important encore que son désir de l'avoir auprès d'elle.
— Ce n'est pas aussi simple, Axel.
— Dans ce cas, explique-moi.
Un blanc s'installa entre eux. Excédé par le mélodrame qui se jouait dans son salon, Maxime leva les yeux au ciel.
— C'est un lycan, blondie. Il est partie pour éviter de tous nous mettre en charpie au cours des nuits de pleine lune.
Sa nature de loup-garou, Jean-Christopher n'en était pas fier. C'était pour lui un fardeau, une malédiction. Impossible pour lui de contrôler ses pulsions de colère la semaine d'une pleine lune. Axelonnie et Maxime pouvaient le témoigner. J.C. grogna et se tourna vers le sorcier, toutes crocs et griffes sorties. Maxime n'avait pas à dévoiler sa nature comme ça, pas alors qu'il s'était tû à ce sujet durant des années. Loin d'être contrarié par le nouvel aspect de son ami, Maxime le pointa du doigt, désinvolte.
— Tu vois. Un danger public.
Une manière singulière de prendre la défense de J.C. mais au final ce n'était jamais que ça... Une façon de l'aider à gagner des points auprès d'Axelonnie. La blondinette demeurait impassible. Elle commençait à s'habituer à ces démonstrations de force. Entre Samantha et Stella, elle était garnie. Par ailleurs, elle n'était pas entièrement idiote, elle avait rapidement compris la nature de son ancien petit ami lorsqu'elle a pris connaissance de l'existence des vampires. Je reviens dans trois nuits, avait-il dit. Autant mettre "loup-garou" sur son front.
— Et alors? interrogea la banshee.
J.C. se tourna vers elle, une apparence à nouveau normale. En plongeant son regard dans le sien, elle mourrait d'envie de courir dans ses bras pour s'y réfugier. Elle mourrait d'envie de tout lui pardonner. Elle mourrait d'envie de l'embrasser mais la déception était bien là, bien réelle et douloureuse. Elle réalisait enfin que depuis tout ce temps, il ne lui accordait aucun crédit.
— Je te faisais suffisamment confiance pour venir chez toi et me confier. Je te faisais suffisamment confiance pour te parler de Samantha mais toi... tu ne m'as jamais fais assez confiance pour me parler de toi, de ton monde.
— Ce n'est pas aussi simple.
— Moi, je crois que si, ça l'est.
Axelonnie le contourna pour traverser le salon et se rendre dans la chambre de Maxime. Elle claqua la porte derrière elle et fonça dans la salle de bain afin de se doucher mais surtout, pour cacher les sanglots qui l'étouffaient.
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Où que tu sois... je te retrouverai
ParanormalToutes les histoires d'amour n'ont pas une fin heureuse. C'est le cas d'Axelonnie qui voit sa vie partir en fumée une nuit d'Halloween. Une dispute qui se transforme en meurtre l'oblige à prendre la fuite. Mais vous savez ce que l'on dit... le passé...