Chapitre 13

58 14 12
                                    

Consulter un médecin? Inenvisageable. Comment justifier ça? Au fil des heures, la douleur s'était estompée mais une gêne persistait. La peur quant à elle, ne désemplissait pas. Tenace, elle s'accrochait aux tripes d'Axelonnie, les tordants dans tous les sens. Les heures passaient et petit à petit, la lune pleine et ronde déclinait pour laisser entrevoir un ciel éclairé. Par la fenêtre, elle regardait la ville s'éveiller. Elle observait ces anonymes vaquer à leurs occupations, une bouteille de vin presque vide à la main. Habituellement, à cette heure-ci, elle grillait du pain pour son petit déjeuner et celui de J.C., sans se douter un instant qu'il n'était pas fan de son pain justement trop grillé. Son téléphone, abandonné sur la table basse du salon, sonna. Son sang ne fit qu'un tour et elle courut pour décrocher. Elle n'eut même pas le temps de coller le cellulaire à son oreille que la voix de J.C. tempêtait à l'autre bout du fil.

— Axelonnie, tout va bien? Qu'est-ce qui se passe? T'es blessée? Axelonnie?

La blondinette se mordillait la lèvre inférieure. Entendre sa voix, étrangement, lui donnait une furieuse envie de pleurer. Encore. Alors elle garda le silence quelques instants, plongeant J.C. dans une terreur sans nom.

— Tout va bien, qu'elle assurait en dépit de sa voix tremblante. J'ai eu un problème avec l'évier et... et j'ai paniqué.

Elle ne savait pas mentir. Elle n'avait jamais su. Sans même le voir, elle se doutait bien qu'il fronçait les sourcils, loin d'être crédule.

— Donc tu m'as appelé vingt-trois fois pour un soucis d'évier? Axelonnie, dis-moi la vérité.

Ses yeux se remplirent de larmes. La douleur. La marque. La terreur. Tout lui revint en mémoire. La manière dont elle avait senti son corps s'embraser dans son rêve. L'odeur de chair calcinée.

— Je comprend pas ce qui m'arrive.

Elle éclata soudainement en sanglot.

— J'crois que j'deviens folle. J'ai besoin de toi...

La voix brisée, incapable de parler d'avantages car ensevelie sous un torrent de larmes, Axelonnie se sentait comme au bord d'un précipice. Un aller sans aucun retour dans les abysses. Elle se sentait partir vers le chaos.

— Axel...

Le désespoir de son amie lui serrait le coeur. Lui-même, il pouvait sentir les larmes lui monter aux yeux d'être ainsi impuissant et surtout, d'être si loin d'elle à cet instant précis.

— J'aimerais vraiment être là mais je ne peux pas... écoute, je vais t'envoyer un ami. Pour que tu ne restes pas isolée.

Qu'importe le soucis, il craignait de rentrer et de trouver le cadavre d'Axelonnie sur le sol, les veines tranchées. Il ne la connaissait pas suicidaire, au contraire, elle avait toujours été pleine de vie. Mais la Axelonnie qu'il avait connu n'était plus là. Un voile opaque l'enveloppait. Une noirceur dont il ne comprenait pas la provenance. Lorsqu'il regardait Axelonnie, il voyait une poupée brisée.

— Axel, tu m'entends?

— Oui. Je... on fait comme ça.

Elle raccrocha. Au fond d'elle, elle bouillonnait de rage. Elle refusait de se l'admettre mais une colère sourde grondait en elle. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne revenait pas. Ils étaient amis. Ils avaient été bien plus que de simples amis. Ne pouvait-il pas tout laisser en plan pour revenir auprès d'elle? Axelonnie avait besoin de lui comme jamais auparavant. Alors où était-il? Elle ne le savait même pas! Avec une autre femme? Ses poings se serrèrent. Si il osait la laisser dans sa détresse pour les beaux yeux d'une autre... elle le lui fera amèrement regretter. Très vite, elle se laissa submerger par cette hargne car dans le fond, c'était un sentiment bien plus facile à gérer que la peur. Cette colère en elle l'aidait à ne pas céder à la panique, ça occultait sa peine et contournait la douleur.

Dans l'attente de l'ami mystère, Axelonnie rangea le bordel qu'elle avait elle-même généré. Le salon regorgeait de cadavres en tout genre : vieux paquets de chips, paquet de bonbons déchirés, cure-dents abandonnés sur la table basse, des emballages Mon chéri éparpillés partout et énormément de mouchoirs usagés. Elle n'avait pas fini de ramasser toutes ces merdes qu'on sonna à la porte. Tel un suricate, elle se redressa et tourna les yeux en direction de l'entrée. Déjà? Elle ne ressemblait à rien, avec son chignon dégueulasse, même pas maquillée, le nez et les yeux rougis et surtout, elle portait un horrible peignoir avec rien du tout en-dessous. Axelonnie dansa sur deux pieds, hésitant entre ouvrir ou courir se changer. On sonna une seconde fois de manière plus insistante. Vaincue, elle soupira et traîna ses pantoufles lapinous jusqu'à la porte. On sonna une troisième fois.

— J'arrive!

En ouvrant la porte, elle ne s'attendait à rien et certainement pas à Maxime Deschamps. Ses yeux s'écarquillèrent et tandis qu'il amorçait un pas pour avancer, elle lui claqua littéralement la porte au nez.

Où que tu sois... je te retrouveraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant