Où que tu sois... je te retrouverai

Chapitre 8

Une tasse fumante entre les mains, Axelonnie réfléchissait à la manière de présenter les choses. Devait-elle lui dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité au risque de passer pour une folle? Elle avait trouvé refuge auprès de J.C. pour s'épargner tout de suite un séjour dans un asile psychiatrique. Il lui paraissait peu judicieux d'annoncer d'emblée qu'elle était poursuivie par son ex petite amie défunte. Un fantôme! Elle était harcelée par un fantôme. Non, assurément, elle ne pouvait guère lui raconter ça. Cette simple idée la fit soupirer de frustration. Elle aimerait tant pouvoir être honnête auprès de lui mais ça lui paraissait impossible. Déjà navrée d'avoir à lui mentir, Axelonnie le regardait préparer les couverts pour le dîner. Elle pianotait de manière distraite sur sa tasse lorsqu'une assiette pleine de ses lasagnes maison se présenta face à elle.

- Bon et si tu m'expliquais un peu ce qui se passe, le microbe.

Les efforts pour la mettre à l'aise ne lui échappait pas. Elle appréciait mais ça ne rendait les choses que plus compliquées. Si seulement elle pouvait lui raconter la vérité. Axelonnie se mordilla la lèvre, à la recherche de ses mots. Pendant ce temps, J.C. entama son plat de lasagne mais s'abstint bien vite. Axelonnie était douée pour bien des choses, elle touchait notamment sa bille en informatique. Malheureusement, elle était très loin d'être un cordon bleu.

- Si seulement je savais par quoi commencer...

Elle garda le silence un long moment et il ne fit rien pour le rompre. Il comptait lui laisser le temps nécessaire et si elle avait besoin de la nuit entière alors il patientera. Il espérait toutefois ne pas attendre jusque là.

- Il y'a deux ans j'ai rencontré une femme, Samantha. Au début, c'était bien, on avait une relation passionnée et complice. Puis... ça a vite dégénéré.

Elle éprouvait une certaine honte à se remémorer cette période de sa vie. Pas seulement parce qu'elle s'était sentie manipulée mais parce qu'une part d'elle ressentait de la nostalgie envers la Samantha de leur début de relation. Une part d'elle, en dépit de la peur et de la haine, continuait à l'aimer. J.C. continuait à garder le silence dans l'attente de la suite.

- Elle est devenue violente. On a rompu à plusieurs reprises... mais je cédais à chaque fois face à la pression qu'elle exerçait. Elle me terrifie.

Les coups, les menaces... tout lui revint en mémoire. Elle serra plus fort la tasse afin de camoufler au mieux les tremblements de ses mains. J.C., loin d'être dupe, posa sa paluche sur le poignet d'Axelonnie afin de la rassurer et de l'encourager à poursuivre.

- Sauf là. J'ai rompu et j'ai même dû me prendre un appart hôtel, le temps que ça se tasse. Mais... elle m'a retrouvé.

Et je l'ai tué, qu'elle pensa sans oser le dire. Sa gorge se noua aussitôt et elle se mordit une nouvelle fois la lèvre. Les épaules affaissées, elle essuya rapidement une larme solitaire. Désemparée par la situation elle se sentait happée dans une spirale infernale.

- Donc tu as fuit.

Axelonnie acquiesça sans un mot. Incapable de parler, elle concentrait ses efforts pour ne pas éclater en sanglot. J.C. quitta son siège pour se mettre accroupie à côté d'elle. Il lui prit les deux mains et l'obligea gentiment à se tourner vers lui. Toutefois elle était bien incapable de le regarder en face.

- Axel, regarde moi s'il te plaît.

Ce qu'elle fit. A l'aide de ses pouces, il caressa sa peau. Un geste si tendre, si agréable. Elle ne méritait pas autant de douceurs.

- Je suis là, maintenant. Tu n'es pas toute seule. Si elle est bien là, à Nancy, alors on se chargera de son cas ensemble.

Elle grimaça. Son cas, techniquement, elle s'en était chargée involontairement. Cela n'empêchait pas Samantha de la hanter. Comment se débarrasser d'un fantôme? Ah moins que peut-être, éventuellement, elle ne l'avait pas tué? Se pouvait-il qu'ils se soient trompés? A bien y réfléchir, ça restait la réponse la plus logique. Toujours était-il que la dernière personne à avoir essayé de l'aider était morte.

- Elle est dangereuse, prévint elle.

- Moi aussi.

La réponse la surprit. Peut-être aurait-elle dû s'en effrayer mais elle se sentit au contraire soulagée. Il se dégageait de lui une telle force et détermination. Malgré la dureté de ses paroles, il effleura la joue d'Axelonnie du bout des doigts.

- T'es en sécurité avec moi.

- Je n'en ai jamais douté.

Après tout, c'était bien chez lui qu'elle avait trouvé refuge à la période la plus sombre de sa vie. Les doigts de J.C. glissèrent dans la chevelure d'Axelonnie alors qu'il se redressait. Il posa son front contre le sien. Une proximité troublante et agréable. Une douce chaleur se répandit à l'intérieur de son corps, inondant l'intérieur de son ventre. Leurs souffles se heurtèrent, se mélangèrent.

- J.C. ?

- Hum?

- Mes lasagnes, elles sont ratées?

De toutes les questions possible et inimaginable, il ne s'attendait pas à celle-la. Il lâcha un petit rire et se recula.

- Tu veux la vérité?

- Non.

- Tes lasagnes sont un vrai délice. D'ailleurs tu es la meilleure cuisinière que je connaisse. T'as déjà songé à participer à Top Chef? Non parce que -

Devant tant d'éloges absolument pas sincère, Axelonnie l'asséna d'un coup de poing dans l'épaule. Il ne sentit rien mais mima malgré tout la douleur, se massant le point d'impact.

- Menteur.