Chapitre 14

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Elle entendit un "aïe" derrière la porte. Instinctivement, elle grimaça, compatissante à la douleur de l'invité mystère. Sa surprise ne justifiait pas un tel acte mais retrouver cet homme devant chez elle, ça l'avait perturbé. Pourquoi était-il là? Comment avait-il trouvé son adresse? Se pouvait-il que ce monsieur Deschamps soit un horrible psychopathe? Il ne manquait plus que ça. Se débarrasser d'une folle furieuse pour récupérer un stalker.

— J'attends.

— Y'a personne!

— Mon nez prétend le contraire.

Axelonnie soupira, agacée. Le timing ne pouvait pas être pire. L'invitée surprise de J.C. n'allait pas tarder. L'arrière de sa nuque présentait une putain de marque au fer rouge et le salon n'était toujours pas rangé. Si elle lui ouvrait qu'allait-il se passer?

— C'est Jean-Christopher qui m'envoie.

Quoi?! Choquée et outrée à la fois, la blondinette ouvrit précipitamment la porte. L'on raconte souvent que le monde est petit... mais à ce point là? Elle plissa les yeux, examinant l'homme en costume trois pièces face à elle. Il ne pipait aucun mot, les poings enfoncés dans les poches de son pantalon, un indécrottable sourire de con sur la face.

— Vous avez été rapide à venir.

— Je n'étais pas loin.

Pourquoi lui, ne semblait pas étonné de tomber sur elle? Sa nonchalance l'agaçait et ça n'allait pas en s'arrangeant. Toujours avec une insouciance effarante, il se fraya un chemin dans l'appartement. Alors qu'elle fermait à double tour derrière lui, elle marmonna. Il n'avait pas songé un instant à ramener des croissants.

— Hum, je vois que quand le loup n'est pas là, le petit cochon s'empiffre.

Imperturbable, il était là, en plein centre du salon, à la fixer. Une lueur pleine de malice pétillait dans ses yeux d'un vert tirant sur le gris. Pour qui se prenait-il? Ce genre de commentaire déplacé, il pouvait se les garder pour lui! Ce genre de chose on pouvait le penser bien fort sans jamais le dire. Axelonnie piqua un fard et l'abandonna pour se rendre dans sa chambre. Elle troqua son peignoir contre un jegging et un pull noir à col roulé pour camoufler l'arrière de sa nuque.

Maxime profita de l'absence d'Axelonnie pour mettre en route la télé ainsi que la console de jeux. En le voyant agir, elle comprit que ce n'était pas son premier galop d'essai. Ce n'était pas son premier séjour dans cet appartement. A quel point étaient-ils proche? Pourquoi J.C. ne l'avait jamais mentionné? D'ailleurs, à bien y réfléchir, depuis son retour sur Nancy, elle n'avait croisé aucuns amis ou connaissances de J.C. Un détail qui ne l'avait guère troublé auparavant mais à présent... ça la dérangeait. De mémoire, il invitait régulièrement du monde chez-lui, il organisait des soirées. Rien de tout cela n'était arrivé depuis qu'elle était là.

— Je peux savoir ce que vous a dit J.C. au téléphone?

D'un seul coup, l'orgueil d'Axelonnie pointa le bout de son nez. Elle craignait le tableau qu'avait peint J.C. à cet énergumène. Elle croisa mentalement les doigts pour qu'il n'ai pas mentionné les sanglots hystériques. Maxime se lançait dans un combat épique contre un monstre de la plaine d'hyrule ce qui ralentissait sa capacité à répondre.

— Pas grand chose. Il m'a demandé de veiller sur vous jusqu'à son retour.

— Comme vous le voyez par vous-même, je vais bien. Alors vous pouvez y aller.

Un rictus déforma la bouche de l'informaticien. Il mit le jeu sur pause pour s'adresser à Axelonnie.

— J'ai une entreprise à faire tourner. Jouer les baby-sitter pour une adulte de trente ans passés ne m'enchante guère. Toutefois je connais Jean-Christopher depuis assez longtemps pour savoir qu'il ne ferait pas une telle requête sans une excellente raison.

La blonde serra les poings et les dents. Une adulte de trente ans?! Elle venait tout juste d'atteindre ses vingt-huit ans! Elle s'apprêtait à répliquer mais Maxime l'interrompit en agitant son index de gauche à droite.

— Je ne suis, par ailleurs, pas idiot. Votre nez de lutin rouge et vos yeux de drogués me prouvent que vous avez pleuré toute la nuit. Les différents mouchoirs éparpillés partout en sont la preuve. Quant à la bouteille vide que j'ai aperçu dans la cuisine, je suppose qu'elle ne s'est pas vidée toute seule. N'est-ce pas? Vous pouvez protester Mademoiselle Levasseur mais ne me prenez pas pour un idiot. Je vous en serais gré.

La moutarde montait à son "nez de lutin rouge". Un sentiment de colère l'envahissait pleinement mais elle tentait de se contenir. Les poings toujours serrés, la mâchoire contractée, les larmes lui montaient aux yeux tant elle était frustrée de ne pas laisser éclater sa rage. Non seulement J.C. lui envoyait un baby-sitter mais en plus, ça tombait sur cet homme exécrable! Maxime reprenait sa partie comme si de rien n'était tandis qu'Axelonnie ferma les yeux pour respirer à fond. Ne pas s'énerver. Ne surtout pas s'énerver.

— Et si vous pouviez finir de nettoyer votre bordel.

La coupe était pleine! Elle ouvrit les yeux sur ce parasite avec la ferme intention de le dégager de là. De toute les manières possible, ce n'était pas comme si il pouvait l'aider! Ni lui, ni même J.C. d'ailleurs! Elle allait, dans tout les cas, devoir se débrouiller seule!

— Et si vous alliez vous faire enculer par une mouette unijambiste?!

Bien que la colère faisait vibrer sa voix, un sourire angélique apparu sur son petit minois innocent. L'incrédulité de Maxime se savourait. Sa surprise fut si grande qu'il ne prit pas la peine de mettre son jeu sur pause. Il fixait bêtement Axelonnie, se demandant si il n'avait tout simplement pas halluciné de pareils propos.

— Pardon?

— Excuse acceptée.

Elle détournait volontairement ses propos et s'avança jusqu'à lui. Sans ménagement, elle tenta de lui arracher la manette des mains mais l'informaticien ne se laissa pas dépouiller ainsi. Il se leva subitement. Peut-être un peu trop. Pas stable sur ses pieds, Axelonnie perdit l'équilibre et s'étala sur Maxime qui n'était pas plus stable. Les deux trébuchèrent sur le canapé. Au même moment, toutes les ampoules de l'appartement se mirent à éclater alors qu'elles n'étaient pas allumées, la télé s'éteignit toute seule et la manette que Maxime avait finalement lâché au cours de la chute s'enflamma. Ce n'était toutefois pas le plus étrange. Le regard d'Axelonnie demeurait ancré dans les yeux de Maxime. Des yeux devenus d'un bleu électrique. C'était comme si d'innombrables éclairs prenaient vie dans ses prunelles. Un spectacle tout aussi fascinant que terrifiant.

Où que tu sois... je te retrouveraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant