Chapitre 21

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Le sol tanguait sous les pieds d'Axelonnie, les étagères de livres tournoyaient autour d'elle, se tordant en d'horribles grimaces. Saisie de frisson, une couche de sueur froide recouvrait son derme. La température dans la salle chuta soudainement et à chaque expiration, de la buée s'extirpait d'entre ses lèvres. Elle essayait de se maintenir debout, en vain. Bien trop épuisée, ses jambes cédèrent sous son poids. Sa vision se troubla alors que ses paupières devenaient de plus en plus lourdes. Elle ne distinguait plus les deux corps étalés sur le sol car elle ne voyait rien d'autre que des couleurs qui petit à petit se transformèrent en un tableau entièrement noir jusqu'à perdre connaissance.

Quelques minutes s'écoulèrent avant que Maxime ne se réveille. La douleur vrillait à travers sa colonne vertébrale mais il parvint malgré tout à se relever sur son séant. Le crâne endolori, il essuya du bout des doigts une coulée de sang sur sa tempe. Ses oreilles bourdonnaient, l'empêchant d'entendre quoi que ce soit d'autres. Il peinait à rassembler ses derniers souvenirs, la douleur l'empêchait de raisonner clairement. Il regarda autour de lui et aperçut en premier lieu la silhouette d'Axelonnie, puis celle de Clémence.

La sorcière commençait, elle aussi, à émerger. Elle grogna, submergée par la souffrance. Contrairement à Maxime, elle n'avait aucun mal à rassembler ses esprits en dépit des bourdonnements dans ses oreilles. Les yeux à peine ouverts qu'elle cherchait du regard la coupable, le visage déformé par la fureur.

— C'était quoi, ça?

La voix de Clémence ressemblait à un orage qui éclate en pleine tempête. Si Maxime ne calmait pas le jeu dans l'immédiat, ça risquait de mal finir pour l'une des deux femmes. Il n'avait cependant aucune idée de comment apaiser la furie à côté de lui.

— Qu'est-ce que tu as ramené?

La colère laissait place à la panique. Les règles étaient strictes. Ramener une humaine, ça pouvait aller, c'était risible mais ça ne transgressait en rien les règles. Aucune créature surnaturelle, autre que les vampires, n'était tolérée au cours de la cérémonie.

— Tu as conscience que si le Conseil l'apprend, on va retrouver nos têtes sur une pique. Nos trois têtes.

Maxime ne répondait rien, trop occupé à réfléchir. Ses doutes au sujet d'Axelonnie se confirmaient, elle n'était pas entièrement humaine, peut-être même pas du tout. Cependant, pourquoi était-il le seul à l'avoir senti, excepté Stella? Clémence fulminait et le questionnait mais il l'ignorait involontairement. Il tournait en rond tout en se frottant le menton.

— Tu pourrais au moins vérifier si elle est toujours vivante.

Dédaigneuse et pourtant surprise qu'il n'ait pas accouru auprès de la blonde, Clémence désigna négligemment Axelonnie d'un signe de tête. Le sorcier cessa alors de tourner tel un lion en cage, ses yeux naviguant un instant entre la belle endormie et la bête en colère.

— Pas besoin. Je sais qu'elle est toujours vivante. Je... Je le sens.

Il ne parvenait pas à se l'expliquer mais il avait cette certitude nichée au creux de son âme. La sorcière plissa les yeux, perplexe. Comment pouvait-il le ressentir? À son tour, elle se posait une multitude de questions mais ils ne pouvaient pas se permettre de rester ici indéfiniment.

— D'accord, si tu le dis. En tout cas, bonne chance pour quitter les lieux avec elle.

La sorcière s'avança en direction de la sortie mais la poigne ferme de Maxime l'arrêta dans son ascension. Surprise, Clémence avisa les doigts du sorcier sur son poignet.

— Quoi?! s'agaçait-elle.

— Tu vas m'aider à quitter la cérémonie avec Axelonnie.

— Je ne crois pas, non. Je refuse d'être associée à ta petite chose hurlante.

Maxime avait espéré une meilleure coopération de la part de Clémence. Après tout, ils étaient destinés à se marier, malheureusement il comprit qu'avec elle, il n'avait d'autre choix que de recourir à des méthodes perfides.

— C'est simple, Clémence, tu m'aides ou je raconte au Conseil comment tu as réussi à duper leur surveillance pour l'introduire à la cérémonie.

— C'est un mensonge...

— Mais tu seras condamnée malgré tout avec nous afin de servir d'exemple.

Il marquait un point, elle devait bien l'admettre. Surprise par l'audace du sorcier, elle le considéra d'une nouvelle manière. Finalement, il avait peut-être sa place au sein du Conseil, tout espoir n'était pas perdu.

— D'accord. Donc, notre priorité pour le moment, et de quitter les lieux avec elle, sans nous faire remarquer.

— Oui... D'ailleurs c'est un miracle que personne ne soit venu en entendant Axelonnie crier.

Clémence laissa un petit rire s'échapper devant la naïveté de son compère.

— Un miracle? Non, je ne crois pas. J'ai lancé un sort d'insonorisation en entrant dans la pièce. Chose que tu aurais toi-même dû songer à faire.

L'arrogance de la sorcière n'était plus à prouver et pourtant, il admirait son génie et son aplomb. Ils s'échangèrent un sourire teinté d'une sincérité qui leur était étrangère avant de se focaliser sur Axelonnie.

— On peut toujours la laisser ici, suggéra Clémence.

— Je t'ai déjà dit que...

— Oui je sais. Ce que je veux dire c'est qu'on peut toujours la laisser ici le temps d'assister à la cérémonie. Quand tout le monde sera occupé à regarder les humains se faire transformer, nous, on se fait la malle avec ta chose.

L'idée ne lui plaisait pas des masses mais il ne voyait aucune autre option. Impossible de traîner Axelonnie sans éveiller des soupçons ou au moins des interrogations. Il ne comprit que maintenant à quel point il était idiot de l'avoir amené ici. Cependant, il avait été poussé par sa curiosité. Il devait savoir si d'autres étaient en mesure de deviner son aura surnaturelle. Il voulait comprendre pourquoi il était le seul à y être sensible. Il avait été aveuglé par son entêtement. Maintenant qu'il était en plein dans le pétrin, il révisait son jugement.

— Tu as raison, on va faire comme ça.

Maxime désigna la sortie à Clémence, en parfait gentleman mais elle ne bougea pas d'un pouce, un sourire diabolique s'esquissant sur ses lèvres.

— Mais avant... faut qu'on l'attache. Imagine si elle cherche à s'enfuir pendant notre absence...

En signe de résignation, il lâcha un soupir. Elle marquait un point... encore un.

Où que tu sois... je te retrouveraiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant