D I A M O N D S

21° Les belles âmes

Sélène

Leurs paroles résonnaient et tournoyaient dans ma tête comme des milliers de petites aiguilles perçant ma coquille à jour.

- Gli Manchi.* m'avaient-elles seulement dit.

J'avais alors senti mon cœur s'affoler dans ma poitrine tandis qu'un rictus malaisé prenait possession de mes lèvres, tel le faux sourire du mime qui pleure.

J'avais bredouillé quelques mots incompréhensibles et m'était rassise sur le muret, défaite.

- Tu sais, commença l'une d'elle avec un fort accent italien, Dante est notre ami. Et en ce moment, il ne va pas bien.

J'acquiesçais doucement, tandis que la blonde se mit près de moi.

- Il ne serait sûrement pas d'accord avec cela, mais Peccato!*

Je levais les yeux vers l'autre fille, et un léger sourire flottait sur ses lèvres, bienveillante.

- Tu dois aller le voir, finit la blonde.

Sa phrase sonna tel le glas, et je sentis un frisson me parcourir.

J'aurais pu arguer, protester, mais à la place, ce fut les scintillements de l'espoir qui sortirent de ma bouche :

- Où est-il ?

-:-

Heures dorées.

Le soleil se couchait tendrement, tandis que son spectre lumineux embrassait une dernière fois la terre avant la nuit.

Rose, Jaune, Ocre.

C'était une palette de couleurs entremêlées, et je me perdais dans un tableau.

Je pédalais sur les sentiers déserts, tantôt sur le rivage, tantôt sur la route.
Mon vélo filait à toutes vitesse, à la poursuite du vent, de l'alizé qui s'échappait toujours plus vite et qui soufflait le macadam de sa chaleur estivale.

Mon cœur volait dans ma poitrine, s'arrachait à sa cage dorée et se pâmait devant Eros. Je n'y résistais plus, et je pédalais comme si le temps s'écoulait entre mes mains, comme si chaque seconde était un grin de sable qui allait mourir dans la mer nocturne.

Je ne savais plus où j'allais, perdue par les bourrasques de sentiments, perdue par mon esprit qui créait des lignes dorées à la place du chemin. L'impatience coulait alors dans mes veines, et j'avais la soudaine impression de pouvoir tout, d'être Déesse et mère créatrice à la fois. Le temps valsait sous mes doigts, et plus j'avançais, plus il suspendait sa danse pour me laisser le temps de m'adapter à ses pas.

Et soudain, il était là.

Je freinai furtivement et m'arrêtait en travers de la route déserte.

Il était là, assis sur la plage de nos débuts, de cette soirée où il me montra Naples scintillant dans les reflets maritimes de la nuit.

Mon cœur se serra à cette vision. Il était si près et pourtant, j'avais l'impression que des kilomètres nous séparaient. Il était là et pourtant, il me manquait déjà.

J'ignore combien de temps je demeurais ainsi, à l'observer de loin, appréciant ces instants à la dérobée, le plaisir discret de voir, sans être vu. L'amour pur qui n'a pas besoin de mots pour s'exprimer.

Il faisait alors nuit lorsque je décidai de le rejoindre. Je m'avançai vers lui, les pensées en vrac, des milliers de frissons me parcourant le corps.

En m'approchant, je fus frappée de sa beauté. Il ressemblait à une statue antique, resplendissant sous la lumière lunaire.

Le sable s'écrasait sous mon poids. Peu à peu, je pouvais sentir son aura voleter dans l'air, embrasser la mienne. Et elles resplendissaient, ensemble.

- Mi sei mancato, murmurai-je en arrivant près de lui.

Dante leva les yeux. À l'intérieur y dansaient les étoiles, la lune, et moi. Dans ses yeux, j'étais une constellation, et je brillais sous les feux lunaires.

- Dante.

Il se leva soudainement, comme prit d'un électrochoc. Me surplombant de toute sa hauteur, je pouvais sentir sa fragrance qui m'avait tant manquée.

Des frissons caressaient mon échine tandis que son regard me perçait à jour. Son souffle s'écrasait sur mes lèvres et une douce chaleur naquit au creux de mon ventre.

Et sans un mot, il me prit dans ses bras tandis que les vagues s'écrasaient sur le rivage.

....

* Tu lui manques

* Tant pis !

....

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