2° Bleu pervenche

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Chapitre à lire avec la musique pour plus d'intensité.


...


« There must be an angel by my side.»


Sélène


Mon walkman en main, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, la musique défilait.

Nonna m'avait envoyé à la boulangerie, et j'en profitais pour me promener dans la douceur de cette soirée. Les gens étaient à leur terrasse, les enfants couraient partout. Une suave nuit s'annonçait à La Loggia tandis que le soleil se couchait.

La mélodie pulsait dans mes oreilles tandis que je trottinais au rythme de la musique.

Le soleil crachait ses dernières lueurs tandis que la nuit m'enlaçait de ses bras sombres. Mes cheveux voletaient dans l'alizé, et je frémissais de ce vent qui me caressait doucement. Ici, la nuit, c'était la sérénité absolue de la Sicile.

Une lumière ocre courait le long des ruelles, embrassait les murs et se réfractait jusque dans le ciel, réchauffant les cœurs.


Fermant les yeux un instant, je me délectais de la suave fragrance qui dansait dans l'air. La beauté nue du monde, qui se révèle sous les yeux poètes de l'homme.


Soudain, j'ouvris les yeux, éblouie par la dernière lumière du soleil qui exultait dans les cieux. J'avais plus les mots, envoûtée par ce spectacle simplement splendide.


Reprenant la marche, je tournais au coin d'une ruelle pour déboucher sur le port Della Cala. Longeant le quai, je regardais l'eau de la mer s'agiter sous le poids des bateaux amarrés, tandis que des vagues se formaient, pervenche, embrassant les premières couleurs de la nuit.



Emportée par la contemplation, je quittais bientôt le port en entrant dans une ruelle. Les bâtiments se dressaient, fiers, malgré leur évidente usure. Moi, je trouvais que c'était cela qui donnait le charme à Palerme. Cette usure caractéristique de son âge, mais digne, elle ne se laissait détruire et jaillissait d'une beauté unique.




La nuit envahissait maintenant les ruelles, courait sur les pavés et m'embrumait presque. C'est alors que je remarquais que je ne connaissais pas ces rues, ces immeubles, et réalisais soudainement avec angoisse que je n'étais plus à La Loggia.

L'inquiétude se mit lentement à m'envahir, tandis que je sortais des ruelles afin de déboucher sur une rue plus fréquentée. Malgré cela, j'avais une orientation très mauvaise et craignais de ne pas retrouver mon chemin. Mon italien était très mauvais et se limitait au bases.


Essayant de garder mon calme, je décidais de rebrousser chemin pour tenter de revenir sur mes pas. Peine perdue, après une dizaine de minutes à tourner en rond dans les ruelles, je décidais de ressortir dans la rue adjacente. Malheureusement, je m'étais visiblement enfoncée dans les tréfonds de Palerme lorsque je me rendis compte que le port ne se dressait plus devant moi.

Une pancarte indiquait « Piazza Rivoluzione » tandis que je débouchais sur une petite place, éclairée par le halo des quelques restaurants qui l'entouraient.

Les terrasses étaient presque vides, et je ne savais placer deux mots corrects en italien. Je désespérais de ne pas retrouver mon chemin. Nonna devait maintenant être inquiète, et je n'avais aucun moyen de la contacter.


Mince, mince, mince.



Alors que je m'apprêtais à tourner les talons, un bruit fort retentit dans la petite place. Cinq vespa débarquèrent. Des jeunes, pour sûr. Leur rires résonnaient fort dans la Plazza.

Assis sur leur vespa, ils parlaient fort et riaient aux éclats.

J'hésitais à aller leur parler, sachant pertinemment qu'il ne me comprendraient pas.

Désespérée, je décidais de tenter le coup. Après tout, j'étais perdue au milieu Palerme, je n'avais donc rien à perdre.


Traversant la place, je vis leur regard se poser sur moi tandis que je m'approchais d'eux. Mon cœur se mit à battre un peu plus vite, mais je me redressais, essayant de paraître confiante.

En m'approchant, je m'aperçus qu'il y avait quatre garçons, sûrement plus vieux que moi de quelques années, et une fille.

- Buonasera*, hésitais-je avec un accent bancal.

Tous les cinq me regardèrent de travers, avant qu'un blond lance, un sourire en coin.

- Qui, una francese.

Gênée, je tentais de leur demander le chemin, en vain. Finalement, je décidais d'essayer en anglais.

- I'm sorry, I'm lost. Do you know how to get back to La Loggia* ?

Ils ricanèrent avant qu'un des garçons, que je n'avais pas encore remarqué, prenne la parole.

Mon cœur se mit à doubler ses battements tandis que mes yeux se posèrent sur lui, et il me fallu quelques instants pour réaliser qu'il me parlait.

Ses yeux noirs étaient attachés aux miens, si bien qu'il était impossible de déroger à son regard. Il avait les cheveux les plus noirs qu'il m'avait jamais été donné de voir. Un noir de jais, profond, sans aucune lueur autre qu'un bleu nuit tranchant en reflet sa chevelure sombre. Sa peau était hâlée, presque précieuse. J'aurais juré avoir à faire à une statue grecque.

- Hé !


Le garçon haussa la voix, me faisant sursauter.



- Ici, c'est La Kalsa, me dit-il avec un parfait accent français.

- Tu parle français ! lâchais-je spontanément, un grand sourire fendant mes lèvres.

Le garçon resta neutre et redémarra sa vespa, rapidement suivit par ses amis.





- Continues tout droit vers le port, et tu retrouvera le chemin vers La Loggia, dit-il froidement avant de démarrer sa moto et de partir vers le côté opposé.





Et ainsi, je les regardais partir au loin, le bruit de leur vespa pétaradant dans le silence de la nuit.



Et lorsque je me retrouvais seule, je me souvins brutalement que je ne savais pas comment retourner à Della Cala.














....



* Buonasera : Bonsoir.

* Je suis désolée, je suis perdue. Savez-comment retourner à La Loggia ?




















....

D I A M O N D SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant