3° Rose del giorno, sarò la tua notte.

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« Tu me manqueras pour toujours comme les étoiles manquent le soleil dans le ciel matinal. » - Lana Del Rey

Sélène

Été caniculaire.

La chaleur, impitoyable, nous enserrait et nous étouffait.

Allongée sur mon lit, je fixais le plafond. Des fissures naissaient aux extrémités, et s'étendaient, gracieuses.

Fermant les yeux, je pouvais sentir la chaleur explorer mon corps, s'étendre sous mon derme, enserrer mes pores. Asphyxiante, elle me couvait, me tuait.

Dehors, le soleil tentait de transpercer mes persiennes, et j'avais l'impression d'échapper de justesse à la mitraille de la fournaise caniculaire.

Je n'étais pas sortie depuis une éternité, accablée par le temps et par ma solitude. Étouffante.

Je ne me souvenais pas à quel âge j'avais pris conscience de ma solitude presque absolue. Je n'avais pas d'amis, peut-être quelques connaissances, mais aucune ne prenait la peine de prendre de mes nouvelles. Il m'arrivait souvent de m'allonger, défaite, fixant un point vagabondant dans l'espace, tandis qu'une seule pensée martelait mon esprit :

Tu es seule, Sélène.


Et alors, il m'arrivait de pleurer. La larme qui perlait était la peine qui me consumait, certains jours.



- Sélène !

M'arrachant soudainement à mes pensées, la voix de ma grand-mère retentit du salon.


- Oui, Nonna ? répondis-je en la rejoignant.

Les mains prisent dans une pelote de laine, elle tricotait. Ses yeux se mirent à briller lorsqu'elle me vit arriver.

- Tu n'es pas sortie depuis une éternité. Ça ne te dirait pas d'aller prendre l'air ?

Nonna me suppliait du regard d'accepter.

- Je ne t'oblige à rien, ajouta-t-elle, c'est juste qu'il y a plein de jeunes comme toi ici, et que tu devrais essayer de te faire des amis.

En sachant que je ne parle pas un mot d'italien, pensais-je.

Soupirant, je lâchais un sourire vaincu.


- D'accord.




-:-



Dehors, le soleil brûlait jusque dans les racines des arbres. La chaleur était étouffante, et un simple débardeur ne pouvait décidément pas la prévenir.

Les ruelles se suivaient et se ressemblaient. Tentant de rester à l'ombre, mes doigts se baladaient le long des murs craquelés des immeubles. Des serviettes et des draps pendaient le long des fenêtres. J'avais l'impression d'assister à l'écho des couleurs qui se réfractaient et se répondaient. C'était donc cela, La Dolce Vita propre à l'Italie.


Le chant du soleil qui s'écrase sur les peaux sublimées et l'explosion de couleurs qui implosent et éclosent dans nos cœurs. C'est un sentiment, c'est le pouvoir tout. C'est vouloir la Lune et atterrir dans les étoiles magnifiées.




Oh! Mais quelle beauté, ce Salvatore qui nous délivre de la nuit gisant dans nos essences innocentes.


Tournant au coin de la rue Calascibetta, j'atterrissais sur la place Vicolo dei Corrieri.

Le soleil crachait son feu sur les pavés sacrifiés. Presque divin, c'était un halo de lumière aveuglante et suave.

Une ligne d'ombre courait le long des bâtiments et formait un cercle infini. Rejoignant les coins ombragées, un bruit étrangement familier retentit soudain dans le silence de la place.

Un vrombissement fit écho et échoua dans les limbes de mon cœur lorsque les jeunes de la dernières fois entrèrent dans mon champ de vision.


Se dirigeant dans ma direction, le groupe riait aux éclats. Plusieurs filles étaient accrochées aux dos des garçons conduisant les vespa. Ma respiration se fit lourde tandis qu'il s'arrêtèrent à mon niveau.


- Ancora tu ! s'exclama le blond de la dernière fois.


Malgré mon Italien pitoyable, j'avais bien compris ce « Encore toi » dédaigneux lancé avec arrogance.



Grinçant des dents, je décidais de ne pas me laisser intimider.


- Comme si j'étais ravie de te voir.



Le blond me regarda, incrédule, ne comprenant assurément pas les paroles qui sortaient de ma bouche.

Bien fait pour lui, pensais-je. Je pourrais l'insulter qu'il comprendrait que dalle.

D'ailleurs, je murmurais un : « Connard. » à peine audible que je mourrais d'envie de lui cracher à la figure.



- Une si jolie bouche comme la tienne ne devrait pas sortir des vulgarités telles.



Mon cœur rata un battement lorsque mes yeux se posèrent sur le propriétaire de cette voix.

Le brun me regardait, le regard brillant. Brûlant. Et j'aurais alors juré avoir vu la chaleur du ciel jaillir dans ses yeux. La noirceur de ses cheveux reflétait admirablement celle de ses yeux, comme si toute la nuit était contenue dans ses pupilles et que les étoiles étaient la lueur rompant avec la noirceur qui nous laissait sans voix.

Mes yeux descendirent sur ses lèvres pleines. Le soleil leur donnait une lueur presque obscène, tant elles semblaient charnues sous la lumière chaude et ardente.


- Un si joli visage ne devrait pas être si défendu, répliquais-je.

Le garçon ria doucement et le son provoqué se faufila jusque dans mon coeur. Ultra violence.

- Si je suis le fruit défendu, tu es la bouche qui prend le fruit car son envie lui crie d'y goûter.


Une violente chaleur irradia mon corps et j'eus la soudaine impression de suffoquer sous les martèlement de son regard.

- Dante! s'écria la fille qui se tenait accrochée à lui. Non ci importa di lei!  Dai, andiamo.*

Ce dernier acquiesça et ralluma sa vespa. Ses amis partirent les premiers. Se lançant à leur suite, il me lança un dernier regard avant de disparaître au coin de la rue, le bruit des vespa pétaradant, crevant le silence.







Et son prénom, qui se martelait dans mes pensées.









Dante.











...


* On s'en fiche d'elle, vient on s'en va.

D I A M O N D SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant