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— C'est trop compliqué, je n'y arrive pas !

A genoux et à bout de souffle, Geneviève dévisageait Maitre Samiksha vêtue de son éternelle tenue traditionnelle d'Inde qui lui rendit un regard froid, avant de répondre d'un ton sans appel.

— Il est certain qu'avec aussi peu de volonté et de motivation, tu ne réussiras pas à faire beaucoup de choses... Je pense que c'est ce qui te manque le plus, la motivation...

Le regard de la jeune femme se fit subitement aussi froid que celui du Maître qui se tenait droite face à elle.

— Je suis motivée et déterminée !

— Non tu ne l'es pas. Pas du tout, même, parce que tu n'arrives pas à appréhender ce qui se joue.

— Bien sûr que si ! Le retour de Défos et la fin du monde !

Maître Samiksha se mit à rire.

— C'est ce que je disais. Tu ne peux pas appréhender un concept aussi énorme, surtout en ayant passé dix-huit ans chez les humains et seulement un an chez nous. Alors je vais te le résumer encore plus simplement...

La femme à la peau cuivrée et aux cheveux d'ébène tressés en arrière se pencha vers sa disciple dans un mouvement gracieux qui fit cliqueter ses bijoux, jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres du visage de Geneviève.

— Si tu n'y arrives pas, tous ceux auxquels tu tiens mourreront... Tes Maîtres... Tes amis de la Trinité... L'homme que tu aimes... Avec un peu de chance, nous mourrerons tous rapidement sous les coups de l'Inquisitions... Le scénario le plus probable est que nous soyons massivement capturés pour subir mille expériences horribles comme Dame Ygern avant nous, avant que Défos ne vienne tous nous plonger dans le Néant... Voilà, c'est aussi simple que ça... Alors ?

La bouche entrouverte et les larmes aux yeux, Geneviève resta silencieuse quelques instants avant de se relever lentement, poings et mâchoire crispés. Une fois debout, elle renifla tout en essuyant ses larmes d'un revers du bras, avant d'inspirer profondément et de prendre une posture étrange, une jambe fléchie, le talon décollé du sol, les bras levés et enlacés.

— Alors ? Alors votre danse ne va pas devenir innée en une seule fois, vous attendez quoi pour me l'enseigner encore ?

Maître Samiksha sourit avant de prendre la même position que sa disciple.

— Pense à suivre ton propre rythme, je saurais m'aligner dessus.

Les deux femmes se mirent à danser au son d'une musique qu'elles seules entendaient sous le regard bienveillant d'Ygern, Sans Nom et Hildegard.

— Ta protégée s'en sort bien. Je connais des mages qui ne tient pas aussi longtemps même après cent ans de pratiques.

Souriante et satisfaite, Sans Nom répondit sans quitter Geneviève du regard.

— Merci Hildegard. J'ai aussi entendu d'excellents échos sur ses progrès à tes côtés. Est-ce vrai ?

La géante haussa lentement la tête.

— Elle pourra bientôt rivaliser avec Samata. Et pourrait d'ici dix ans prétendre au titre de Maître Guérisseur à ma place. Mais le destin semble en avoir décidé autrement...

Ygern baissa la tête, les yeux fermés, et soupira lentement avant de reporter son attention sur la jeune femme.

— Maribel et moi sommes d'accord sur deux choses. Son don de Vue Vrai ne cesse de se développer, et le voile de l'avenir ne cesse de s'épaissir. Reste à savoir si elle en est la cause, ou si c'est la puissance de Défos qui le provoque... Dans tous les cas, l'instant des prophéties approche... Vous lui avez parlé de celle sur le bouclier, l'épée et l'armure ?

Hildegard et Sans Nom opinèrent du chef à l'unisson avant que la Toritie n'ajoute.

— Je n'ai pas encore eu la force de lui parler de celle qui la concerne... Cette petite a pris une sacrée place dans ma vie, et... La voir se battre de la sorte pour épouser une destiné dont elle ne veut pas me remplit de fierté. Lui annoncer le sort qui l'attend me crève le cœur...

— La prophétie dit qu'elle peut être sauvée, Sans Nom. Et elle a le droit de savoir...

La Toritie dévisagea Ygern avec peine et douleur avant de répondre.

— Tu vois comme elle tend à garder ton fils loin d'elle... Même s'il ne semble pas s'en lasser, cela finira peut-être par arriver... Et je ne veux pas qu'elle s'accroche à lui parce qu'il est sa seule chance de survie... Ils en souffriraient tous les deux, et ni l'un ni l'autre ne méritent de vivre ça...

— Je comprends...

Des cris de joie les interrompirent, les ramenant à la jeune femme et au maître au milieu de la salle qui s'enlaçaient en hurlant de bonheur tandis qu'autour d'elles dansaient de fines particules bleues en suspension dans l'air de la pièce. Souriante, Sans Nom reprit d'un ton froid.

— Maintenant, il faut retrouver ce satané sceptre...

*

Dans une alcôve sombre, six ombres se tenaient trois par trois de chaque côté d'une large table en chêne.

— Vos forces se tiendront à l'écart de notre assaut, vous nous le jurez ?

— Si vous parvenez vraiment à obtenir les coordonnées de leur Cité Capitale, et à annihiler ces maudits Changeformes, vous pourrez traverser librement notre territoire. Nous vous laisserons même bruler leur forêt pour y établir un nouveau centre de recherche dédié uniquement à ces monstres. Si tant est que vous parveniez à en capturer quelques spécimens vivants...

Les trois hommes se concertèrent avant que l'un d'entre eux sorte un téléphone portable de sa soutane et décroche.

— Oui ? Monseigneur... Oui... Bien Monseigneur, il sera fait selon votre volonté.

Raccrochant, il reporta son attention sur les deux hommes et la femme avec lesquels il négociait.

— Monseigneur Torque Mada vient de m'annoncer que nous avions les coordonnées de cette fameuse cité. Est-ce que nous pouvons sceller notre accord ?

Les hommes d'église prirent chacun un couteau et s'entaillèrent la paume de la main, avant de tendre la lame aux personnes face à eux. Ceux-ci les imitèrent puis ils échangèrent une poignée de main, plaie contre plaie, avant que la femme et les deux hommes ne disent à l'unisson.

— Par le sang nous prêtons ce serment. Aucun membre de l'Inquisition ne sera inquiété par les vampires le temps d'éradiquer les Changeformes en notre pays. Si vous veniez à être victorieux, ce territoire vous serait acquis et des voies d'accès vous seraient ménagées. Car personne ne revient sur un serment du sang.

Les mains se séparèrent, et les hommes d'église se levèrent pour prendre congé. Celui qui avait décroché son téléphone se retourna avant de sortir.

— Seigneurs Septus et Decimus, Dame Ophidius, ce fut un plaisir de faire affaire avec nous.

Un sourire prédateur aux lèvres, Ophidius répondit d'une voix lascive.

— Croyez bien que si nous n'y gagnions pas autant, vous vous seriez fait dévorer depuis bien longtemps...


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La Trinité des Monstres - Tome 3 - Le Conflit des ÂmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant