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Les festivités battaient leur plein dans le palais et à travers toute la Cité Capitale. Nourriture et alcool circulaient librement sans le moindre débordement, les félins festoyant aux côtés des canidés, les races naturellement ennemies célébrant à leurs côtés. Se mêlant à la foule, restant proche de son peuple, Arthur, accompagné de Nicolas et Lucie, Alphonse et Hyppolite, Breena et Golbar, Uther aux cheveux courts et Vortigern, affichait un sourire de circonstances, alors qu'au fond de lui le sentiment de solitude s'épaississait. Nicolas avait retrouvé sa fiancée, la femme avec qui il s'était mis en couple dès sa première année au collège, Alphonse allait être père, Uther avait retrouvé l'épouse qu'il avait attendu plus de vingt ans, et Vortigern, après plus de cinq cent ans avec son épouse, se délectait de concubines de toutes les espèces, tandis que lui se retrouvait seul le soir dans son immense chambre, le trône à ses côtés désespérément vacant. Alors que ses amis le quittaient petit à petit au gré des rassemblements, il continua d'avancer, saluant ses sujets avec chaleur, dissimulant son mal-être grandissant, jusqu'à voir à quelques mètres de lui Viviane et Ilphras en grande discussion avec Maribel et Amani, le premier couple se tenant délicatement la main, le second s'enlaçant plus fiévreusement les hanches. Son sourire travaillé sur mesures le quitta alors tandis que son visage peinait se rivait vers le sol. Faisant demi-tour, il se décida pour regagner sa prison que tous nommaient palais quand une main déformée vint se poser sur son épaule. Sans un regard, Arthur murmura.

— Bonsoir Quasi... Je suis désolé, j'ai bien peur de ne pas être de bonne compagnie... Il vaut mieux que je rentre...

— Oh non, je ne crois pas.

Arthur dévisagea le métis en haussant un sourcil. Le bossu au visage tordu et aux jambes arquées lui offrit un vrai sourire révélant des dents mal placées.

— Je ne laisserais pas Mon Roi s'en aller en emportant avec lui un ami dans la détresse. Je sens d'ici le désespoir qui t'habite, alors viens avec moi. S'il y a une chose dont je suis certain, c'est qu'à deux, on est moins seul.

Arthur pouffa de rire avant de suivre son ami boiteux qui l'entraîna à une grande table autour de laquelle de nombreux métis de toutes espèces étaient rassemblés qui l'accueillirent à grand renfort de parodies de révérences faisant rire le monarque. Prenant une chaise, il les remercia, et un homme dont la bouche était un grand bec lui répondit.

— Mon Roi, ne le prenez pas mal. Nous avons compris que votre statut vous déplait, et nous savons ce que signifie être mis à l'écart. Si un jour vous jugez que nous allons trop loin, nous nous reprendrons. Mais pour le reste, quelque part, vous êtes comme nous... Un paria...

Un sourire triste au visage, Arthur opina lentement du chef avant d'ajouter.

— Quelle dommage que des âmes aussi belles que les vôtres ne soient pas reconnues à leur juste valeur.

Une femme sans cheveux ni lèvres répondit.

— Oh mais elles le sont ! Depuis quelques années il y a un Frère Retrouvé Sans Poils qui veut que nous soyons traités avec équité !

Haussant un sourcil à l'évocation de son cas, Arthur se tourna vers Quasimodo.

— C'est quoi, un Sans Poils ?

— J'oublie toujours que tu en es un, et que donc ton éducation a des lacunes... Vois-tu, un Sans Poils est un Frère ou une Sœur Retrouvé ayant tellement vécu chez les humains qu'il est presque inadapté à notre monde... C'est souvent le cas de ceux qu'on retrouve à l'âge adulte ou presque, parce que la civilisation homidée est trop ancrée dans leurs esprits... Comme pour toi.

La Trinité des Monstres - Tome 3 - Le Conflit des ÂmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant