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Arthur venait de lire l'adresse envoyée par message sur son téléphone et prit sa forme de loup pour gambader dans la ville en direction de l'hôtel, tâchant de se faire quand même assez discret pour ne pas effrayer les gens qui ne comprendraient pas pourquoi un loup noir comme les ténèbres se promenait en ville, mais profitant la truffe au vent de chaque sensation, chaque odeur que pouvait lui apporter la cité. Au bout d'une heure de pérégrinations, après avoir marqué quelques murs en urinant et fouiller dans les poubelles d'un restaurant gastronomique, il arriva devant l'hôtel dans lequel son ami s'était réfugié avec leur cible et se cacha derrière un buisson pour reprendre apparence humaine avant de matérialiser ses affaires stockées dans l'Éther.

Il enviait les Changeformes plus doués que lui parvenant à faire fusionner leurs vêtements et équipement avec leur seconde peau, mais continuait à pratiquer pour essayer d'atteindre leur niveau. Malgré tout, la manipulation de l'Éther restait pour lui quelque chose d'obscur et trop peu scientifique pour son esprit cartésien, à l'inverse de la transformation corporelle qui n'était qu'une application d'idées de biologie chargée d'énergie Éthérée.

Avisant la façade de l'hôtel, il repéra la seule fenêtre avec un linge étendu, heureusement au premier étage, et pris son élan avant de grimper la façade pour s'accrocher au rebord et se hisser dans la pièce, pour y trouver Nicolas vautré sur le lit à regarder la télévision.

— Désolé, j'ai plus de retard qu'une femme enceinte, j'ai loupé quoi ?

Le vampire le dévisagea avec perplexité.

— Comme ça, je dirais ta blague, ton entrée, une occasion de fermer ta gueule et de briller par ton intelligence...

Vexé, Arthur marmonna.

— Tu peux te plaindre que je ne fais pas attention à toi, mais tu n'as jamais un mot gentil à mon égard... J'ai l'impression de ne plus exister à tes yeux...

Les deux frères fixèrent le vide avant de se dévisager avec stupeur. Arthur fut le premier à briser le silence.

— On dirait un vieux couple...

— Pire encore... On dirait... Mes parents...

— Je comprends mieux les réactions de Geneviève...

— Ou pourquoi les autres pensent qu'on est des homos refoulés...

Arthur s'écria.

— Ils pensent quoi ?

Tête baissée, nicolas murmura.

— J'ai entendu ça dans le palais... Les gens pensent qu'on est un couple gay qui ne s'assume pas...

— Mais tu es juste mon frère de cœur...

— Je sais... Mais les autres ne le pensent pas comme ça...

Arthur s'assit à côté de son frère et sorti son paquet de cigarettes de l'Éther avant d'en allumer une.

— C'est non-fumeur ici.

— M'en cogne... Dis, c'est important pour toi ce que les autres pensent de notre relation ?

Nicolas haussa les épaules.

— Je crois que les gens le pensent depuis des années en fait, alors je m'en fous... Et toi ?

— Je n'avais jamais fait gaffe, c'est que je dois m'en branler aussi...

Les deux hommes se fixèrent avant de se pencher en avant, leurs lèvres s'approchant lentement, leurs souffles se faisant de plus en plus court. Ils n'étaient plus qu'à un petit centimètre l'un de l'autre quand ils partirent tous deux d'un immense éclat de rire. Essuyant une larme au coin de son œil, Nicolas s'esclaffa.

— C'est tellement improbable et inenvisageable !

Arthur répondit en se tenant les côtés.

— N'empêche que cette fois-ci j'ai vraiment cru que tu iras jusqu'au bout !

— Je ne sais pas qui sera le plus surpris ce jour-là. Toi, ou notre publique ?

— Ce sera toi quand je te cracherais dans la bouche !

— T'es dégueulasse !

— Je sais !

Reprenant son sérieux, Arthur continua sur un ton plus mesuré.

— Et notre invitée ?

— Sous la douche depuis une demi-heure... J'ai entendu l'eau s'arrêter plusieurs fois, et des pleurs... Je ne sais pas si elle récure sa peau ou bien si elle y reste pour ne pas s'effondrer devant nous... Et par respect, j'ai descendu mes sens à un niveau humain... Je n'ose même pas aller frapper à la porte... Je crois qu'elle a besoin d'être seule... Si elle voulait parler, elle doit bien se douter qu'elle est là pour elle, non ?

Arthur haussa un sourcil avant de se lever.

— Comment as-tu pu être aussi proche du mariage en connaissant aussi peu les femmes ?

Sous le regard surpris de Nicolas, il se rendit à la salle de bain et frappa.

— Hey, la belle inconnue, tout va bien ?

Une voix timide et enrouée lui répondit par l'affirmative et il reprit.

— Écoutes, je ne vais pas te forcer la main... Mais je veux que tu saches que si tu as besoin de parler, de te confier, de poser des questions... Ou juste d'une épaule pour pleurer... On est là... On est pas aussi doué que les femmes pour les confidences et tout ça, et ne comptes pas sur moi pour te tresser les cheveux ou te laisser me faire des nattes, mais... On est là au besoin, OK ?

Le verrou de la porte se retira et celle-ci s'ouvrit, libérant une jeune femme propre enroulée dans une serviette et aux cheveux encore ruisselants d'eau qui lui sauta au cou en pleurant. Désemparé, Arthur resta les bras ouverts quelques instants avant de l'étreindre alors que Nicolas, vexé de la leçon qu'il venait de recevoir, prenait une cigarette du paquet de son frère pour l'allumer en marmonnant.

— Séducteur du dimanche...


La Trinité des Monstres - Tome 3 - Le Conflit des ÂmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant