{Rise Up-Andra Day}Je ramasse ma veste en jean qui traine à côté de mon sac sur le sol puis je me reconcentre sur mon cours. Plus que dix petites minutes et le professeur arrêtera de parler, je rejoindrai Adan dans ma chambre, j'en aurai fini avec cette semaine de cours interminable.
Les jours m'épuisent autant que les cours, je travaille tellement depuis deux mois, j'ai l'impression de ne plus rien faire en dehors de mes cahiers. Ma vie est fractionnée par quelques moments passés avec Adan, Haven et parfois les autres, mais ce repos est enseveli sous la masse de travail.
Nous sommes fin février, l'année est loin d'être finie et j'ai l'horrible impression que mes problèmes disparus vont refaire surface d'ici peu. Enfin la tant attendue sonnerie retentit, je range mes stylos et accompagne Ruby jusqu'à son casier pour qu'elle dépose ses affaires à l'intérieur.
Adan n'avait pas cours ce vendredi après-midi. Il a insisté pour m'attendre sur le campus,"une guitare et mon ordi, c'est tout ce dont j'ai besoin pour m'occuper seul" m'a-t-il répondu lorsque je lui ai dit qu'il allait probablement s'ennuyer à mourir.
Je rêvasse en retournant dans ma chambre, le froid caresse mes joues, je me camoufle derrière mon écharpe. Quelques mètres me séparent encore de ma porte et j'entends une musique flotter dans l'air provenant de droit devant.
Je reconnais alors la voix qui me berce pour m'endormir et me réveille en douceur, celle qui apaise mes blessures invisibles, celle qui éclaire chaque pièce où elle se trouve.
Mais aujourd'hui, elle sonne différemment, heureuse de l'entendre chanter en accord avec sa guitare, cette pensée s'efface très vite lorsque j'écoute plus précisément ses mots. Je m'arrête net devant la porte, mon souffle court. Le numéro "23" me nargue et je suis incapable de bouger.
"The ambiguous mask falls, we see your pain as well as the singing souls and the irritating agony"
Tout s'écroule, mon monde, mes barrières, rien ne semble réparable. Je bous de l'intérieur mais la peur me ronge. Mes pensées si volages d'habitude sont éteintes, elles aussi m'ont abandonnée.Je suis seule face à cette stupide porte, mes yeux me brûlent et mon poignet me démange.
"Cursed curse that sticks to your guts"
Aucun doute possible. Aucun. Désespérée, abasourdie, furieuse, apeurée, tellement de mots pour une seule personne, je ne suis pas sûre de réussir à les contenir. Il n'a pas le droit, personne ne l'a à vrai dire.
Je me concentre pour ne plus écouter, arrêter ce cauchemar bien pire que les autres. J'ai simplement envie de me réveiller, de tout arrêter mais j'ai beau me pincer, la réalité reste devant mes yeux. Mais pas lui. Pas comme ça. Pas maintenant.
"You chase it with words but it dies you from the abyss"
Non, non, non, s'il vous plaît, pas ça. La seule larme qui coule est la plus douloureuse de toutes, elle me ravage. Il n'a aucune idée de ce qu'il fait, de ce qu'il dit. Ce ne sont pas ses mots, ils ne lui appartiennent pas, simplement parce que ce sont les miens.
"And you seem alone in despair"
J'ouvre la porte alors brutalement, j'ai à peine le temps de voir la scène qui se déroule devant mes yeux brumeux que je me mets à hurler comme une folle.
-Tu as lu mon journal...comment tu as pu?
Ma voix s'éteint sur les derniers mots et devient un souffle désespéré. Il est là, ébahi, allongé sur mon lit, sa guitare à la main. Je rentre à peine dans ma chambre, j'aperçois mon vieux carnet ouvert à côté de lui.
-Tu pouvais faire n'importe quoi, vraiment, j'aurais pu m'attendre à tout. Mais pas ça, pas venant de toi...
-Je suis désolé, c'était pas pour te blesser.
-Eh bien on dirait que c'est plutôt raté. Tu as lu MON journal, c'est...
Je n'ai plus de mots, plus rien à lui dire, il m'a simplement déçue. Je m'assois sur le lit de Haven et je plonge ma tête dans mes mains. J'entends qu'il parle mais j'y porte une attention très limitée. Il s'accroupit devant moi, écarte les mains de mon visage et croise nos regards.
-Je t'ai dit que j'étais désolé, je cherchais mon téléphone sous ton lit et je suis tombé dessus. Je n'ai pas pu m'empêcher de lire. Mais ce que tu écris est fantastique.
-Mais ce ne sont pas tes affaires, personne n'aurait jamais dû lire ces conneries encore moins toi.
Il se relève et passe doucement la main dans ses cheveux toujours en me fixant. Plus aucun ne parle, c'est uniquement par le regard que nous nous exprimons.
Le mien est dur et noir, rempli de colère et voilé par la honte. Je ne perçois aucune forme de regret dans celui de cet Abruti fini. Je sursaute lorsqu'il hausse la voix et brise ce silence insoutenable qui dressait un mur entre nous deux.
-J'en ai marre, j'en peux plus. Ça fait des mois qu'on est ensemble et il y a encore tellement que je ne sais pas sur toi. Tu es fermée, tu ne me parles presque pas et j'ai la douloureuse impression que tu ne me fais pas confiance. Je t'ai tout dit, mon passé, ma famille, Chloé.
Il marque un temps de pause, je ne sais pas s'il atteint une réponse de ma part mais je reste bouche-bée. Je me concentre sur l'extérieur, une nuée d'oiseaux traverse le ciel, le vent bat les feuilles des arbres, je m'éloigne de cette conversation que je priais pour ne jamais subir. Il semble que Adan remarque mon stratagème puisqu'il reprend encore plus énervé.
-Tu me fuis du regard sans arrêt dès que je commence à te parler de toi ou de ton passé. J'ai tenu ce fichu pacte, je ne te posais aucune question parce que je savais que tu ne me dirais rien, que c'était trop douloureux pour toi. Mais aujourd'hui j'arrête, si tu ne me racontes rien, si tu ne me fais pas confiance on peut pas avancer tous les deux.
Je ne sais pas ce qu'il essaie de me dire mais ces non-dits commencent à m'effrayer, j'ai encore l'impression de gâcher la chance qu'il représente pour moi. Je me relève, je lui fais face et j'explose, littéralement.
-Je sais exactement ce que tu essaies de faire, tout le monde le fait avec moi, tu cherches à me faire culpabiliser pour ce que je suis. Alors que là, c'est toi le fautif, c'est toi qui as ouvert ce putain de cahier. Tu as accepté le fait que je n'étais pas prête à tout te raconter alors tu n'as pas le droit de te plaindre.
Encore un silence pesant, mes yeux transpercent les siens, sur le moment je le hais. Je le hais puisque j'ai l'impression qu'il devient comme tous les autres, même lui essaie de me faire du mal.
-June merde, j'ai juste regardé ton cahier, j'ai juste chanté tes poèmes. Je n'ai tué personne et là tu fais toute une histoire pour ça. Des fois je ne te comprends pas. Je t'aime comme pas possible mais tu ne me facilites pas les choses.
-Alors quoi, tu es en train de me larguer c'est ça, tu baisses les bras?
-Ecoute...c'est..., j'en sais rien, je suis perdu.
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Don't look at my past [Terminé]
RomansaJune Reed est une adolescente de dix-huit ans déchirée par son passé. Elle a décidé de tout fuir, sa famille, ses anciens amis, son lycée. Cette année elle rentre à l'université d'Olympia et compte bien se reconstruire. Néanmoins, elle doit parvenir...