10 Janvier 1842. Après-midi, 16H00.
Parmi les murmures du vent entre les arbres et la Mer Sombre qui s'étendait à quelques kilomètres, flottait dans l'air une odeur de fumée. Les courant d'airs venaient du Nord-Ouest et ce qu'il transportait ne pouvait qu'être l'indication que Hans avait établi son campement là où nous l'avions estimé. Ainsi, notre prochain objectif était clair : ériger notre propre camp et nous rapprocher un maximum sans nous faire prendre. Cependant, la nuit arrivait à grands pas alors notre marche de manœuvre s'en trouvait fortement réduite. Nous devions agir vite, mais avec presque trois cents personnes à déplacer, cela s'avèrerait bien compliqué.
Pourtant, la Reine leva le bras pour ordonner l'arrêt complet du convoi. Le visage faiblement éclairé, ma mère avait des airs de Souveraine lugubre dont seul le regard de glace parvenait à se frayer un chemin pour vaincre les ténèbres. Sans surprise, les Hommes lui obéirent au doigt et à l'œil pour attendre leurs instructions. D'un œil méfiant, Elsa fit progresser sa jument dans la forêt plongée dans la nuit. Le silence, seulement interrompu par le craquement de la neige, rendait l'atmosphère pesante et l'avancée de la Reine angoissante. Les chevaux, agités par l'inconnu, soufflaient et s'ébrouaient sous le calme de façade qui enveloppait les bois.
Ma mère, en première ligne, s'enfonçait dans les ténèbres et prenait des airs de guerrière solitaire rompue au combat. L'œil agare, je la voyais tendre l'oreille, une main sur la poignée de son épée, prête à agir. Pourtant, rien ne se produisit, la forêt demeurait vide.
- Hans n'a pas l'air de savoir que nous sommes ici, murmurai-je à Heda en observant les lieux, mon Cerf prêt à surgir.
- Détrompez-vous, intervint le Général arrivant derrière moi. Ils savent que nous sommes ici.
- Je suis d'accord, confirma Elsa en revenant, il nous attend tapis dans l'ombre. Trouvons un endroit pour ériger notre campement mais redoublez de vigilance, lança-t-elle à ses soldats d'une voix puissante. Soyez sur vos gardes, Hans et ses Hommes peuvent être n'importe où.
À l'annonce, ma gorge se serra alors qu'Elsa nous ordonnait de reprendre notre route. Plus aucun effet de surprise n'aurait pu nous avantager, notre compagnie était bien trop bruyante pour cela et trop nombreuse. Si Hans voulait nous repérer, il n'aurait qu'à tendre l'oreille. Aux côtés de ma mère, je restais sur le qui-vive et observais sans relâchement les oreilles de Spirit à la recherche d'indices sur notre entourage.
- Surtout, ne te fais pas repérer par Hans et ses Hommes, engagea ma mère sans quitter la forêt du regard. Ils doivent te croire disparue jusqu'au moment opportun, nous avons besoin de cet avantage pour le vaincre, tu l'as bien compris ?
- Oui, j'ai bien compris. Je ferai de mon mieux, lui dis-je solennellement, même sans réellement comprendre de quel plan elle me parlait.
- Ne fais rien de trop dangereux surtout. Ne reste pas isolée, ne quitte pas Heda, conclut-elle en échangeant un regard entendu avec le Soldat.
D'un signe de la tête, j'acquiesçai sans rechigner : elle avait raison, j'aurais besoin d'un soutien dans les combats à venir. J'aurais besoin de mon amie à mes côtés pour espérer survivre. Cette Guerre serait impitoyable, j'en avais bien conscience et je ne souhaitais qu'une simple chose : que la mort n'arrache pas toutes ces âmes d'un simple coup de faux.
Mais brutalement, Spirit stoppa net sa progression, imité par tous les chevaux sans exception. D'une façon soudaine, les équidés se cabrèrent alors que l'air s'était chargé d'électricité. Les Hommes s'agitèrent et dégaignèrent leurs épées sous l'ordre du Général tandis que les esprits s'échauffaient. Secouée sur le dos de mon destrier, je lançai un regard à Heda qui subissait les mêmes bouleversements. Les chevaux, hors de contrôle, avaient pressenti quelque chose. Mon Cerf, guidant mes instincts, me fit ressentir la lourdeur inhabituelle qui planait dans les bois. Une odeur de poussière âcre et chaude qui me fit froncer les sourcils et serrer les dents, pendant que mon regard sondait l'étendue sombre.
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L'Histoire de ma Vie. Tome 1 : L'Héritière.
FantasíaLorsque l'aventure de May Dawson commença, elle n'était âgée que de 16 ans. Sa vie était des plus tranquilles, parfois monotone, parfois injuste mais elle s'y complaisait ; bien qu'elle ne voyait devant elle qu'un avenir flou. Cependant, lors d'une...