L'Histoire de ma Vie. Tome 1 : L'Héritière.

Chapitre 1 : Le Gardien de la Joie.

4 Octobre 2015.Nuit.

Je me souviens du froid. Un froid mordant et cinglant apportait par cette nuit d'automne. Je me rappelle les flocons qui sciaient le ciel nocturne avant que le sommeil ne me prenne d'assaut. L'anormalité de la scène m'avait alarmée et pourtant, je n'aurais pu me douter que cette nuit changerait ma vie à tout jamais.

Cette nuit en particulier, mon cœur demeura agité tandis que je m'endormais au Pays-Basque. L'impatience sciait mon être alors que j'attendais mon anniversaire. Le lendemain, j'aurais seize ans. Je me rapprochais de l'âge adulte et de la liberté qu'il pourrait m'offrir. Des choix s'offriront afin que je puisse modeler mon destin, qu'il ne me paraisse plus aussi flou. Je plaçais de l'espoir en cet avenir et en ce que les âges m'apporteraient en guise de présent. Alors, je me laissai couler dans un sommeil profond et paisible, empli de rêves surréalistes. Cette nuit-là ma vie entière bascula dans un monde tout aussi merveilleux que terrorisant.

À minuit, j'entendis une voix. Je pensais qu'il ne s'agissait que d'un rêve, pourtant l'air frais qui me frôla ne faisait guère partie de mes songes. Frissonnante, j'émergeai un peu plus ; les yeux toujours clos, l'esprit embué, je distinguai un changement de luminosité derrière mes paupières. Et, effrayée, je sursautai, reculant un peu plus dans mon lit, les yeux soudainement grands ouverts. Pourtant, je ne pus les garder ainsi bien longtemps. L'éclat augmenta encore, devenant insupportable. Immédiatement, mes paupières se refermèrent face à la lumière aveuglante qui envahissait la noirceur de ma chambre.

Un nouveau courant d'air me frappa, plus fort et glacé que le précédent, m'obligeant à m'enfouir sous mes couvertures. L'instant d'après, l'obscurité avait repris ses droits. Timidement, effrayée par la situation, ne comprenant rien à ce qu'il venait de se produire, je sortis ma tête de sous mes couvertures. Directement, je distinguai un homme, et effarée, je ne pus guère bouger : j'étais tétanisée et ne pouvais que le fixer impuissamment. Mon corps était pris dans un étau de glace.

L'inconnu ne bougeait pas davantage et me fixait sans un bruit. De mon lit, je ne pouvais que deviner son jeune âge, son corps enroulé d'une longue cape noire et son visage dissimulé sous un capuchon. Il tenait dans sa main un vieux bâton à la forme étrange, semblable à un bâton de berger. Je ne voyais distinctement que ses yeux qui scintillaient d'un magnifique bleu qui perçait à lui seul toute la noirceur de la pièce.

Malgré la peur qu'il m'avait inspirée, cet étranger m'intriguait alors qu'il aurait dû me terroriser davantage. Étrangement, je voulais me rapprocher de lui. Sans que je ne le contrôle, je quittai mon lit et m'avançai sans trembler. Une fois devant lui, je constatai que ses yeux étaient semblables en tous points aux miens : des iris bleus, légèrement foncés, cerclés de noir. Des yeux de glace.

Je n'avais plus peur, plus d'appréhension, pas de questions quant à sa présence. Il m'intriguait, c'était tout. Je ne pouvais que le fixer bêtement et détailler son regard, rien de plus.

– Je m'appelle Jack Frost, dit-il d'une voix calme, rendue rauque par les années. Sais-tu qui je suis, demanda-t-il sans lâcher mon regard ?

À l'évocation de son nom, j'acquiesçai sans réfléchir. Je le connaissais, j'en étais certaine. Je connaissais sa Légende même sans l'avoir lu. Il était Jack Frost, le Gardien de la Joie et de la Neige ; un être doté de magie et de protection. Il était le Protecteur des enfants. Il était un être intemporel, immortel, qui subsistait uniquement grâce à leur croyance.

Face à mon signe de tête, l'homme sourit, laissant apparaître une dentition de jeune homme, blanche comme la neige. D'un mouvement lent et ample, le Gardien retira sa capuche. De plus près, son visage m'apparut avec une clarté surprenante. Son teint pâle, presque translucide, évoquait la froideur et la pureté de la neige fraîchement tombée. Ses cheveux, d'un blanc éclatant et en désordre, hérissés comme des cristaux de glace scintillants, ajoutaient à son apparence intemporelle et surnaturelle.