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17h45 :

Je suis devant le lycée de mon frère, et il ne devrait pas tarder à sortir. Plus vite il arrivera, plus vite on commencera notre tâche, et plus vite on aura terminé.

Après plusieurs minutes d'attente, je le vois enfin sortir du bâtiment scolaire, entouré de plusieurs copains, dont Émile. Dès qu'il me remarque, il m'adresse un sourire. Je m'écarte du mur et l'observe s'avancer vers moi après avoir dit au revoir à ses amis. À ma hauteur, il me demande aussitôt en souriant :

— Que fais-tu là ?

— J'ai besoin de toi.

— De moi ? En quel honneur ?

— Je t'expliquerai en chemin.

Je lui prends le bras sans attendre son avis et l'entraîne rapidement vers l'endroit que je dois absolument rénover. Il ne comprend pas mon acte soudain, mais il ne cherche pas à se dégager. Il se contente de dire, exaspéré :

— J'espère que ça vaut le coup.

Après une dizaine de minutes de marche dans les rues de la capitale, nous arrivons devant un lieu que je connais bien, mais qui est saccagé. Devant mon épicerie vandalisée, je laisse mon frère près de l'entrée et entre à l'intérieur pour chercher des produits ménagers et deux seaux remplis d'eau. Je les trouve rapidement et les pose à l'extérieur, aux pieds de mon petit frère.

— Attends... ne me dis pas qu'on va...

— Nettoyer la façade ? Si, c'est le projet.

Je saisis mon seau et m'accroupis près des graffitis inscrits sur le mur pour être à la bonne hauteur et nettoyer dans les meilleures conditions possibles. Je trempe une sorte d'éponge déjà un peu sale dans le seau et commence à frotter les insultes peintes sur le mur. Mon frère me regarde, déçu, et reprend :

— Tu m'as fait venir ici pour ça ?

— Oui.

Je continue de frotter les mots irrespectueux tout en écoutant ses plaintes exaspérées.

— Je pensais que c'était lié au réseau !

— Tais-toi, Tae. Arrête de dire ce genre de choses, on est en pleine rue.

Avec son comportement irresponsable, il nous expose au danger. Nous ne sommes jamais à l'abri des commérages, et encore moins des collabos à l'écoute attentive.

— Dans ce cas, je m'en vais.

J'entends aussitôt ses pas s'éloigner, et ce constat me fait serrer la mâchoire de colère. Agacé, je lui lance sans retenue :

— Tu comprends maintenant pourquoi je remets en question ta place au sein du groupe ?

Il s'arrête aussitôt. Je le devine, même sans le voir.

— Tu es immature, Tae, et c'est pour ça qu'on ne te confie pas des responsabilités importantes. Nos actions ne se résument pas à des missions remplies d'action. Parfois, notre travail consiste en de petits gestes comme celui-ci. Le jour où tu comprendras ça, tu pourras avancer. Souviens-toi-en.

Je reprends ma tâche dans un silence de plomb, presque pesant. J'ignore s'il est toujours là, du moins jusqu'à ce que j'entende ses pas revenir vers moi. Il s'accroupit à mes côtés et, d'une voix désolée, il murmure :

— Tu as raison... je suis vraiment idiot.

Il saisit son seau sans ajouter un mot et commence à nettoyer de son côté. En le voyant frotter les injures antisémites avec détermination, je ne peux m'empêcher d'être fier de lui. Un sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je continue en silence.

Délivrance ✿ NᥲmgιOù les histoires vivent. Découvrez maintenant