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Jeudi 16 mai 1944 :
13h22

Le pistolet coincé sous ma ceinture, j'attends que l'imprimeur finisse de préparer les faux papiers que nous sommes venus récupérer. Cet homme, d'une trentaine d'années, tient une petite imprimerie dans le deuxième arrondissement de Paris. Il est bien connu du réseau et joue un rôle crucial pour tout ce qui touche à l'administratif.

C'est lui qui nous fournit de faux papiers pour les soldats étrangers cachés en France, pour les aviateurs alliés, pour nous-mêmes lors des missions d'infiltration, et aussi pour les familles juives en fuite. D'ailleurs, c'est précisément pour l'une de ces familles que je vais livrer ces papiers avec Louise.

Face à cette mission, je ne peux m'empêcher de penser à mon patron, qui n'a pas eu la chance de pouvoir dissimuler sa religion. Dieu seul sait ce qu'il endure en ce moment même.

— Deux, trois, quatre, cinq. Le compte est bon.

— Tu as bien pris en compte le petit de deux ans ?

— Oui, tout est là.

Je lui tends l'argent et prends les papiers sans échanger un mot de plus. Je me dépêche de sortir de l'imprimerie avec Louise, et nous commençons notre marche vers le 13ᵉ arrondissement, là où se trouve la famille cachée chez des voisins.

— Tu as bien tout préparé avec Jean pour votre mission de demain ?

— Oui, normalement tout est prêt.

— J'espère que ça se passera bien. Je suis toujours un peu anxieuse quand tu es assigné à ce genre de mission.

— Pourquoi donc ? Tu doutes de mes capacités ?

— Non, je sais que tu es intelligent et déterminé. Mais je te connais, Yoongi ; je sais aussi que tu ne tiens pas vraiment à la vie et que tu te mets facilement en danger. Le sacrifice est une option trop tentante pour toi.

— N'est-ce pas précisément pour cela que nous sommes engagés dans cette lutte ? Sacrifier nos vies pour notre cause ?

— Si, bien sûr. Mais pour beaucoup d'entre nous, la vie a encore de la valeur. La mort n'est qu'un dernier recours. Ce n'est pas le cas pour toi.

Les paroles de Louise ne sont pas anodines. Elle me connaît depuis mon arrivée dans le réseau, et nous partageons souvent nos missions. Je sais bien, moi aussi, que la mort ne m'effraie pas, au contraire. Parfois, je me dis que la mort ne pourrait qu'être plus douce que cette vie que je mène.

Aussi contradictoire que cela puisse paraître, ces pensées sombres me poussent à me battre pour ma patrie, pour la liberté de mon pays. C'est sans doute pour cela que je suis prêt à risquer ma vie sans hésitation, d'où l'inquiétude de Louise, que je considère comme ma meilleure amie.

— D'un autre côté, je suis rassurée. Jean ne te laissera pas te sacrifier aussi facilement si la mission tourne mal.

— Jean n'a aucune influence sur moi, ni sur ma vie.

— Permets-moi d'en douter.

J'ignore si Louise a perçu quelque chose de notre relation ambiguë, alors je ne préfère rien dire. Elle change de sujet :

— Émile voulait se joindre à nous, mais tu n'as pas accepté. Pourquoi ?

— Je ne veux pas qu'il fasse trop de missions. Il est comme Taehyung, encore trop jeune. Même s'il est plus débrouillard que mon frère, pour moi, c'est pareil : je refuse qu'il lui arrive quoi que ce soit.

Je connais Émile depuis qu'il est tout petit, il grandit bien trop vite, comme Tae, et je m'inquiète autant pour lui que pour mon frère. Je les protège et les préserve des missions trop dangereuses.

Délivrance ✿ NᥲmgιOù les histoires vivent. Découvrez maintenant