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Vendredi 5 juillet 1944 :

— Tu devrais sortir prendre l'air.

— Je n'en ai pas envie.

Ma voix est lasse, monotone. J'ai envie de rien, pas même de bouger de ma place et le goût de la vie est devenu bien plus amer désormais.

— Ça fait trois jours que tu restes ici. Mange un morceau au moins.

— Je n'ai pas faim.

La pluie s'abat sur la vitre et je la regarde faire sans réaction apparente. Mon visage ainsi que mon regard sont complètement éteints, et aucune envie me vient à l'esprit. Mon corps est totalement inanimé.

Cela fait trois jours que mon père m'a appelé pour m'annoncer pour mon frère. Il m'a rappelé entre-temps, mais je n'ai pas décroché alors Namjoon s'en ai chargé personnellement. La discussion qu'il a eue avec mon géniteur n'était pas longue et je doute qu'elle soit très agréable, sûrement juste courtoise.

Le corps de mon frère va être rapatrié dans la semaine et la cérémonie aura sûrement lieu plus tard. À cette pensée, mon cœur me fait un mal de chien dans ma poitrine. À côté de mes pieds nue, se trouve cette lettre légèrement froissée et remplie de larme. La seule qu'il m'est envoyé, ce bout de papier ou son écrit, ces derniers mots, ses dernières nouvelles.

La rage abusive est partie, je n'en veux plus à Namjoon, enfaite, je pense que je ne lui en ai jamais réellement voulu pour la mort de mon frère, tout simplement parce qu'il n'y est pour rien. Mais la haine que j'ai envers ses confrères, ne fait que de grandir dans ma poitrine.

Ils ont pris mon frère, ils l'ont tué.

À cette pensée, mes larmes menacent de couler une nouvelle fois sur mes joues déjà meurtries de tristesse, mais c'est finalement sans succès. Je n'en ai plus, cela fait des jours que je pleure sans m'arrêter, mes yeux son rouge et très irrité.

Et je doute que ça s'arrange.

****

17 juillet 1944

Il y a du monde, ma famille, des amies du lycée et des membres du réseau sont venus à cet enterrement modeste. Ils sont tous là pour ce jour funeste qui nous attend tous à un moment où un autre, mais qui est arrivé bien trop tôt pour Taehyung.

Habillé de noir, dans cette église catholique, mon frère est encore à la vue de tous dans son cercueil marron clair, pendant les derniers mots du prêtre se font entendre délicatement. Des mots, qui l'accompagneront dans l'au de l'as, mais qui n'ont pas su le protéger malgré les prières que j'ai fait à son égard. C'est ensuite un passage obligé des familles vers le cercueil qui se produit, le dernier moment où je le verrais de toute ma vie.

Quand je le regarde, habillé avec classe, dans ce cercueil pourtant si étroit, je ne peux réfréner mes larmes. Sa pâleur effrayante, ses marques de blessure légèrement camouflée me prennent aussitôt à la gorge. Ma mère, déjà en larme, s'est fait sortir par mes grand-parents pour ne pas la faire davantage souffrir. Et mon père finit par s'en aller le visage complètement fermer.

Je suis le dernier à le voir et à me recueillir auprès de lui. Désormais seul dans l'église avec le prêtre, les les pompes funèbres et le corps sans vie de Taehyung, je ne peux que m'écrouler de sanglot. Ma main fébrile et tremblante touche son visage glacial, cependant si dure alors que mes lèvres sanglotent désespérément.

— Je suis tellement désolé Taehyung.

Désolé pour toutes nos disputes, nos injures, désolé d'avoir ôté la vie de la femme que tu aimais même si tu ne le sauras jamais. Mais surtout désolé de t'avoir entraîné là-dedans, de ne pas t'avoir empêché d'y aller, de ne pas t'avoir protégé comme j'aurais dû en tant que grand frère.

Délivrance ✿ NᥲmgιOù les histoires vivent. Découvrez maintenant