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Mercredi 15 mai 1944 :
11h45

Je sors lentement de mon profond sommeil, ouvrant avec précaution mes paupières. Le jour est déjà levé, et j'ai l'impression d'avoir dormi une éternité. Un mal de crâne insupportable m'accueille au réveil ; je quitte le canapé pour me rafraîchir le visage dans la salle de bain.

Je déboutonne les trois premiers boutons de mon chemisier, puis laisse l'eau froide m'éclaircir les idées. En me regardant dans le miroir, je découvre quelques égratignures, légères, heureusement. Rien de trop grave, bien que je m'attendais à pire.

Après m'être nettoyé et changé, je m'installe à la table pour réfléchir au plan de notre prochaine mission. Mes pensées s'entrechoquent, laissant émerger quelques idées, mais je n'ai pas le temps de les approfondir. Soudain, mon téléphone sonne. Je m'empresse de décrocher.

— Allô ?

— Yoongi, c'est Suzanne.

Je suis surpris de l'entendre. Suzanne ne m'appelle jamais sans raison. Aussitôt, je m'interroge : est-ce à cause de l'incident d'il y a quelques jours ? La dernière fois que nous nous sommes vus, je l'ai laissée en plan, regrettant depuis mon attitude.

— Comment vas-tu ? demandé-je, un peu mal à l'aise.

— Pas très bien. Et toi, tu es rentré sans encombre ?

— Oui, tout va bien de mon côté.

— Tant mieux... mais Yoongi, je t'appelle parce que je suis seule à l'épicerie et... j'ai peur.

— Que fais-tu là-bas ?

— Je pensais que tu viendrais ce matin. Des hommes sont passés plusieurs fois, et ils n'ont pas cessé de m'importuner.

Putain d'Allemands ! Évidemment, ça ne peut être qu'eux. Ils n'ont aucun droit de l'intimider, et je n'ai aucune intention de les laisser faire.

— Où es-tu maintenant ? demandé-je.

— Au bistrot, en face de l'épicerie.

— Parfait. Ne bouge pas, j'arrive.

— Merci, Yoongi. Je t'attends.

Je raccroche, le cœur serré à l'idée qu'il pourrait lui arriver quelque chose. Pourquoi ces Allemands rôdent-ils autour de l'épicerie ? Cela m'échappe. Quoi qu'il en soit, je dois aller la retrouver.

****

11h18

En arrivant devant mon ancien lieu de travail, je m'arrête, stupéfait et furieux. La façade que j'avais nettoyée hier est de nouveau couverte d'injures antisémites. La rage monte en moi ; je serre les poings.

Comment cela est-il possible ? Qui se permet de piétiner mes efforts avec tant de mépris ?

Une main douce se pose alors sur mon épaule. Je me retourne pour voir Suzanne, les yeux embués de larmes, terrifiée. Elle me prend dans ses bras, et je la serre à mon tour, réconfortant.

Après un long moment, elle se détache, prête à me parler.

— J'ai eu si peur, murmure-t-elle.

— Ils t'ont fait du mal ?

— Non, mais ils posaient sans cesse des questions insistantes... sur toi.

— Et tu leur as répondu ?

— Rien du tout, je te le promets, Yoongi. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils se sont montrés de plus en plus oppressants.

Pourquoi des Allemands s'intéresseraient-ils à moi ? Aurais-je éveillé les soupçons ? Il va falloir que je sois doublement vigilant.

Délivrance ✿ NᥲmgιOù les histoires vivent. Découvrez maintenant