6

60 7 7
                                    


Vendredi 17 mai :
16h30

— Tu es sûr que ça va passer ?

Je pose mon regard sur Jean. C'est vrai que nous prenons beaucoup de risques pour cette intervention, mais nous n'avons pas le choix. Je me regarde une dernière fois : les uniformes SS volés nous vont à la perfection. La supercherie devrait fonctionner comme sur des roulettes.

— On ressemble à de vrais Boches. C'est parfait.

Jean n'a pas l'air ravi de ce « compliment », et moi non plus. À vrai dire, c'est bien la dernière chose que j'aime faire : me déguiser en ces pourritures d'Allemands, et encore pire, de SS. Porter cette croix gammée sur le bras me répugne, mais je ne peux pas l'enlever pour le moment.

Nous quittons mon modeste appartement et marchons calmement dans les rues de la capitale française. Nous restons silencieux, espérant simplement qu'aucun Allemand ne vienne nous parler. Le déguisement est parfait, mais pas notre allemand. Ni Jean, ni moi ne maîtrisons la langue, à part quelques mots que nous entendons quotidiennement de la part de nos envahisseurs.

Après plusieurs minutes de marche, nous arrivons enfin à l'hôtel de la préfecture de Paris. Je n'y avais pas remis les pieds depuis l'occupation. En entrant, je constate que l'endroit est truffé de soldats allemands ; ils ont réquisitionné tout le bâtiment.

Je balaye les environs du regard, cherchant le chemin à suivre. Je connais l'endroit exact où nous devons poser la bombe. Je reconnais les escaliers et m'y dirige, Jean à mes côtés. Nous montons rapidement, croisant quelques soldats allemands en cours de route. Ils nous saluent, et nous répondons de même, sans cérémonie.

Arrivés en haut, nous tournons immédiatement à droite pour nous retrouver dans un long couloir éclairé et relativement calme. Plusieurs Allemands discutent sans prêter attention à nous, et nous atteignons enfin la porte principale. Je vérifie discrètement les alentours, puis j'indique à Jean que nous pouvons entrer.

Pour l'instant, tout se passe bien ; nous avons de la chance.

Jean ferme la porte derrière nous et sort de sa mallette un prototype de bombe ainsi que les outils nécessaires pour la poser. Il me les passe, et je m'installe sous la table pour commencer l'installation. Je jette un œil à ma montre, puis pose délicatement la fausse bombe. Je la fixe avec précaution et vérifie que tout est en place. Après deux minutes trente, le dispositif est en place. Je note le temps et l'emplacement exact dans mon carnet de croquis. Ensuite, j'enlève la fausse bombe et sors de sous la table. Jean me demande aussitôt :

— C'est bon ?

— Oui. J'ai tout noté.

— Parfait.

— Personne n'est entré ?

— Non, on a eu de la chance.

Mais rien ne garantit que la chance sera du côté des gars qui poseront la vraie bombe le jour de l'attentat. J'espère que tout se passera bien ; nous n'avons pas d'autre option. Nous rangeons soigneusement nos affaires dans la mallette noire, puis quittons la pièce sans traîner.

Dehors, nous constatons que le couloir est désert, ce qui nous arrange bien.

Nous empruntons le même chemin pour sortir, et descendons les escaliers comme si de rien n'était. Mais alors que nous sommes sur le point de partir, une voix nous interpelle :

— Soldat, hör auf ! (Soldat, arrêtez-vous !)

Nous nous figeons, soudain raides et tendus. J'ai compris la phrase, ce qui est à la fois rassurant et terrifiant. Jean me lance un regard anxieux, sa main glissant instinctivement vers l'arme à sa ceinture. Je secoue aussitôt la tête pour lui dire de ne pas s'en servir.

Délivrance ✿ NᥲmgιOù les histoires vivent. Découvrez maintenant