Chapitre 11

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Tara

Au volant de l'E-Mehari, je file sur la route à travers le paysage aride. Au loin, la mer étale scintille doucement. Je jette un coup d'œil dans le rétroviseur avant de ralentir pour prendre le virage.

Dire qu'il n'y a qu'une semaine que je suis ici. Il s'est passé tant de choses que j'ai l'impression que cela fait des mois. Liam aussi c'est comme s'il a quitté l'hôtel depuis des jours. Pourtant, c'était il y a quelques heures à peine. Après son départ, j'ai pleuré comme je ne l'avais pas fait depuis... depuis mon adolescence. Même après avoir compris que je ne pourrais plus être ballerine, je n'avais pas pu me libérer ainsi.

Ayant déversé toutes les larmes de mon corps, j'ai commencé à tourner en rond dans la suite. Durant des heures. En colère contre le destin qui m'a si cruellement marquée et furieuse contre moi-même. Partagée entre mon envie de m'affranchir de cette peur de voir encore la révulsion dans le regard d'autrui et mon désir d'aller de l'avant.

Je me suis toujours arrangée pour que Matt n'ait jamais l'occasion de poser ce genre de regard sur moi. Pourtant, au début, ses visites tant à l'hôpital qu'au centre de rééducations étaient fréquentes. Après, il est très vite parti en tournée avec sa troupe. Lorsqu'il revenait à Londres, je refusais d'aller plus loin que quelques baisers. Je ne pouvais pas. La vision de mon propre corps mutilé ne m'inspirait que dégoût et colère. Comment lui, n'en aurait-il pas éprouvé ? Lui qui a connu et admiré mon corps de ballerine ? De sa part, je n'aurais pas pu supporter le moindre mouvement de répulsion. Ensuite, nos rencontres ont été de plus en plus rares. Comment aurais-je pu lui en vouloir ? Je sais que je suis en grande partie responsable de l'échec de notre couple. Je ne suis plus celle dont il est tombé amoureux. Avoir une petite amie et ne plus pouvoir faire l'amour avec elle parce qu'elle est trop complexée, ça ne devait pas être facile à gérer pour lui non plus. Pourtant, il a compris ce qui m'arrivait. Il était patient. Seulement, c'était plus fort que moi. De toute façon, à la fin, nous ne partagions plus rien.

Cela fait trois ans que je n'ai pas eu de relation sexuelle. Depuis, j'ai perdu toute assurance. Et je ne me suis pas sentie suffisamment en confiance pour prendre le risque de me dévoiler.

Jusqu'à tout à l'heure, avec Liam.

Lorsque j'ai réalisé que malgré tout, il était le seul avec qui j'ai pu aller aussi loin, j'ai cessé de réfléchir. Je me suis laissée porter par mon instinct. J'ai appelé Armelle. Elle avait l'air d'être très bien renseignée sur lui. Je me suis dit qu'elle saurait sans doute m'indiquer ses coordonnées. D'ailleurs, je me demande s'ils n'ont pas eu une aventure.

— Hello, Tara ! a-t-elle répondu joyeusement.

— Salut Armelle. Je te dérange ?

— Absolument pas. C'est mon jour de repos. Tu vois, là, on est en train de rôtir au soleil. Beatriz et quelques potes. Ça te dit de nous rejoindre ?

— Ça aurait été avec plaisir. Mais là j'ai d'autres projets, me suis-je excusée avant de marquer une hésitation. Par hasard, tu ne connaîtrais pas l'adresse de Liam ?

Le blanc au bout de la ligne n'a laissé aucun doute sur le degré de surprise d'Armelle.

— Une seconde. Je m'éloigne un peu de la bande, a-t-elle fini par déclarer. Je sais bien que ce ne sont pas mes oignons. Tu es certaine de toi, là ?

— Oui. Si tu peux me renseigner, j'aimerais vraiment savoir où il habite.

— Liam, tu débarques pas chez lui comme ça. Et crois-moi, je sais de quoi je parle !

— Je prends le risque.

— Comprends-moi bien, hein. C'est un type sympa. En tant qu'ami, il n'y a rien à dire. Mais pour les sentiments, il ne faut pas compter sur lui.

Juste une nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant