Juste une nuit

Épilogue

Liam

Cinq ans plus tard...

De fragiles nuages de coton blanc évoluent paresseusement dans le ciel d'un bleu pur. Le jardin d'Élisabeth s'est paré de ses couleurs printanières. Les éclats de rire et les bribes de conversations animées résonnent joyeusement dans ce cadre bucolique.

J'embrasse la tablée du regard. Tous ceux — ou presque — qui compte pour Tara et moi sont là. Nous fêtons notre quatrième anniversaire de mariage.

Ma mère et Élisabeth nous ont concocté un déjeuner digne des plus grands chefs. Comme chaque fois. Ce matin, elles nous ont chassé de la cuisine Tara et moi quand nous leur avons proposé notre aide. Sans doute ont-elles gardé du dîner que nous leur avions préparé l'autre jour un souvenir... disons mitigé ? C'est vrai que notre Burriada de Ratjada n'était pas ce qu'on peut appeler une réussite. Nous n'avions pas pu finir nos assiettes tant c'était salé. Bah. Les plats surgelés n'étaient pas mal, eux.

— Mais oui, ma petite chérie, je sais bien que tu peux couper ta viande toute seule, fait Élisabeth d'un ton accommodant et légèrement taquin. C'est juste que ça me fait plaisir...

Mes yeux se posent sur Ruby. Ma fille. Ma poitrine se gonfle de tendresse et de fierté. Elle aura deux ans le mois prochain. Elle est jolie comme un cœur. C'est le portrait de sa mère. De moi, elle a hérité ses iris verts. Elle a quelque chose de Connor aussi. De son caractère.

Un pli doux-amer incurve mes lèvres. Connor aurait eu huit ans. Il ne se passe pas une seule journée sans que je pense à lui. Il sera toujours là. Présent. Jusqu'au dernier jour de mon existence. J'aime à songer qu'il aurait veillé farouchement sur sa petite sœur. Tout comme moi. Tara et moi nous serons à ses côtés, quels que soient ses choix dans la vie. Et tant que j'y serais, je tâcherai également de lui prodiguer quelques conseils. Histoire de maintenir à distance tous les frimeurs et les couche-tard. Mais elle n'en est pas encore là.

Tara me presse la cuisse sous la table. Je pivote la tête et croise son regard tendrement amusé. Ma main capture la mienne, et nous entremêlons nos doigts. Nous contemplons ensemble notre petite princesse. Entourée de l'une de ses grand-mères et de son arrière-grand-mère, Ruby prend un plaisir évident à être le centre de l'attention. Espiègle, elle babille, minaude, adresse des sourires éclatants à la ronde...

Avec un air affectueux, ma mère écoute son discours décousu. Après la mort de Jacob, pour surmonter sa peine, elle s'est beaucoup investie dans des associations caritatives. Récemment, elle y a fait une rencontre. Elle prétend qu'il ne serait qu'un ami. Joshua et moi nous la soupçonnons de l'apprécier bien plus qu'elle ne le dit. Nous serions heureux qu'elle ait quelqu'un dans sa vie. À notre connaissance, il n'y a eu personne depuis Jacob.

— Et ton scénario, comment il avance ? m'interroge James.

Mon pote quant à lui, met un point d'honneur à poursuivre sa vie de queutard invétéré. C'est en tout cas ce qu'il dit à qui veut l'entendre. Depuis peu, quand je passe dans sa boîte d'édition, certaines mauvaises langues osent soutenir qu'il aurait flashé sur une nouvelle autrice. Il l'aurait prise sous son aile. J'ai comme l'impression que l'indécrottable séducteur est en train d'amorcer sa métamorphose en amoureux transi... Surtout ne pas y faire allusion. Terrain glissant.

— Ne te fait pas de mouron, vieux. Je serai dans les temps, réponds-je, narquois.

— Mais je n'en doute pas une seconde, réplique-t-il, pince-sans-rire.

Le scénario en question, c'est celui que je suis en train de tirer d'un de mes romans. Le polar que j'ai commencé à écrire quand nous nous sommes connu Tara et moi. L'un de mes plus gros succès. À tel point qu'il a intéressé un célèbre réalisateur qui l'a racheté. Lors de la sortie de mon bouquin, Tara s'était étonnée qu'on la compare à l'héroïne. On se demande bien pourquoi...