Juste une nuit

Chapitre 20

Tara

Je saisis mon verre d'eau et jette un regard à Liam qui est assis en face de moi. Ce soir, je le trouve particulièrement... préoccupé. En fait, j'ai remarqué son changement d'humeur lorsque nous sommes passés à table. Moi non plus, ce n'est pas la grande forme. On ne peut pas dire qu'il y a une ambiance de folie pour le dîner.

Est-ce qu'il aurait entendu des bribes de la dispute que j'ai eue avec ma mère au téléphone tout à l'heure ? Nous préparions le repas quand j'ai reçu son appel. J'ai gagné le patio pour lui répondre. Une fois de plus, ça s'est terminé par une prise de bec. À l'écouter, ça serait presque anormal de vouloir connaître le nom de son père. J'en ai quand même le droit, non ? Je n'arrive pas à comprendre son obstination à garder le silence. Merde, ce n'est tout de même pas un secret d'État ! Grrr...

Je commence vraiment à me demander si c'est une bonne idée de retourner vivre à chez elle. Finalement, j'aurais dû m'inscrire à l'université de Plymouth. Mais, bon. Toute ma vie est à Londres. Par contre, ça deviendra vite infernal si je reste chez elle. Je n'ai pas le choix. Je vais me prendre un appart...

Liam pose ses couverts dans son assiette vide.

— Tu es presque aussi bon cuisinier qu'auteur. Et j'adore ce que tu écris, le complimenté-je, avant d'avaler la dernière bouchée de ma salade.

Il m'adresse ce sourire teinté de tristesse qu'il a depuis quelques jours.

— Tu n'as pas pu avancer comme tu voulais sur ton roman ? l'interrogé-je.

Il rive ses yeux aux miens. Il me regarde avec une telle intensité ! J'en ai des frissons dans tout le corps. Il a envie de moi. Ça vibre même entre nous. Mais je sens confusément qu'il y a autre chose. J'ai presque l'impression... qu'il m'en veut.

— Cette question, c'est pour aller fouiller encore dans mon ordi ? réplique-t-il un peu sèchement.

Je rougis furieusement. Moi qui croyais qu'il avait passé l'éponge...

— Je me suis déjà excusée à ce sujet, observé-je. Non, ce n'est pas pour t'espionner. Je te trouve un peu... taciturne. Alors j'ai pensé que c'était à cause de ton bouquin.

Je porte mon verre à mes lèvres.

— Désolé de ne pas être de très bonne compagnie, ironise-t-il.

Je prends le temps de boire lentement et de reposer le verre avant de répondre.

— Je n'y comprends rien. Tu as quelque chose à me reprocher, Liam ? À part pour ton manuscrit, je veux dire. Mais ça, apparemment, j'ai cru à tort que tu me l'avais pardonné.

Il détourne soudain le regard, débarrasse mon assiette et la sienne avant de se lever.

— Une partie de Street Fighter, ça te dit ? propose-t-il.

Il a retrouvé son attitude habituelle. Celle du mec en mode détaché.

Ce qu'il peut m'énerver parfois ! J'ai bien envie d'appeler un taxi et de le planter là ! Et tant que j'y suis de ne plus jamais remettre les pieds ici !

Sauf qu'il me touche. Pour moi, il est devenu un ami. Il m'a énormément aidé. Je vois bien que ça ne va pas trop en ce moment. Si seulement il pouvait s'épancher, se libérer de ce truc qui le mine. Je voudrais tant le soutenir...

— C'est un jeu de combat, c'est ça ? Ça date un peu, non ? remarqué-je.

— Des années 90. Sur la Super Nintendo, ça le fait pas mal, assure-t-il un sourire en coin et l'œil qui frise.