Juste une nuit

Chapitre 26

Liam

Tara hésite, puis va s'installer dans un fauteuil. Les chevilles gracieusement croisées sur le côté, elle se tient droite. Elle fait tout pour éviter mon regard. Je sens sa réticence. Ça peut s'entendre. Vu ce qu'elle s'est imaginé. Je ne nie pas ma part de responsabilité dans tous ces quiproquos. C'est vrai. J'aurais dû lui parler de Michelle. De notre divorce. Mais, je savais qu'elle m'interrogerait plus avant. Et je n'étais pas encore prêt à parler de Connor.

Je m'assois dans le canapé en face d'elle. Penché en avant, les bras posés sur les genoux, je cherche à capter son attention. Elle tente de donner une apparence calme et détachée. Mais la crispation des muscles de son cou la trahit.

Comme je reste silencieux, elle finit par lever les yeux sur moi.

— D'abord, il faut que je t'apprenne quelque chose d'essentiel pour que tu comprennes ce qu'il nous lie et nous liera toujours Michelle et moi, commencé-je.

À présent, c'est de la perplexité qui s'inscrit sur ses traits.

— On entend parfois parler d'accidents domestiques, poursuis-je. On a l'impression que c'est le genre de truc qui ne peut pas vous arriver. Aux autres, oui. Mais pas à vous. Vous vous êtes prudent. Vous faites attention.

Cette fois, ses prunelles s'arrondissent.

— Jusqu'au jour où ça vous percute de plein fouet à votre tour. Vingt mois et onze jours. C'était l'âge de Connor lorsqu'il... nous a quittés. Connor, comme tu l'auras compris, c'est le fils que nous avons eu Michelle et moi, conclus-je la gorge serrée.

Les souvenirs se succèdent dans ma tête. Son visage poupin. Ses moues boudeuses. Son rire argentin. Son regard taquin. Ses crises de colère. Ses tout premiers pas. Ses premières phrases sibyllines...

Je sors mon téléphone, ouvre le fichier contenant les photos de mon fils. Et tends l'appareil à Tara. Alors qu'elle les fait défiler, sa main tremble légèrement.

— Il était si mignon... Si... Il te ressemblait tellement... Je ne sais... quoi dire, balbutie-t-elle d'une voix étranglée.

Son émoi m'étreint plus encore la poitrine.

Les larmes font briller ses yeux. Je sens les miens s'humidifier.

Les traits décomposés, elle dépose le portable pour prendre ma main entre les siennes. Je referme mes doigts sur les siens.

— Après les funérailles de Jacob, nous nous sommes recueillis sur la tombe de Connor. Michelle m'a dit vouloir me parler en privé. C'est pour cette raison que nous étions dans le bureau...

L'autre soir, je l'ai aperçue alors qu'elle allait s'y réfugier. J'ai compris qu'elle était bien plus éprouvée qu'elle le laissait paraître. Cela faisait des mois que nous ne nous étions vus. La dernière fois, c'était pour acter notre divorce. Je l'y ai rejoint et l'ai trouvé en larmes.

— Michelle, l'ai-je interpellé en repoussant la porte derrière moi.

— Liam, je suis contente de te voir, m'a-t-elle accueilli avec un sourire triste.

— Pourtant, je ne me suis pas toujours bien comporté avec toi, ai-je répliqué en vrillant mon regard au sien. Ce jour-là, ça aurait pu être moi. J'aimerais te présenter mes excuses face à face cette fois. Et surtout te répéter que tu n'y étais pour rien.

— Je me sentais si fautive. Ça faisait mal de penser que tu m'en rendais responsable.

— Au début, c'est vrai, j'ai été en colère contre toi. Je ne vais pas te dire le contraire. Je suppose qu'il me fallait un coupable. J'ai dirigé contre toi mon désarroi... Et ce sentiment d'injustice. Je le regrette. Tu ne méritais pas ça.