Chapitre 2: Cohabitation

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« Vous ne pouvez faire preuve de gentillesse trop tôt car vous ne savez jamais suffisamment tôt quand il sera trop tard. »

Waldo Emerson

2020, France, mardi 17 mars, Aix en Provence

Cela fait bientôt deux jours que je me suis réveillée et les journées passent si lentement ici, je m'ennuie, je cherche à retrouver la mémoire avec l'aide des psychologues, de retrouver mes capacités à me déplacer avec l'aide de la rééducation et de soigner mes hématomes et mes côtes avec mon médecin. C'était des jours très compliqués pour moi, me retrouver à être plonger dans un passé que je ne connaissais pas mais j'ai quand même beaucoup avancé d'après les spécialistes, j'arrive à marcher normalement avec quelques problèmes d'essoufflements, je parle comme si de rien n'était, mes côtes me font toujours un peu mal, seul hic au tableau, ma mémoire qui ne revient toujours pas malgré mes rendez-vous quotidiens chez le psy. Ma famille n'est pas là, je ne sais même pas si j'en ai une. Je suis perdue avec l'impression d'être vide de l'intérieur. Le personnel médical est très gentil avec moi, il me prenne un peu en pitié et je l'ai bien remarqué. Je n'ai même pas le droit à la télé parce qu'ils ont peur que je fasse une sorte de crise si la mémoire me revient. Il préfère attendre encore quelques temps. J'ai un rendez-vous avec le psy dans... maintenant en fait. Je me lève de mon lit sur lequel je suis installée depuis trop longtemps à mon goût. Le psychologue m'attend quand j'arrive dans son bureau. J'en profite pour la détailler, elle est rousse aux cheveux courts, entre deux-âges, pas loin de la trentaine et pas loin de la cinquantaine, plutôt grande et fine. Je lui adresse un « bonjour » en entrant qu'elle me retourne. On commence la séance rapidement :

-Comment allez-vous aujourd'hui ?

-Comme tous les autres jours.

-Alors pouvez-vous m'expliquer comment vous vous sentez les autres jours ?

-Perdue et vide, je chuchote.

-Pourquoi ?

Je trouve le métier de psychologue très drôle, il nous pose des questions et on fait nous-mêmes leur travail en y répondant, ainsi ils nous exposent leur diagnostic.

J'essaye de garder mon calme afin de répondre à sa question le mieux possible.

-Parce que je ne sais pas qui je suis, ce qui m'a amené à avoir un accident, si j'ai une famille ou si je suis seule comme maintenant.

-Vous n'êtes pas seule, nous sommes là nous, réplique-t-elle un sourire aux lèvres.

-Vous, je ne vous connais pas, lui dis-je sur la défensive.

-Je suis désolée d'être aussi franche et de vous le dire comme ça, mais votre famille vous ne la connaissez pas ou plutôt vous ne la reconnaissez pas.

Elle me vexe et je me renfrogne. Je fais tout mon possible pour me rappeler mais pour l'instant ma mémoire me fait défaut. Beaucoup défaut. Elle voit mon désarroi et me dit :

-Votre mémoire va revenir, on ne sait pas encore quand, mais elle reviendra, rassurez-vous.

Elle me serre la main et me raccompagne jusqu'à la porte. Elle me remercie pour mon travail et mon honnêteté. Je repars vers ma chambre, dans le couloir, je croise mon médecin qui en profite pour demander de mes nouvelles, tout le monde s'inquiète pour moi pourtant personne ne me connait vraiment. Adam –comme il m'avait demandé de l'appeler- ajoute que je pourrais sortir ce soir vu l'avancée « spectaculaire » de ma guérison. J'étais terrorisée, je n'ai plus de papiers, plus d'argent, plus de maison et plus d'identité. Je suis sûre que c'était la première fois de toute ma vie que je pouvais affirmer que je n'étais personne.

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