Chapitre 3: Ève

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« Moi, Adam et Eve, j'y crois plus tu vois, parce que je ne suis pas un idiot : la pomme ça peut pas être mauvais, c'est plein de pectine... »

Jean-Claude Van Damne

2020, France, mardi 17 mars, Aix en Provence

On arrive très vite au centre commercial qui se trouve en dehors du centre-ville. On sort de la voiture et lui la ferme à clef. Je me confonds en excuses parce que je suis gênée de devoir encore lui demander quelque chose alors qu'il en a déjà tellement fait.

-Arrête toi, si je n'avais pas voulu le faire je ne l'aurais pas fait. Arrête d'être gênée comme ça, on est amis, non ?

J'hoche la tête alors qu'elle était baissée, j'ai l'impression d'être une enfant qui se fait gronder. Mais pourtant je pense vraiment être un poids pour lui.

On entre dans le premier magasin et on en ressort les mains dans les poches. Beaucoup trop vieux pour moi. Le deuxième au contraire, je trouve quelques vêtements et je suis obligée de demander conseil à une vendeuse puisque je ne connais pas du tout ma taille. Elle me conseille et je passe directement en cabine d'essayage. Deux pantalons, un pull et une veste. Tout me va, parfaitement, la vendeuse ne s'est pas trompée. Quand j'ouvre le rideau, Adam me détaille du regard, des pieds à la tête.

-Ça te va très bien, on prend.

Je suis déroutée par son ton soudainement autoritaire puis une fois changée, je lui tends les affaires qu'il voulait que je prenne même si je suis plutôt d'accord. Je suis très belle dedans. Sans un mot, il se dirige vers la caisse et je me sens encore plus gênée, j'ai l'impression que finalement acheter des choses pour moi le dérange.

Je sors rapidement dehors sur le point de pleurer et il me rejoint quelques minutes plus tard alors que je regarde la vitrine du magasin d'à côté. J'ai peur qu'il me prenne pour une profiteuse, c'est tout ce que je ne veux pas.

Sans un autre mot, on se dirige vers un autre magasin, pour acheter des chaussures, on en ressort avec trois sacs, une paire de baskets blanches, une paire de bottines, un sac à main noir et une paire de... Converse... je crois... basse noir. En sortant, faisant preuve de politesse bien-sûr, je le remercie.

-C'est normal, me répond-t-il.

-Non, ce n'est pas normal, on se connaît depuis moins de quatre jours et pourtant tu m'accueilles chez toi, tu m'achètes tout ce que je veux, je t'en serais éternellement reconnaissante.

Il me fait un bisou sur le front, que je prends comme un signe de protection. On est devenus tellement proches en seulement quelques jours, quelques heures. À ce moment-là, j'ai vraiment l'impression d'avoir trouvé un ami, une épaule sur qui m'appuyer. « On continue ? » me demande-t-il en me prenant la main et me tirant vers le prochain magasin. Un nouveau magasin de vêtements grâce auquel je pus trouver un jean ainsi que trois tee-shirts, un blouson et deux pulls en plus. On ressort de ce magasin une heure plus tard puisque même si je savais ma taille, il fallait que je les essaye tous et à chaque fois Adam ne lésinait pas sur les compliments.

Notre séance de shopping s'achève mais il manque quelque chose, des sous-vêtements, marre de ceux en papier, je n'ose pas lui demander de rentrer dans ce type de magasins. D'ailleurs, mon médecin perçoit mon trouble et me demande ce qu'il se passe.

Je lui réponds en louchant vers un de ce type de magasins dans lequel je déteste entrer à présent, je doute même que quelqu'un aime y aller.

-Oh, lâche-t-il visiblement surpris. Il continua aussitôt en se reprenant : si tu es gênée d'y aller avec moi, je vais t'attendre dehors et je te laisse de l'argent.

J'hoche la tête horriblement gênée, il me tend son portefeuille et je me dirige vers ce magasin dont je ne me rappelle plus l'existence enfin comme je ne me rappelais plus de personne.

Je demande encore une fois conseil à une vendeuse concernant ma taille, elle me mesure et ainsi m'indique quel sous-vêtement peut me correspondre. J'en ressors, une dizaine de minutes plus tard, un sac à la main, je rejoins Adam sur le parking, les sacs déjà chargés dans le coffre et il m'attend assis contre celui-ci.

-On a fini ? dit-il en rigolant légèrement.

-Oui, ne t'inquiète pas, merci beaucoup pour ton aide... dis-je en laissant ma phrase en suspens.

-Arrête de me remercier, tu es contente alors je suis content aussi, ok ?

-Ok.

On reprit la route vers son appart auquel on arrive très vite. Il m'aide à décharger l'intégralité de mes sacs ce qui n'est pas tâche facile. En entrant dans l'appart, il me dit :

-Mets tes affaires dans mon dressing, il y a beaucoup de places. D'ailleurs quand tu étais dans ce magasin tout à l'heure, j'en ai profité pour acheter du gel douche, du shampoing, du maquillage, un livre pour pas t'ennuyer et pleins d'autres trucs probablement inutiles, me dit-il en me tendant un sac.

-Merci beaucoup, je cris en lui faisant un câlin.

Vraiment gênant mais bon. Je monte une nouvelle fois les escaliers, j'installe mes affaires à l'endroit qu'il m'a indiqué et en profite pour prendre une douche rapide parce que j'ai l'impression de sentir l'hôpital.

Quand je redescends dans le salon, Adam est en cuisine, un tablier devant lui et il prépare le repas pour ce soir.

-Tu prépares quoi ?

-Une blanquette de veau.

-Je ne sais absolument pas ce que c'est, dis-je en rigolant et il me suit, cela détend un peu l'atmosphère.

-Du riz, du veau, du vin, de la crème, de la carotte... et on mélange tout, m'explique-t-il.

Je continue de rigoler en hochant la tête.

-C'est un peu bizarre ce que je vais te dire mais il faudrait qu'on te trouve un prénom.

-Que l'on me trouve un prénom ? Comme un animal ?

-Non pas du tout, ce serait juste plus simple, pour t'appeler, je ne vais pas dire « toi » ou « elle », un prénom serait vraiment plus facile et mignon.

-Et je suppose que tu y as déjà réfléchi puisque tu me le proposes, j'avoue le sourire aux lèvres par cette proposition plutôt drôle.

-Je pensais à « Eve », cela veut dire « vie » en hébreu.

-Adam et Eve ? C'est un peu cliché non ? dis-je pour détendre l'atmosphère.

-C'est vrai, et si ça te dérange, tu peux oublier ce que j'ai dit.

-Non pas du tout et puis Eve, cela me plait bien au final, je réplique en souriant pour le rassurer.

Il y a quelques secondes de blanc avant qu'il reprenne son air de médecin.

-Comment tu as fait pour te souvenir de Adam et Ève ?

C'est vrai, comment j'ai pu me rappeler de cette histoire ?

-Je ne sais pas, cela m'est venue comme si c'était une évidence.

Une évidence ? C'est peut-être le début pour que je puisse enfin retrouver la mémoire. Ce qui est sûr c'est que ma nouvelle vie vient de commencer.

SANS NOMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant