Chapitre 28: Explication

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« J'ai peut-être un train de retard mais je ne resterai pas à quai. »

Alice Nevers

2020, France, mardi 7 juillet, Aix en Provence

-Charlie, ça va ? me demande Bryan en se relevant à la va-vite pour se rhabiller. Il a enfin le respect de se rhabiller.

-Tu oses me demander si tout va bien alors que je viens de te voir dans mon lit avec ma prétendue meilleure amie. Tu as du culot mon ami ! dis-je en parlant encore calmement. Cela ne va pas durer.

J'ai les larmes aux yeux, je le sais. Je ne pleure jamais pourtant. Je sens les larmes prêtes à dévaler mes joues, les traîtres. Avec le peu de force qu'il me reste, j'arrive tout de même à les retenir, je veux garder le si peu de fierté qui m'habite encore.

C'est ma meilleure amie enfin je ne peux même plus appeler ainsi maintenant qui se relève.

-Charlie, on peut t'expliquer, je te promets, dit-elle en se cachant derrière MON petit-ami pour avoir enfin la décence de se rhabiller.

-Tu peux m'expliquer ? Mais j'ai très bien compris t'inquiète. Ça fait des mois que vous vous voyez dans mon dos, j'ai eu un accident et j'ai perdu la mémoire à cause de vous et même après vous vous rencontrez toujours. Vous avez aucun respect pour moi, dis-je en commençant de plus en plus à crier.

Ils se taisent tous les deux, ils me regardent juste faire, tourner en rond comme un lion en cage. J'ai retrouvé toute ma mémoire et je me souviens maintenant, mon accident, cette soirée de malheur. Tout. Enfin ! Il m'aura fallu cette scène pour que je me souvienne. Comment dit-on déjà ? Électrochoc...

Je me dirige vers mon dressing, attrape à la va-vite mes valises.

-Tu fais quoi ? ose-t-il d'une petite voix comme s'il n'était pas sûr de sa demande.

Comme il voit que je ne réponds pas, il continue :

-Tu pars ?

Est-il stupide à ce point ? Il croit vraiment que je vais rester avec lui alors que je l'ai surpris avec une autre.

-Tu crois vraiment que je vais rester avec toi ? T'as des neurones en moins ? Tu me trompes ! Je ne veux même plus te voir, je crie à en faire trembler les murs et à réveiller les voisins. J'espère bien que mes voisins m'entendent comme ça ils se rendront compte du salaud qu'il est.

-Alors je vais prendre quelques affaires et les mettre dans cette valise, je vais te laisser deux/trois jours pour préparer tes affaires, récupérer tout ce qui est à toi quand je reviendrais, je ne veux pas que tu sois là, je ne veux plus quoi que ce soit qui t'appartienne. Ainsi je pourrais revenir dans mon appartement, j'explique calmement et j'ai enfin l'impression d'être moi, d'avoir retrouvé mon caractère après plusieurs mois comme si j'étais dans la tête d'une autre. En même temps, j'ai changé en retrouvant la mémoire, j'ai retrouvé toute ma tête mais je sais aussi que quelque chose a changé, je me sens moi-même comme si j'avais trouvé un but dans ma vie.

-Et moi je vais aller où ? demande-t-il la tristesse dans la voix.

-Tu vas n'importe où, chez elle si tu veux, je ne veux plus que tu sois là, tu fais comme tu veux. Ce n'est plus mon problème, dis-je immédiatement très calme.

-Tu ne peux pas faire ça, je t'aime...

Il a osé le con. Me dire je t'aime dans un moment pareil est clairement une mauvaise idée et quelqu'un de sain l'aurait tout de suite remarqué.

-Tu l'aimes elle aussi et je n'ai clairement pas envie de te demander de choisir. Je le fais à ta place.

Il me regarde un moment dans les yeux comme pour sonder si je suis vraiment sérieuse et je le suis plus qu'il ne le croit.

-Tu m'as affiché devant tout le monde. Je comprends mieux les messages et les allusions de la secrétaire. Tout le monde le savait et tu oses me demander de rester. Tu oses... Tu me prends vraiment pour ce que je ne suis pas !

Il baisse tout de suite la tête gêné, il s'assoit sur le lit et me regarde faire ma valise en silence. Je sais qu'il veut ajouter quelque chose, peut-être même me dire « désolé » et ajouter un tas d'autre chose qui me ferait rester mais il ne fait rien, il me laisse juste faire. Ce qui ne fait qu'augmenter ma colère et aussi permettre que je m'exprime.

-Au moins grâce à ce truc, j'ai pu me rendre compte que tu n'étais pas du tout le fiancé et le conjoint qu'il me fallait.

Il relève la tête, me fixe de son air gêné et surpris. Ce choc a permis que je me rende compte que mes sentiments pour Bryan sont partis depuis que j'ai rencontré Adam. Ce sentiment que je ressentais avec Bryan quand je n'avais pas encore toute ma mémoire, c'était juste de la sympathie. Mais malgré que je ne ressens plus rien pour lui, je suis blessée de l'avoir surpris au lit avec ma meilleure amie, il a craché sur trois ans de relation et Astrid sur dix ans d'amitié.

-Tu ne peux pas partir comme ça, tu ne peux pas dire tout ça ?

Malgré tout ce qu'il m'a fait, je ne déteste pas cet homme. Je ne lui en veux même pas. Je ne peux pas me permettre de le juger, je suis tombée amoureuse d'un autre homme alors que j'étais fiancée avec lui.

-Écoute Bryan, on a été très heureux pendant trois ans mais on était trop jeune. On s'est aimés trop jeune, trop fort, trop vite. Il faut se rendre à l'évidence, on n'est pas fait pour être ensemble. Tu mérites mieux que moi et moi aussi. Tu sais que j'ai raison. Toi aussi, tu sentais que notre relation était en train de s'épuiser et tu as Astrid, je sais qu'elle saura remplir le rôle comme moi je n'ai pas su le faire.

Je ferme ma valise sur ces derniers mots, c'est en me retournant que je vois les larmes de mon ancien fiancé dévalées ses joues. Au même moment, Astrid débarque dans la chambre, elle aussi les larmes courées sur ses joues. J'hésite entre deux mots : pitoyable ou remarquable.

Pitoyable parce que si j'ai vu cette scène dans un film au cinéma, j'aurais rigolé sans pouvoir m'arrêter. Hélas, je fais partie de la scène et je ne peux pas me permettre de rigoler alors que les deux autres pleurent.

Remarquable, aussi, parce qu'il aura fallu une telle situation pour que je retrouve la mémoire et que je me rende compte que c'est Adam que je veux.

Je tapote doucement l'épaule de Bryan en signe de soutien avant de sortir de la pièce, les laissant tous les deux. En passant devant Astrid, je lui prends la main pour la mettre à plat avant de déposer à l'intérieur ma bague de fiançailles que j'avais accepté de porter. Elle m'adresse un sourire reconnaissant avant de refermer la paume sur mon ancienne bague. C'est le moment pour moi de partir !

Quand je suis descendue de l'appartement, j'appelle vivement un taxi. Je suis seule, sur un trottoir, une valise à la main, je n'ai plus de fiancé mais j'ai retrouvé la mémoire.

SANS NOMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant