SANS NOM

Chapitre 30: Retrouvailles

« C'est beau la folie putain, j'ai enfin plus peur de m'ennuyer, cette fille c'est ma vitamine D je l'ai attendue comme juillet, on s'aime et on s'attire je viens de comprendre pourquoi on dit des aimants mais c'est trop beau pour être vrai, on se détestera forcément. »

Lomepal

2020, France, mardi 7 juillet, Aix en Provence

J'attends quelques instants qu'Adam vienne m'ouvrir. J'entends du remue-ménage derrière la porte jusqu'à ce qu'elle s'ouvre en grand sur un Adam avec les cheveux beaucoup plus long mais surtout avec le torse nu.

-Ève enfin Charlie, tu n'as rien à faire ici... Rentre chez toi, commence-t-il avant d'essayer de fermer la porte.

Comme souvent dans les films, je mets mon pied afin de bloquer la porte.

-Je dois te parler Ad' s'il te plaît. Ouvre cette porte...

Il ne m'écoute point et force encore un peu plus pour la fermer complètement. J'ai raison. Adam ne veut plus me parler, il a tourné la page. Et maintenant, il ne m'ouvre même plus la porte de son appartement et encore moins celle de sa vie.

-Écoute, je suis désolée mais je dois te parler, t'expliquer, s'il te plaît, laisse-moi entrer...

Il ne bouge toujours pas mais ne force pas non plus pour la refermer. Il faut qu'il m'ouvre, je dois tout lui dire.

-J'ai retrouvé la mémoire, je confie, ce n'est pas la manière dont j'ai rêvé tout dire, derrière cette porte mais on ne m'a pas laissé le choix. J'aurais clairement préféré le canapé de son salon.

Cette dernière révélation a un bon effet sur lui puisqu'il ouvre la porte en grand, ce qui me permet de le détailler plus longtemps.

-Qu'est-ce que tu veux ? demande Adam les sourcils froncés et le ton qui indique qu'il est en colère et que ma présence ne l'enchante guère.

-Laisse-moi entrer, s'il te plaît, je dois te parler.

Il se tait quelques instants, baisse et relève les épaules dans un acte de confiance, il ne va pas me laisser entrer, il ne me veut plus dans sa vie, j'ai fait trop de mal.

-Tu devrais être chez ton copain, sûrement pas ici, chez moi !

Comment sait-il que j'habite chez Bryan ? Qui lui a dit ? Est-ce qu'il a continué de se renseigner sur ma vie après notre « séparation » ?

-Laisse-moi entrer s'il te plaît.

Il hésite un moment comme si me laisser entrer lui demander un vrai supplice. Le Adam qui est à ce moment en face de moi n'a rien à voir avec celui que j'ai rencontré au mois de mars. Il est plus dur, plus en colère, mais surtout il ne m'apprécie plus comme il m'appréciait en début d'année.

Il ouvre la porte en grand et se décale sur le côté pour me laisser entrer. L'appartement est mal rangé, des vestes et dossiers trainés sur la table de la salle à manger ce qui ne contraste pas avec l'état de la table du salon qui est recouverte par des bouteilles de bière bas de gamme et d'autres bouteilles d'alcool qui doivent être là depuis des semaines. Je l'ai donc à ce point déçu.

Ou cela n'a rien à voir avec moi et je me fais donc des idées complétement incongrues.

-Reste ici, je vais m'habiller, dit-il sans joie apparente. Peut-être n'aurais-je pas dû venir ici. Visiblement, il n'a pas tourné la page et a été tellement déçu et blessé qu'il noie son chagrin dans l'alcool.

Pendant qu'il passe un tee-shirt sur son torse, je détaille un peu plus l'appartement que j'ai quitté. Rien n'a changé comme si la vie s'était arrêtée il y a quatre mois. Comme si le monde s'était arrêté de tourner depuis que j'étais partie.

-Qu'est-ce que tu veux ? demande-t-il en enfilant un tee-shirt noir et en descendant les escaliers bien plus vite qu'il ne les a montés.

Il est tellement... Il est si odieux. Est-il encore temps de faire demi-tour et de repartir ?

-Laisse tomber, je m'en vais, bonne soirée.

Je me retourne vers la porte, m'apprête à fermer la porte pour repartir d'où je suis venue mais dans un murmure plaintif et presque inaudible qui me rappelle à l'ordre, il me glisse :

-Attends, reviens, Ève, Charlie, reviens...

Le fait qu'il ne m'appelle pas par mon prénom ne me dérange pas, pour lui j'ai toujours été Ève, et j'espère le rester. Je suis prête à laisser tomber mon identité, le laisser m'appeler Ève pour seulement que lui fasse partie de ma vie. Je suis prête à faire toutes sortes de compromis pour qu'il soit à mes côtés.

Je me retourne vers lui, il est debout au milieu de la salle et a vraiment l'air de m'implorer de revenir ou de ne pas partir. Il le fait parce que la première fois il ne l'avait pas fait et qu'une récidive ne le tente pas. J'ai avancé une nouvelle fois vers lui.

–Asseyons-nous, dit-il beaucoup plus calmement que quand il m'a ouvert la porte. Lui dire que je partais était finalement une bonne idée puisqu'il était plus calme et prêt à parler sans que l'on crie.

On s'assoit dans le canapé qui a que très peu de temps était le mien, je me tourne vers lui et on s'assoit en tailleur, il fait la même chose, on se retrouve à face-à-face et le fait de le regarder dans les yeux est de plus en plus difficile.

-Je suis désolée de ne plus avoir donné de nouvelles, je commence incertaine.

–Je suis désolée de ne pas avoir forcé plus pour te revoir, je continue.

-Je suis désolée de t'avoir embrassé et de ne pas m'être expliqué. Je suis désolée pour tout ce qui a été et tout ce qui va suivre.

Il se tait, baisse les yeux vers ses pieds comme si soutenir mon regard est insoutenable. Je pense vraiment qu'en revenant ici, tout serait plus facile mais c'est mal connaître Adam, il est plein de rage et pour la première fois, c'est envers moi. Je ne suis pas encore habitué à mon nouveau rôle dans sa vie.

–Pourquoi tu es là Charlie ? Tu n'as rien à faire ici. Tu devrais être chez ton copain passe sur mon canapé à me regarder comme tu me regardes.

–Comment tu es au courant pour mon déménagement ?

Il pince les lèvres comme s'il avait fait une gaffe et m'avoue tout de même que ma mère lui a glissé le fait que j'étais chez mon copain. Il ajoute qu'il est venu me parler le jour où on s'est croisé à l'hôpital. Il pensait que j'avais retrouvé la mémoire et que je voulais plus le voir parce qu'il n'avait plus sa place dans ma vie.

Sauf que ce qu'il n'a toujours pas compris, ma nouvelle vie s'est avec lui que je la veux. Avec personne d'autre.