Chapitre 10: Repas de presque famille

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« N'aimez pas quelqu'un qui vous traite comme quelqu'un d'ordinaire. »

Luciana-Elite

2020, France, dimanche 5 avril, Aix en Provence

On est tous remontés dans les voitures, moi avec Adam, le temps de l'aller et mes parents dans celle que je prendrais au retour.

On traverse une partie de la ville bouchonnée puis on s'arrête rapidement –si on ne compte pas les bouchons- devant un immeuble de grande taille aux multiples fenêtres. C'est donc ici que j'habite.

-Tu te souviens de quelque chose ? me demande tout de suite ma mère quand elle descend de la voiture alors que moi j'ai le regard visé sur la façade.

J'en ai marre que l'on me pose trois cent mille fois la question, si je me souvenais de quelque chose, je l'aurais dit.

Je ne lui réponds pas mais j'ai l'impression qu'elle a compris et qu'elle n'a pas besoin de plus.

Adam hésite quelques secondes à descendre de la voiture. Pour une fois, j'ai la terrible impression que c'est lui qui a besoin de moi. Ou peut-être que l'on a autant besoin de l'un comme l'autre et que l'autre a besoin de l'un.

Mais au final je n'ai le temps de m'approcher que ma mère lui dit :

-Adam, tu descends, nous devons y aller.

Moi je n'ose pas le regarder, je suis honteuse et en même temps rassurée qu'il soit là. Alors je fixe mon père qui n'ose pas parler, ça a l'air d'être une habitude chez lui. Mon père a l'air de tellement tenir à ma mère qu'il n'ose pas la contredire. Finalement, c'est peut-être cela l'amour, éviter les disputes, ne faire qu'acquiescer pour éviter les disputes.

-Cela fait un an et demi que tu habites ici avec Bryan. Vous êtes très heureux.

Je n'écoute qu'à moitié, le regard obnubilé par Adam qui me tient la main comme à son habitude. Il a l'air tellement stressé et déçu. On pourrait croire qu'il passe un examen.

Lui qui m'a poussé à renouer les liens avec mon ancienne vie a pourtant l'air... dépité, je crois.

Mes parents nous précédent pour nous montrer le chemin. On prend l'ascenseur jusqu'au troisième étage.

Trois portes sur le palier, on frappe à la deuxième, celle du milieu, à ce moment-là, intérieurement, j'espère que mon petit-ami n'est pas là. Pourquoi je suis ici ? Ai-je à ce point du temps à perdre ?

Un homme encore jeune vient nous ouvrir, brun aux yeux bleus, imberbe, si je ne le savais pas, j'aurais pensé qu'il était encore mineur. Mes parents pénètrent tout de suite sans rien demander comme s'ils étaient chez eux.

Tandis qu'Adam et moi restons sur le palier à attendre que l'on nous invite à entrer.

-Vas y entre, nous dit Bryan mais c'est comme s'il ne s'adressait uniquement à moi. Sympa le mec !

Adam passe devant moi comme pour montrer sa supériorité et Bryan, mon supposé petit-ami, me fait un simple baiser sur le front. Beurk !

On retrouve mes parents à l'intérieur déjà installés, je détaille quelques secondes mon appart. C'est un loft simple, un salon dans l'entrée avec cuisine ouverte et salle à manger. Un bureau face à l'entrée qui sépare le salon de la chambre. Aucune porte et aucun étage. Des murs en brique, de grandes fenêtres... C'est plutôt joli. Dans le salon, un des murs est occupé par une grande bibliothèque. Cela me rassure, dans mon ancienne vie aussi, j'aimais les livres.

Adam, pour une fois, fait comme moi, il détaille les pièces, comme on fait quand on laisse un enfant à des inconnus pour être sûr que tout irait bien. Pour lui, je suis comme un enfant, je corresponds plus à un poids qu'il est sûrement pressé de décharger. Mes parents ont raison, je dois laisser retrouver sa vie. Malheureusement.

SANS NOMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant