Chapitre 30 Concessions

125 28 91
                                    

Des stalactites gelées envahissaient les bassins communaux. Les bords du petit lac dans lequel les enfants des environs aimaient se rafraîchir l'été étaient couverts de sculptures de gel. Les températures avaient chuté en cette fin de décembre et la bise glaciale s'infiltrait partout.

Les habitants de la demeure Ano appréciaient la danse du feu qui crépitait dans la cheminée. Mélia blottie dans un fauteuil avec Plix ronronnant sur ses genoux lisait pour la troisième fois en moins d'un an, son roman favori « Voyage au centre de la Terre » de Jules Vernes. Mais cette fois, elle avait bien du mal à se concentrer sur les péripéties d'Axel et de son oncle. Elle cherchait vainement depuis des jours une idée pour convaincre ses parents de la laisser aller au collège et cette quête parasitait toutes ses activités de la journée. Quand elle vit passer Tantine dans le vestibule, elle la héla gentiment :

– Nadine, viens voir, s'il te plaît !

– Que veux-tu ma belle ?

Nadine avait quitté sa période passionnée pour la cuisine et semblait maintenant s'intéresser intensément à la coiffure. Elle portait sous le bras un ouvrage imposant et bien illustré « Le chemin des coiffeurs de talents » et arborait une chevelure étrangement orangée avec quelques piques savamment façonnés en lieu de frange.

– Waouh ! Qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ? hoqueta Mélia surprise.

– C'est la coupe de la page 12 revue et corrigée par ta tante chérie ! C'est chouette, hein ? Qu'en penses-tu ? Bien sûr j'ai dû la faire sur moi, ce n'est pas facile, mais ta mère n'a pas voulu me prêter sa tête !

– Heu ! Original ! C'est assez original !

– Merci, je vais garder cette tête-là quelques jours puis j'essaierai la coupe de la page 35. Regarde, elle est sympa aussi !

Nadine posa alors son livre sur les genoux de sa nièce qui découvrit une tête féminine partiellement rasée avec des mèches souples de couleurs qui serpentaient dans la nuque. Mélia grimaça en fermant vivement le livre.

– Heu ! Je te trouve pas mal en orange, ne change pas trop vite ! Dis Tantine, j'ai vraiment envie d'aller au collège, tu ne veux pas m'aider à convaincre ma mère !

– Tu sais bien que Sylvie est super stressée en ce moment avec le départ de Thys et ces Milvuits qui rôdent. Tes parents sont vraiment inquiets. Je ne pense pas, ma belle, qu'il soit judicieux d'insister !

– Mais, mon père pourrait m'accompagner jusqu'au collège et venir me chercher le soir. Là-bas, je serais en sécurité, il y a le directeur Monsieur Tangon qui est un Ostende et cette Milvuit, l'horrible mademoiselle Yessel a démissionné...

– Hum ! Je crois qu'il en faudra plus pour convaincre tes parents ! Mais je veux bien essayer de leur en toucher deux mots, accepta Nadine en reluquant bizarrement la longue chevelure blonde chatoyante de Mélia.

Aussitôt, la jeune fille, comme pour préserver l'intégrité de ses cheveux, rejeta la tête en arrière et regroupa ses mèches en une queue de cheval qu'elle entortilla afin d'obtenir un chignon volumineux.

Le soir, au repas, Nadine respecta sa promesse. Tandis que Plix et Electric se battaient pour un bout de gras tombé soi-disant accidentellement de son assiette, elle osa aborder le sujet qui tenait tant à cœur à sa nièce.

– Heu ! Les choses ont l'air de se tasser ! On entend moins parler de ce Jason Le Tallec ! Les coups de fil incendiaires s'estompent. Les traces des Milvuits dans les parages sont moins fréquentes, Thys est en sécurité alors...

– Alors quoi ? demanda Anthony Ano, les yeux accrochés à la coiffure orangée de sa sœur.

Il ne l'avait pas reconnue tout de suite quand il était entré dans la cuisine et depuis le début du repas, il n'arrivait pas à décrocher son regard de la tête de Nadine tant il était estomaqué par le changement. Sylvie, elle, levait régulièrement les yeux au ciel en secouant la tête montrant ainsi son désespoir devant les agissements inconsidérés de la jeune femme.

Thys, l'éveil des Ostendes  (Tome I) [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant