Chapitre 27 : Le Jécorum

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Le ciel qui s'offrait à lui n'avait vraiment rien d'ordinaire. Ce n'était plus la vaste étendue azurée qu'il avait l'habitude de contempler, mais un décor sidéral fabuleux à perte de vue. Toute la voûte céleste était tapissée de nébuleuses colorées et d'amas d'étoiles circulaires ou en spirale comme si l'on projetait sur un écran géant des images cosmiques prises par un télescope encore plus puissant qu'Hubble. Il avait, devant les yeux, une partie de l'univers tel qu'il apparaissait sur les plus belles photos offertes par la NASA. Il reconnut l'étendue verte gazeuse de la nébuleuse d'Orion ainsi que la galaxie d'Andromède, magnifique torsade laiteuse, parce qu'il les avait déjà admirées sur les posters de la chambre de Cid. Bien d'autres amas stellaires l'interpelèrent, mais il ne connaissait pas leur nom. Il aurait pu passer des heures à sa contemplation si un petit raclement de gorge ne l'avait rappelé à la réalité. Il s'agissait, en fait, de la cinquième tentative de Maître Lux pour attirer son attention.

— Alors, qu'est-ce que tu en dis ? demanda Téodor avec emphase, accompagné d'un grand geste de bras.

— C'est... C'est incroyable ! Je n'ai jamais rien vu de si beau !

Thys s'intéressait maintenant à ce qui l'entourait. Le paysage avait changé tout en restant le même. Quelle étrange impression ! Les couleurs étaient différentes. L'œil percevait plus de violine et une sorte de voile cristallin enveloppait tout. Un tapis vaporeux, aux teintes pastel, recouvrait le sol comme dans les lieux du passage de l'Oritis. Le marronnier, les arbres qui bordaient le jardin, l'herbe gelée, le sentier cahoteux, le gravier de la cour irradiaient d'une douce lueur blanche. L'air pur incitait à des respirations profondes.

Curieusement, à quelques mètres de leur petit groupe, une grande zone restait vide, dénuée de végétation, comme un trou dans cette harmonie. Thys réalisa que cet espace correspondait à l'emplacement de la demeure Ano. Il n'y avait plus aucune trace de la bâtisse, ni de son garage ou de sa cabane de jardin. Tout avait disparu, y compris les plus insignifiants éléments telles la brouette, la table en teck ou l'échelle accoudée au mur. Aucun indice d'activité humaine ne subsistait. Le garçon déglutit plusieurs fois de suite pour faire descendre la boule qui lui obstruait la gorge. Cela lui faisait vraiment une drôle d'impression. Il savait qu'il évoluait maintenant dans un autre plan, et que sa famille, sa maison, son petit domaine existaient toujours sur la surface de la Terre, mais cet emplacement vide l'oppressait tout de même.

Les Maîtres Arcans comprirent rapidement ce qui le perturbait, eux aussi étaient passés par là.

— Ta maison a une consistance uniquement sur le plan terrestre, lui dit Anastasia avec douceur. Ici, les lieux sont à l'identique de ceux de la dimension inférieure. C'est bien simple, on pourrait les superposer sans qu'une feuille d'arbre dépasse, mais tu ne trouveras aucune construction humaine. À part celles que nous bâtissons directement sur la surface éthérique. Et ce ne sont que des cabanes, pas d'immeubles ou d'autoroute ! gloussa-t-elle. Par contre, si tu restes attentif, tu peux percevoir les énergies des êtres qui occupent le plan terrestre.

Anastasia lui désigna l'emplacement vide où aurait dû se dresser la maison Ano et Thys, fasciné, aperçut des espèces de taches mouvantes, orange en leur centre, et nuancées de vert et bleu sur les bords. Ces formes n'étaient pas toujours visibles. Par instant, elles vibraient intensément et parfois s'effaçaient avant de réapparaître un peu plus loin.

— Ce..., c'est ma famille ? réussit-il à articuler, tout tremblant.

— Oui, c'est ça. Tu les vois bien, car ce sont des Éthers qui dégagent une grande aura. Certains humains demeurent totalement imperceptibles, parce qu'ils n'ont pas encore commencé à développer leurs sens et à s'ouvrir aux énergies de la Terre.

Thys, l'éveil des Ostendes  (Tome I) [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant