Chapitre 24 : Au revoir
Après une nuit (étonnamment) calme où mon sommeil avait été réparateur, le jour j est arrivé. J'avais une étrange sensation dans le ventre en regardant pour la toute dernière fois les quatre murs de ma chambre. Cela faisait trois ans que je vivais ici, je m'étais habituée au confort sommaire qui allait de paire avec la vie en base militaire. Je m'étais habituée au manque de lumière naturelle dans cette montagne, à la douce chaleur en été grâce à la protection thermique de la roche, et au froid en hiver malgré le chauffage. Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais ici chez moi. On m'avait autorisée à décorer ma chambre, alors, malgré mon manque de talent artistique, j'avais accroché des dizaines de dessins au mur. Certains représentaient des paysages de la campagne où vivait une partie de ma famille, d'autres étaient des esquisses d'objets que j'aimais et qui m'appartenais, avant, quand je vivais à Elivan. J'avais même essayé de reproduire certaines peintures de mon ancienne chambre. Malheureusement, la seule façon de reconnaître ce qui était représenté ... était d'être moi, pour les autres, les dessins étaient surtout des gribouillis un peu élaborés.
Dans un sac, j'avais rassemblé les quelques affaires que j'avais collecté durant mon séjour. Quelques pantalons, une poignée de T-shirts et trois pulls. Que des vêtements pratiques, à ma plus grande joie. Les tenues de cérémonie trop serrées et les chaussures impossibles à porter n'étaient plus qu'un mauvais souvenir pour moi. Sur le mur en face de mon lit était suspendu un miroir rectangulaire dont les bords étaient décorés par quelques autocollants, en forme de fleurs et de nuages, que Thaïs et Conan m'avaient ramené de leurs permissions. En voyant mes cheveux bleus dans le miroir, je me suis surprise à sourire. Déjà, lorsque la teinture noire était partie, tous mes compagnons de galère avaient été surpris de ma couleur naturelle. J'étais restée près d'un an avec mes cheveux blancs avant de me lasser et de vouloir changer d'apparence. J'ai profité de mon anniversaire d'arrivée à la base pour demander un cadeau spécial : de la teinture bleu électrique. A la surprise de Célia, la couleur m'allait bien, et ils se sont tous rapidement accoutumés à ma nouvelle tête. Je savais pertinemment que j'avais de la chance... Les soldats « normaux » n'ont pas ce genre de privilège, c'est seulement en ma qualité de Détentrice que j'avais le droit de colorer mes cheveux.
« Il ne faut pas laisser de trace », tels étaient les mots du général, et je savais parfaitement qu'il avait raison. Si jamais cette base était à nouveau occupée un jour, il ne fallait pas que d'autres soldats découvrent ce qu'il s'était passé ici. Alors, depuis quelques jours, nous nous activions tous pour rendre à la base son état d'origine. Il ne restait plus que ma chambre à faire... En quelques minutes, j'avais décroché tous les dessins au mur et retiré les autocollants çà et là. Je les ai ensuite tous rassemblés en une pile que j'ai donnée à Jack, qui avait été chargé de brûler et de faire disparaître les traces de notre passage dans la base. Une dizaine de minutes plus tard, j'étais fin prête à partir.
Il ne me restait plus qu'à dire au revoir.
Même si je n'avais pas eu l'interdiction formelle de voir tous ceux qui m'avaient connue pendant mes trois ans ici, une fois à l'extérieur, je devrai agir comme si je ne les avais jamais vu. Je n'étais pas censée les connaître. Tous, sauf une.
Mes compagnons avaient formé une petite haie d'honneur pour moi. Je partais la première, eux s'en iraient plus tard. Ça me faisait mal au cœur de devoir les quitter, ils m'avaient tous aidée à leur manière au moins une fois et je les considérais véritablement comme des amis. Ils allaient me manquer ... L'humour plus que douteux de Conan, la cuisine (délicieuse) de Sarah, les paris toujours perdants de Celia, l'évidente mauvaise foi de Jack lorsqu'il perdait aux cartes, etc, tout cela allait disparaître de ma vie.
« - Bah, fais pas cette tête Kaylen, c'est pas comme si on partait pour l'éternité, s'exclama Jack, On pourra toujours se revoir sur le champ de bataille !
-Tu vas la déprimer plus qu'autre chose en lui disant ça, chuchota Célia tout en lui donnant un coup de coude absolument pas discret, Non, Kaylen, dis-toi surtout qu'on va avoir l'occasion de faire une deuxième première rencontre ! Ça n'arrive pas à tout le monde ça !
- Et puis, vu ton statut au sein de l'armée, tu seras affectée aux quatre coins du monde, donc on aura pas mal de chances de se voir, dit Newton, En plus, les agents secrets ont souvent l'occasion de collaborer avec des Détenteurs.
Soudain, un raclement de gorge se fit entendre.
- Bon, les jeunes, je ne veux pas vous presser, mais il va être l'heure ; nous interrompit Madame ; et le général déteste que son planning soit chamboulé. Hop hop hop, faites-vous des câlins, faites-vous des bisous si vous voulez, mais dépêchez-vous ! »
Elle avait réussi à nous arracher un sourire. Après quelques embrassades, je me suis dirigée vers la porte Nord, la fameuse porte discrète par laquelle j'étais rentrée la première fois.
Je faisais le même chemin, mais à l'envers.
Madame me précédait, trottinant devant moi pour que je ne la rattrape pas trop vite. La roche qui constituait les parois du tunnel suintait et l'air était frais, bien que la température extérieure soit très élevée. Les kilomètres de roches au-dessus de nos têtes nous protégeaient de la chaleur écrasante qui nous attendait. Enfin, nous atteignîmes la porte intégrée à la montagne. Enfin, « panneau » est un terme qui conviendrait mieux. Madame appuya sur un bouton dissimulé dans la paroi, et le panneau se décala avec le même grondement sourd qu'à mon arrivée.
Dehors, malgré l'heure matinale, le soleil dardait déjà le désert de ses rayons ardents et la température était accablante. A cause de ma constitution particulière, je ne résistais pas bien à la chaleur et je sentais déjà mes mains et mon dos devenir moites. Lorsque mes yeux s'habituèrent enfin à la différence de luminosité entre le tunnel et l'extérieur, j'aperçu quelques mètres devant nous une voiture blindée. L'engin ne semblait vraiment pas à sa place, seul, au milieu des cailloux, du sable et des montagnes.
Rapidement, Madame et moi montèrent dans le véhicule, tout en espérant que la climatisation nous attendait à l'intérieur. L'habitacle était assez confortable, deux banquettes beiges se faisant face pour permettre aux occupants de discuter entre eux. Sur la place du fond, un verre d'eau à la main et ses cheveux bouclés (de plus en plus blancs) attachés en queue-de-cheval, le général Valdh nous regarda nous assoir.
« - Alors, ça y est, c'est le jour tant attendu, me dit-il avec un petit sourire aux lèvres.
- C'est passé vite finalement, vous ne trouvez pas ?
- Si, tu as raison ; puis, se tournant vers Madame, il lui demanda : et vous ma chère Lena, comment allez-vous depuis la dernière fois ?
- Je n'ai jamais été aussi en forme, mon petit ! s'exclama-t-elle, un sourire malicieux se dessinant sur ses lèvres roses.
Elle était la seule à pouvoir appeler le général ainsi, et il était le seul à l'appeler par son prénom. C'était une sorte de jeu pour eux.
-Ça fait plaisir à entendre ! Je dois faire un point avec vous sur plusieurs sujets... Heureusement, nous avons quelques heures devant nous. »
Sur un signe de main, le conducteur a démarré la voiture et s'est mis à rouler à grande vitesse, soulevant un nuage de poussière derrière nous.
Direction la base militaire réservée aux Détenteurs, Arlakuraï.
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Effet domino
FantasiaMarlie est née avec un pouvoir, celui de la glace. Elle fait partie des détenteurs, de rares personnes qui, comme elle, sont différents. Très jeune, elle obtient une position de rêve dans sa société aristocratique, grâce à l'impératrice qui la prend...