Chapitre 3: La parade
8 ans plus tard
« -Marlie ! Viens vite ! La parade arrive ! s'écria une voix masculine.
- J'arrive, Tobbyan, deux secondes, je termine mon dessin.
-Nan, faut que tu viennes maintenant, après ce sera trop tard..."
Un gros soupir plus tard, je quittai avec regrets (mais pour la bonne cause) mon « chef-d'œuvre » douteux et inachevé sur la table en bois trônant au milieu de ma chambre. Le devoir m'appelait! Je me devais d'aller sur le balcon pour voir l'impératrice. Mes pieds foulèrent légèrement le tapis bleu pâle, bien moelleux, étalé sur la quasi-totalité du sol (la surface étant très grande). Le lit deux places avec un sommier sculpté était placé dans le coin gauche de la chambre, à quelques mètres de la porte. Une grande armoire en ébène, installée à côté du lit, tranchait avec les tapisseries aux couleurs pastel, remplies d'animaux stylisés et d'arbres entrelacés. Une coiffeuse en argent attendait patiemment son utilisatrice (donc moi) à côté de la grande fenêtre donnant sur la cour du petit palais. D'autres meubles de rangements se tenaient là, plaqués contre les quatre murs de la pièce.
Je sortis rapidement de ma chambre, j'avais hâte de voir l'impératrice pour qui le défilé avait été organisé, et je gravis les marches de pierre qui formaient l'escalier en colimaçon principal. Mes pieds nus entrèrent en contact avec le marbre froid, mais cela ne déclencha aucun frisson chez moi. Je passai dans le couloir, dépassai deux portes avant d'arriver devant celle, ouverte, de mon frère.
« -C'est bon, Tobby, je suis là !
-Viens, viens, Lili ! Tu arrives pile au bon moment, la voiture de l'impératrice va passer ! »
Je m'approchai de la fenêtre, ouverte sur le balcon, et m'accrochai à la balustrade. Mon frère se tenait là, les mains appuyées sur la barre de fer forgé, les yeux émerveillés, plus par les voitures et les acrobates ambulants que par l'impératrice cependant. Ses cheveux blond cendrés ondulaient légèrement autour de son visage à cause de la brise. Ses yeux noisette examinaient avec admirations les banderoles suspendues, les confettis et la foule se massant dans la rue.
Certains enfants me dévisagèrent avec étonnement en me voyant sur le balcon. Il y a de quoi, mon apparence n'étant pas très... habituelle à quatorze ans, je faisais désormais un mètre cinquante-cinq. Ma robe en flanelle vert émeraude faisait ressortir la couleur de mes yeux, de mes cheveux et de ma peau. Cependant, ils ne me regardèrent pas plus que ça. En même temps, ces enfants-là son nés en connaissant l'existence des détenteurs de capacités. Enfin bref, les petits se sont rapidement désintéressés de moi pour se focaliser sur la procession. La voiture impériale roulait lentement, au milieu de la rue pavées. C'était une très belle voiture, noire, longue, la carrosserie sans aucune imperfection. On pouvait voir la main gantée de l'impératrice saluer élégamment la foule, toutes les vitres étant baissées. Son visage ovale respirait la douceur, ses lèvres roses étaient étirées en un sourire charmeur sous son nez aquilin. Elle leva les yeux vers notre balcon et je lui fis de grands signes. Elle me sourit chaleureusement et me renvoya mon salut. Je lui étais tellement reconnaissante de m'avoir accordé un court séjour chez moi, bien qu'il y ait cette parade ! Au moins, elle m'avait aperçue et j'en étais très fière. La voiture passa sous les cris enjoués de la foule heureuse de voir sa dirigeante. Enfants et adultes agitaient des drapeaux à l'emblème de Nariel ou jetaient des fleurs et des confettis au-dessus de leurs têtes. La troupe de danseurs et d'acrobates qui suivait la voiture était applaudi par les gens, au rythme de la fanfare qui jouait derrière eux. L'attraction principale étant passée, mon frère et moi sommes rentrés à l'intérieur. Sa chambre, de mêmes dimensions que la mienne, avait le bénéfice de donner sur la rue. Les murs peints en rouge détonnaient par rapport aux autres pièces de la bâtisse, mais s'accordaient bien avec la température extérieure, étouffante en cette période de l'année. Les tableaux de paysages imaginaires étaient accrochés partout dans la pièce, retenaient bien plus l'attention que les meubles en bois précieux, pourtant magnifiques.
Tobbyan sauta avec enthousiasme sur son lit, un deux places lui aussi.
« -C'est dingue ce spectacle, Marlie ! J'adore ça, les meilleurs artistes de l'Empire qui défilent dans les rues, juste en l'honneur de l'impératrice ! Tu imagines ce qu'il y aurait eu si l'empereur était venu, lui aussi ?
-Probablement des feux d'artifices diurnes, le double de musicien et, bien entendu, les meilleurs chevaux de l'écurie impériale. C'est vrai, ça aurait été encore plus spectaculaire !
-Peut-être qu'on aurait vu les détenteurs enrôlés dans l'armée, ils auraient pu vendre du rêve eux aussi, avec leurs capacités...
-Voyons ! Ils ne sont pas des attractions ! lui criai-je en lui lançant un de ses coussins, et ils n'ont pas de temps à perdre avec ce genre de choses, tu le sais bien ! Ils seront les meilleurs guerriers du monde d'ici peu ! Quel intérêt pour eux de faire un simple défilé !?
-Je rigolais, Lili, ne t'énerves pas pour rien ! Ça te met autant hors de toi de ne pas être de leurs groupe ?
-N'importe quoi ! »
Je sortis en trombe de sa chambre, vexée pas sa remarque. Moi, être jalouse ? Je suis pupille de Nariel alors quel serait l'intérêt pour moi de faire partie de l'armée ? J'occupe une place dans l'Empire que des centaines de nobles rêveraient d'avoir ! Non, vraiment, Tobbyan se trompait... Enfin bon, du haut de mes quatorze ans, je me rendais bien compte que ma réaction démesurée montrait à quel point j'aurais aimé être intégrée au groupe des détenteurs. Pas pour combattre, non, la violence et les exploits de guerre ne m'intéressaient absolument pas ; mais juste pour pouvoir parler à d'autres détenteurs... à d'autres personne comme moi. Nous étions si peu nombreux... Je n'avais encore jamais eu de vraie discussion avec l'un d'entre eux. En descendant le grand escalier, je croisais une servante, Tonia, je crois.
« -Ah ! Mademoiselle ! Madame vous demande.
-Pourquoi donc ?
-je ne sais pas mademoiselle, mais elle vous appelle...
-Très bien, elle est toujours sur le balcon d'où Père et elle ont observé la parade ?
-Non, elle est désormais dans le petit salon.
- Ah. J'y vais alors.
-Mettez des chaussures avant !
-Oui, oui...»
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Effet domino
FantasyMarlie est née avec un pouvoir, celui de la glace. Elle fait partie des détenteurs, de rares personnes qui, comme elle, sont différents. Très jeune, elle obtient une position de rêve dans sa société aristocratique, grâce à l'impératrice qui la prend...