Chapitre 5

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Chapitre 5: Marquée à vie.

Tandis que je remontai le grand escalier, je repensai à ma vie au grand palais, ainsi qu'aux propos étranges de mon frère lorsqu'on a su que j'allais être pupille. Il avait été bizarre ce jour-là... J'étais tellement plongée dans mes souvenirs que j'atteignis ma chambre sans même m'en rendre compte.

Je regardai mon dessin absolument pas réussi, abandonné sur ma table. J'avais essayé d'esquisser une aristocrate portant un pantalon et une veste de grande marque, mais le résultat faisait plus penser à un arbre sortit de terre qu'à un être humain. Avec un grommellement, je froissai la feuille et jetai la boule dans ma poubelle, à l'autre bout de la pièce. Loupé. Décidément, ce n'était pas ma journée ... Je m'affalai sur mon lit dans un soupir. Techniquement, aujourd'hui était mon premier et mon dernier jour de vacances... Demain, la préceptrice serait là, et mon quotidien habituel reviendrait au galop, mais dans un endroit différent. Génial.

Je pris un livre sur ma table basse et commençai à le lire après avoir éjecté mes chaussures au bas du lit. L'histoire était d'une banalité affligeante: une jeune fille qui part à l'aventure, se fait des amis, abats des ennemis, tombe amoureuse, bla bla bla. C'était d'un ennui... Je sentis soudainement un tiraillement sur ma peau, au dos de ma main. Je regardai l'endroit en question. Il n'y avait rien de spécial, à part l'emblème de Nariel, imprimé sur ma peau au fer rouge. Je l'avais sur les deux mains, il en était ainsi pour toutes les pupilles.

En gagnant ce statut, on avait aussi l'honneur de porter le symbole de notre patrie sur notre peau. On nous faisait cela sans aucune douleur, bien sûr ! On nous anesthésiait pour ne pas nous faire souffrir. Bien que le tatouage existe maintenant, la tradition du fer rouge est restée. J'avais donc une magnifique étoile à huit branches, avec un N stylisé en son cœur sur ma peau.

Je trouvais ça joli.

L'histoire du symbole était magnifique aussi : il y avait de ça mille ans, un sage du peuple des Velida, respecté de tous, se dit que son peuple avait tout le potentiel pour devenir une grande nation. Il leur fallait juste un meneur, quelqu'un qui saurait prendre des décisions intelligentes afin de les tirer vers le haut. Le sage était trop vieux pour cela... Alors il se mit à errer dans les rues de sa ville, Elivan, afin de trouver la personne qu'il lui fallait. Il se disait qu'il saurait, le moment venu, reconnaître cette personne, qu'un signe lui serait donné.

Lorsque le soleil se coucha, il passa devant un atelier de peintre où un apprenti était en train de peindre une forêt magnifique. Le sage, époustouflé par la beauté de la toile, s'arrêta quelques instants. Il vit alors les mains de l'apprenti, il avait deux taches de naissances, une sur chaque main, des étoiles à huit branches.

En ce temps-là, les étoiles à huit branches étaient le symbole de l'intelligence et de la sagesse. Le vieil homme pensa alors que ce ne pouvait être une coïncidence et commença à parler au garçon. Comme il le pensait, celui-ci était très malin et avait un fort sens de l'honneur, tout ce que le sage demandait.... Après avoir écouté le vieil homme, les habitants décidèrent de laisser une chance au garçon. Celui-ci se révéla être très entreprenant et avoir un bon sens des affaires.

Il développa le commerce, fit de la ville un lieu sécurisé et attirant. Elivan devint une puissance économique et s'étendit encore et encore. D'autres villes se créèrent autour. Le jeune homme grandit, son peuple l'aimait, si bien que, poussé par tous, il devint empereur. Il s'appelait Nariel et l'Empire prit son nom. Des villes se rallièrent à l'Empire et celui-ci s'agrandit de plus en plus. Le symbole choisit fût naturellement l'étoile et le N de Nariel. Cette histoire était racontée depuis des générations aux petits Narielens et était des plus jolies... Dans tous les cas, elle était plus intéressante que mon livre ! Je le posai sur le lit et regardai mes paumes de mains. Je ne savais presque pas me servir de ma capacité, en fait je ne savais que faire des petites formes en glace ou geler des choses. La contrepartie au fait que je ne sois pas enrôlée dans l'armée comme les autres détenteurs était que je ne devais pas me servir de mon pouvoir...

Mais parfois j'avais des envies, comme si je devais absolument faire quelque chose avec ma capacité. Dans ces cas-là, je créais des petits cubes en cachette ou des petites fleurs de glace, si j'avais la patience. C'était drôle de voir la glace se former: une fine pellicule de glace apparaissait autour de mes mains, et de là je sculptais par la pensée l'objet désiré. Sans même m'en rendre compte, je m'endormis dans un sommeil sans rêve...

Une servante me réveilla le soir pour le dîner qui se déroula avec une lenteur exaspérante. Mes parents parlaient de la cour, des ragots, des affaires et nous, les enfants, devions nous taire tant que nous n'étions pas invités à prendre la parole. Je regagnai enfin ma chambre après le dessert et je m'essayai devant ma coiffeuse. Je fixai l'image que me renvoyai le miroir. L'impératrice ne s'était pas trompée, sans vouloir me vanter, les traits de mon visage s'étaient affinés avec les années et ma silhouette s'était allongée. Bien entendu, la plus grande peur de mes parents était que je m'enlaidisse et que l'impératrice ne veuille plus de moi. Mais je ne pensai pas que cela se produirai, en tout cas, elle était désormais trop attachée à moi pour me laisser de côté... Songeuse, je repensais alors à la suite de ma vie après la Première Sortie. Mes paupières étaient lourdes et je baillais à m'en décrocher la mâchoire. Je décidai alors d'aller me coucher. Je m'endormis comme une masse en espérant que la préceptrice aurait un accident et ne pourrait pas venir me faire cours (oui, je sais, il ne faut pas souhaiter le malheur des autres mais parfois, ça fait du bien!)

Effet dominoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant