Chapitre 8: Caradhras

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Ce matin là, ils allumèrent un feu dans un creux profond, voilé de grands buissons de houx, et leur petit déjeuner/déjeuner fut plus gai qu'il n'avait jamais été depuis leur départ.

Les hobbits chantonnaient. Elenwë conversait joyeusement avec Legolas et Gimli.
Même Aragorn entonna un chant. De sa voix profonde et grave, il contait l'histoire de Tinuviel.

Tinúviel elvanui
Tinúviel la belle Elfe
Elleth alfirin edhelhael
Immortelle jeune fille de sagesse elfique
O hon ring finnil fuinui
Sur lui, elle répandit ses cheveux ombreux
A renc gelebrin thiliol...
Et l'enserra de ses bras semblables à de l'argent miroitant...

Ils ne se hâtèrent pas de se coucher ensuite, s'attendant à avoir toute la nuit pour dormir, car ils n'avaient pas l'intention de repartir avant le lendemain soir. Seul Aragorn était redevenu silencieux et inquiet.

Après un moment, il quitta la Compagnie et s'en alla vers la crête, là, debout dans l'ombre d'un arbre, il inspecta le sud et l'ouest, l'oreille tendue. Puis il revint et regarda d'en dessus les autres qui bavardaient en riant.

— Qu'y a t'il, Grands-Pas ? lui cria Merry. Que cherchez-vous ? Serait-ce le vent d'est qui vous manque ?

— Non, répondit-il. Mais il manque quelque chose... Je suis déjà venu dans ce pays en différentes saisons. II n'y habite plus de gens, mais bien d'autres créatures vivent ici en tout temps, particulièrement des oiseaux. Et pourtant, le silence est total partout, sauf chez nous. Je le sens. Il n'y a pas un son sur plusieurs lieues à la ronde, et vos voix semblent résonner. Je ne comprends pas.

Gandalf leva la tête avec un intérêt soudain.

— Mais à quelle en serait la raison Aragorn ? Demanda t-il. N'est-ce pas seulement lié à la présence de quatre hobbits sans compter nous autres qui faisons un bruit auquel vous êtes peu accoutumé en cette région ? 

— J'espère que c'est cela, répondit Aragorn. Mais j'ai une impression de vigilance aux aguets que je n'ai jamais eue ici auparavant.

— Dans ce cas, nous devons être plus prudents, dit Gandalf en regardant le reste de la compagnie. Quand on emmène avec soi un Rôdeur, il est sage de prêter attention à son instinct aiguisé, surtout quand ce Rôdeur est Aragorn. Nous devons parler moins fort, nous reposer tranquillement et établir une garde.

C'était le tour de Sam, ce jour là, de prendre la première garde, mais Aragorn se joignit à lui.

Les autres sombrèrent dans le sommeil. Puis le silence grandit au point que même Sam le sentit. On entendait nettement la respiration des dormeurs. Les coups de queue du poney et ses piétinements occasionnels devenaient de grands bruits.

Sam pouvait entendre le craquement de ses propres articulations quand il faisait un mouvement.
Un silence de mort régnait autour de lui, et par-dessus tout cela s'étendait un ciel bleu et clair, tandis que le soleil se levait à l'est.

Legolas et Elenwë s'étaient relevés et discutaient paisiblement.

Au loin dans le sud apparut une tache noire, qui grandit et chassa vers le nord comme une fumée poussée par le vent.

— Qu'est ce que c'est que ça, Grands-Pas ? Ça n'a pas l'air d'être un nuage, murmura Sam à Aragorn.

Celui ci ne répondit pas, il observait attentivement le ciel, mais Sam ne tarda pas à voir lui-même ce qui approchait: une volée d'oiseaux avançait rapidement et survolait tout le pays en tournoyant comme à la recherche de quelque chose, et elle arrivait rapidement sur eux.

— Couchez vous et restez immobile ! Souffla Aragorn, tirant Sam dans l'ombre d'un houx.

Car tout un régiment d'oiseaux s'était tout d'un coup détaché de l'armée principale, et il piquait, volant bas, droit sur la crête.

La fille de la Lune Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant