La fille de la Lune Tome I

Chapitre 26: Navigation et accidents

Tous se levèrent et Galadriel, accompagnée de Celeborn, se dirigea vers le ponton. Le soleil montait peu à peu vers son zénith et l'herbe verte se reflétait dans l'eau claire de l'Anduin-la-Grande. La Compagnie remonta dans les barques selon le même ordre que précédemment. 

Les Elfes leur crièrent adieu tandis qu'ils maniaient la rame, s'éloignant de la rive. Remontant dans son embarcation, la Dame sourit en entonna un chant.

Ai! Laurië lantar fassi sûrinen,
Yéni unotimë ve râmar aldaron!
Yéni ve lintë yuldar avânier mioromardi lisse-miruvtireva Andûnë pella
Vardo tellumar nu luini yassen tintilar i eleni ômaryo airetari-lirinen.

Si man i yulma nin enquantuva?
An si Tintallë Varda Oiolossëo va fanyar mâryat
Elentâri ortanë ar ilyë fier undulkvë lumbulë, ar sindandriello calta mornië i falmalinnar imbë met, ar hisië untûpa
Calaciryo mlri oialë. Si vanwa nâ, Rômello vanwa, Valimar!
Namârië! Nai hiruvalyë Valimar. Nay elyë hiriva. Namârië!

"Ah, comme l'or tombent les feuilles dans le vent, de longues années innombrables comme les ailes des arbres!
Les longues années ont passé comme de rapides gorgées du doux hydromel dans les hautes salles de par-delà l'Ouest, sous les voûtes bleues de Varda, où les étoiles tremblent dans le chant de sa voix, sainte et royale.
Qui donc à présent remplira pour moi la coupe?
Car maintenant l'Incitatrice, Varda, la Reine des Étoiles, du Mont Toujours Blanc a élevé ses mains comme des nuages et tous les chemins sont noyés dans une ombre profonde, et, venues d'un pays gris, les ténèbres s'étendent sur les vagues écumantes, et la brume couvre à jamaisles joyaux de Caiacirya.
Maintenant perdu, perdu pour ceux de l'Est est Valimar ! Adieu! Peut-être trouveras-tu Valimar. Peut-être toi la trouveras-tu. Adieu!"

Bientôt, la rivière se courba et les voyageurs virent disparaître le group d'elfe, l'embarcation et la Dame à la chevelure d'or. Frodon soupira, il ne reviendrai jamais, il le savait.

Tous les compagnons étaient silencieux, attristés par ce départ et Boromir murmura :

— Comme je comprends à présent ce que vous aviez cherché à me dire.. Aragorn.. Ce lieu change les cœurs. Et j'ai bien failli ne jamais connaître ce bonheur. 

Les yeux de chacun étaient brillants de larmes contenues même si Gimli, lui, pleurait ouvertement.

— La dernière destination de mes yeux fut pour celle que je trouve la plus belle étoile terrestre. Plus rien jamais je ne dirai beau, à part son présent. Oh Legolas !

Il porta la main à son cœur, serrant sa tunique entre ses doigts calleux.

— Oh pourquoi suis-je venu ? Pourquoi ai-je rejoint cette quête ? On m'avait averti du danger mais je ne savais pas où il se terrait. Comme Elrond avait raison, le danger m'a attaqué au moment où je m'y attendais le moins.. je souffre tant de ce départ, Legolas ! Je n'aurais jamais souhaité connaître cette lumière si j'avais su que j'aurai dû la quitter. Hélas pour moi, hélas pour Gimli le Nain..

— Non, Gimli. Hélas pour nous tous car nous perdons tous cette lumière si vive qui régnât pour un temps dans nos cœurs. Mais, Mon ami, ne soyez pas accablé car vous avez poursuivi votre mission, sans abandonner vos amis. Pour cela, le souvenir de ce lieu restera à jamais inscrit dans votre mémoire, irremplaçable.

— Merci de ces paroles de réconfort, Legolas.. Seulement peut-être est ainsi la mémoire des Elfes mais celle des Nains est faillible et ce n'est guère le souvenir auquel l'âme aspire. Vous autres Elfes voyez le monde bien différemment de nous. Mais allons ! Occupons nous de nos embarcations car le Grand Fleuve est prompt au changement, son cours est rapide et le bateau pourrait verser sans crier gare.. J'ai beau être affligé, je ne veux pas noyer ma peine dans l'eau froide !

Il serra davantage sa rame et se mit à pagayer avec énergie.

Peu à peu, les deux embarcations rejoignirent celle d'Aragorn qui était à l'avant, non loin de la rive occidentale de la rivière. 

Elenwë, touchée par les adieux à la Dame de la Lorién, avait fini par s'assoupir. Un temps passa et quand elle émergea de son sommeil, ce qu'elle vit la stupéfia.

Gimli qui dormait lui aussi était beaucoup trop penché au-dessus de l'eau.

— NON! S'écria t-elle.

Gimli glissa tout à fait de la barque et s'enfonça dans l'eau, emporté par le poids de son éternelle côte de maille.

D'abord interdite, tout comme ses compagnons, l'elleth ne tarda pas à agir.

Sans plus réfléchir, Elenwë se délesta de sa ceinture, de ses bottes et de sa cape et plongea élégamment dans l'Anduin.

Depuis les autres barques, leurs compagnons regardaient, pétrifiés.

Aragorn fut le premier à reprendre ses esprits.

— Legolas, il me semble que les elfes n'aiment pas l'eau !

— Elenwë sait-elle nager ? Demanda soucieusement Boromir.

— Je suis presque certain que non, répondit Aragorn.

— Mais que diable fait-elle ?

Elenwë s'enfonçait de plus en plus profondément pour rattraper Gimli. Étrangement, elle se sentait si bien dans l'eau ! Peut-être étaient-ce là les effets de l'entraînement intensif avec Galadriel ?

Arrivée au niveau du nain qui tentait de nager sans succès, elle demanda à l'eau de l'entourer et de le remonter à la surface. 

L'eau obéit et Elenwë s'apprêta à remonter quand elle remarqua un éclat d'argent trente mètres plus bas.

La hache de Gimli! Voilà qui était embêtant!

Alors qu'elle se demandait comment elle pourrait aller la chercher, elle comprit tout d'un coup que depuis son plongeon, elle n'avait pas respiré. Enfin pour être plus exact, depuis maintenant trois minutes, elle respirait sous l'eau!

S'étonnant d'une telle aptitude, elle nagea plus profond pour aller chercher l'arme.

En atteignant la hache, elle vit le reflet de son visage. Ses yeux luisait, dorés, étrangement différents que de coutume.

À la surface, Gimli venait d'émerger.

Boromir le hissa dans l'embarcation et tous regardèrent avec crainte la surface de l'eau.

Où était Elenwë ?

Legolas, complètement paniqué -ce qui est plutôt rare pour un elfe- ôta machinalement ses armes, chaussures, cape et sa tunique et plongea lui aussi.

— Mais quel imbécile ! Lui je suis sûr qu'il ne sait pas nager ! Cria Aragorn. Raah mais c'est pas vrai !

À son tour, Aragorn se délesta de quelques couches de vêtements et sauta.