Les Contes de Styx

Le Conteur

Je me réveille dans un confortable fauteuil de velours, à l'intérieur d'une grande pièce, une bibliothèque. De nombreuses bougies, éclairent la pièce, malgré l'absence de fenêtre. En effet, les murs sont entièrement recouverts de livres, aux couvertures de cuir rouge, vert sombre, émeraude, bleu marin, ou orangé. Certains, plus rares, sont de couleur blanche, noire, ou grise. Je vois, de l'autre coté de la salle, une belle porte de sapin. Entre elle et moi se trouve juste, proche du mur, un écritoire présentant un livre ouvert à la dernière page. Une fiole d'encre, dans laquelle est plongée la pointe d'une plume taillée, est placée sur le coté droit du meuble.

À coté du siège où j'ai pris place, il y a une table, surchargée d'ouvrages, sur lesquels certaines des bougies ont presque entièrement fondu dans une cascade froide de cire figée. J'y vois aussi une grande pipe courbée, taillée dans du bois sombre, près d'une tabatière à moitié vide. Derrière la table, une cheminée allumée me réchauffe doucement de son feu. L'ambiance est très calme, les seuls bruits perceptibles sont les crépitements des flammes du foyer, et les lumières rougeoyantes des chandelles renforcent cette tranquillité. Je ne sais quelle heure il est, mais je sens que si je referme les yeux, le sommeil s'emparera de nouveau de moi. Je me lève, désireux de découvrir pourquoi donc j'étais ici. Soudain, un doute macabre s'empare de moi : je ne me souviens plus de rien. Ni de mon propre nom, ni de qui j'étais avant de me réveiller ici. Paniqué, je décide de sortir immédiatement de cette pièce, à la recherche de quelqu'un qui pourrait m'aider à retrouver mes repères.

En m'approchant de la porte, je remarque alors un miroir, où je peux me voir entièrement : Je suis une grande créature, au museau aplati sous mes petits yeux noirs. Ma longue et épaisse crinière est de belle couleur châtain, et deux oreilles triangulaires en sortent par le haut. Je suis habillé de vêtements assez élégants. Une tunique bleu marine, recouverte d'un lourd manteau sombre, un pantalon noir me vêtit les jambes, mais étrangement, je n'ai pas de bottes. Je me regarde quelques instants dans la glace, espérant que des souvenirs me reviennent grâce à la vue mon propre corps. Mais j'entends alors la porte de la bibliothèque s'ouvrir. Je me retourne vers elle, impatient de découvrir mon hôte, ou ne serait-ce qu'un autre individu vivant dans cette pièce morte, déserte.

La stupeur me fige quelque instant lorsque j'aperçois celui qui a ouvert la porte. Son visage ridé mais néanmoins sympathique est presque entièrement dissimulé sous sa longue barbe et ses fins cheveux d'argents. Sa peau est bien plus claire que la mienne, qui possède un teint sombre. Elle est presque blanche, tout comme ses bras, maigres et glabres, tandis que les miens sont musclés, et couvert d'une petite couche de poils noisettes, tout comme ma crinière, qui d'ailleurs ne ressemble en rien aux poils faciaux de ce vieil énergumène. Ses yeux bleu clair, brillants de sagesse et d'intelligence, sont dissimulés par deux morceaux d'une matière transparente liés par une armature en métal, et posés sur son museaux. Mais ce qui me frappe le plus chez lui, c'était justement son museau. Ou plutôt son absence de museau. À la place, il a une sorte de petite bosse verticale entre les deux yeux, sans poils, et avec deux trous en dessous.

« Haa ! mon cher, vous êtes réveillé ! Je suis très heureux de pouvoir vous accueillir ici. Vous devez être perturbé, n'est ce pas ? Mais n'ayez aucune inquiétude, je vais tout vous expliquer. Pour commencer, je suis Le Conteur, et vous êtes ici chez moi. N'ayez aucune crainte, malgré mon apparence qui doit vous sembler bien singulière, vous pouvez m'accorder toute votre confiance.

N'ayant pas d'autre alternative, je me décide à l'écouter pour l'instant.

« Vous êtes là car j'ai besoin de votre aide. Depuis ma naissance, j'ai pour tâche de recenser l'histoire, les contes, les légendes, et la culture, de toutes les civilisations intelligentes qui peuplent ce monde, quelle que soit leur race. La tâche est titanesque, c'est pour cela que je recrute des gens comme vous, curieux, intelligents, et savants.