Un anniversaire

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La journée est belle aujourd'hui, parfaite pour une fête. Le ciel bleu, tacheté ci et là par quelque beaux nuages blancs, l'herbe plus verte que jamais après la fine pluie qui est tombée cette nuit, et le temps est agréable. Suffisamment froid pour que les rayons du soleil nous réchauffent doucement, sans pour autant nous assommer par leur puissance, comme ils auraient pu le faire en plein été. Parfaite je te dis.

J'attrape donc deux chope, celles qui me servent pour les grandes occasions, celles bien lavées, bien vernis, étanches, et pas trouées, puis je m'empare d'un petit barils de bière. Faudra que je fasse gaffe à pas trop le secouer en montant là haut, ce serais con qu'on ai que de la mousse à boire tu crois pas ? J'attrape donc ce tonneaux, et je sors dehors. Le soleil est encore derrière la colline si je me dépêche, on pourras voir le village s'illuminer. Je veille bien à refermer la porte derrière, je recompte mes chope, sait-on jamais, et je me lance à l'assaut de la colline.

À chaque fois, elle m'en fait baver cette foutus colline. Des fois je me demande même pourquoi il faut que je la grimpe tout les ans. Je rigole évidemment. Comment je pourrais oublier. C'est ton endroit préférer, ce serait bête de pas fêter ton anniversaire là haut. Alors du coup, je monte. Je m'échine à transporter ce foutus barils, et il pèse son poids l'animal, alors que mes foutus jambes déconne de plus en plus. Faut dire que j'ai combien maintenant ? 60 quek'chose ? Bah ! quand on aime on compte pas.

La rosée rend l'herbe glissante en plus. Manquerai plus que je me casse la gueule tiens. Remarque ce serais pas la première fois. L'ombre de la colline rend l'air froid. Vivement que je sois là-haut, le soleil nous réchauffera.

Le vent fait doucement bruisser le feuillage du pommier. D'ailleurs on devrait avoir une bonne récolte cette année, y a plein de fleurs dessus. Ça nous changeras de la dernière fois. Nom d'une pipe, qu'elle avait était mauvaise la récolte de la dernière fois.

NOM D'UNE PIPE !! Je l'ai oubliée ! La pipe ! Et même le tabac ! Bon j'te pose la barrique là, je cours chercher cette foutue pipe et le tabac. En plus j'en ai trouver du super chez l'aut' petiôt. Renaud je crois qu'i s'appelle ce gamin. Il est bien ce petit, vraiment. Tout l'inverse de sa bourrique de mère. Enfin bon, je dis ça, mais je l'aime bien Myrtille. Tu te souviens d'elle ? On aller faire les quatre-cent coups avec elle avant qu'on...

Enfin bon, tu sais bien avant quoi...

Ça y'est ! Je l'ai cette pipe. Devine quoi, elle était posée sur la table, juste devant l'entré. C'est moi qui l'avait mis là justement pour m'en rappeler. Foutus vieux hein.

Bon, c'est repartis. La bière sous le bras, les chopes dans la main, directions le sommet. Plus j'avance, je suis content de monter. C'est vrai quoi, une fois par ans c'est pas beaucoup. Les anniversaires, ça devrai être fêtés plus souvent.

J'arrive en haut de la colline. Le soleil m'éblouit, et me réchauffe. Une bourrasque de vent marins me caresse le visage, et m'apporte les odeur iodées de l'océan. Lui aussi est bien bleu, calme, et nous joue sa douce mélodie aquatique. Les vagues viennent se briser sur la falaise où nous sommes perché. Je pose mon tonneaux, et je m'assoie à coté de toi, face à l'étendue bleutée et splendide qui s'étend à nos pieds. Je ferme ensuite les yeux pour profiter entièrement de cet instant de pur bonheur. Dès que l'obscurité tombe devant moi, mes sens s'aiguisent, et subliment toutes ces petites choses qui ne ce voit pas, que l'on ne peut apprécier que quand le noir ce fait, les transformants en véritable havre de paix, de sérénité, de bonheur mélancolique et romantique. Les souvenirs rejaillissent par grappes, ravivés par ta présence, ainsi que par l'atmosphère si particulière de cette endroit.

Je rouvre les yeux, mettant fin à ma contemplations aveugle, puis remplie nos deux choppes à ras bord de bière. Je l'ai trop remuée. La moitié de ce qui remplie nos verres n'est qu'une mousse compacte et sans goût. Mais bon, au moins on a l'autre moitié à boire, pas vrai !!

Nous buvons tout les deux en silence, rien ne sert de ce précipiter, ça pourrais gâcher ce moment. Et après tout, on a toute la journée. Le soleil nous fait maintenant face, alors je me retourne, et je contemple une fois de plus la lumière envahir le paysage rurale de l'île. L'herbe brille de mille feux sous les rayons de l'astre, les bois semblent verdir, les oiseaux s'éveillent, et s'élancent à corps perdus dans leurs chants matinaux. Dans le village, l'agitation commence. De petites silhouettes s'activent dans tout les sens, s'attelant à la tache qui leur incombe, que ce soit couper du bois, semer dans les champs, ou nourrir les animaux.

Je soupire profondément, finis ma bière, et bourre ma pipe de tabac, avant de l'allumer et d'en prendre un profonde inspiration. Les regrets m'assaille maintenant. Chaque années, je monte ici, et chaque années je lutte contre les regrets, les souvenirs, et la tristesse. Chaque années, quand c'est ton anniversaire, je laisse derrière moi le présent, je me plonge dans le passé, vingt ans, quarante ans, en arrière. Et toi tu ne change pas. Tu reste là, allongé, serein, bien au chaud sous ta pierre. J'ai perdu le compte des années depuis que tu es mort.

Les Contes de StyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant