L'Elfgarn (épisode spécial Halloween)

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La nuit est noire, et inquiétante. D'épais nuages sombres masquent la belle pleine lune argentée qui aurait dû lui faciliter la marche nocturne à travers les champs. Elle doit se dépêcher, si elle rate l'heure, tout est foutu. Cette nuit, c'est l'Elfgarn, la fête des morts, la seule date de l'année où la frontière entre mort et vivant s'affine suffisamment pour qu'elle puisse tenter de La ramener.

Son pied percute quelque chose, une racine, une simple motte de terre, ou un esprit tapageur, peu importe, le résultat est le même. Surprise dans sa course contre la montre et contre sa peur, elle trébuche, tombe, et laisse s'échapper l'imposant livre qu'elle sert contre elle si fort qu'on dirait que sa vie en dépend. À peine sent-elle l'objet glisser de ses mains fébriles, tremblantes, qu'elle panique. Ses yeux mouillent, des larmes de peur et d'angoisse mêlées commencent à couler sur ses joues tandis qu'elle marmonne frénétiquement des paroles incompréhensibles tant elles sont déformées par sa crainte. Mais il est trop tard, à présent les ombres malignes lui dissimulent le grimoire, insensible à sa détresse, bien trop heureuse de jouer un mauvais tour à une humaine imprudente pour ressentir le moindre remord.

Heureusement, une bourrasque enchanteresse chasse temporairement nuages et ombres de devant la lune. Elle illumine alors de nouveau le paysage rurale, ainsi que son infortunée aventurière. L'éclat salvateur de l'astre lui révèle enfin son plus précieux trésor, égaré à quelque pas de là, mais aussi sa destination : Plus loin dans la plaine, ce trouve une vieille ruine, celle d'une église probablement, et son arbre décharné, dont les branches, dépouillées de leurs feuilles ocre et pourpre, enlaidies par la soirée et son inquiétante symbolique, se tendent, tel les doigts crochus et osseux des sinistres créatures qui tapissent les recoins obscures de l'endroit.

En voyant les restes du bâtiment, des souvenirs lui reviennent. Des souvenirs des douces soirée d'été passé là bas, éclairées par les étoiles des nuits claires de cette saison, l'église paraissait non plus comme une ruine désarticulée et maudite, repaire des pires engeances surnaturelle que le monde pouvait produire, mais comme un havre de paix, où elles pouvaient se retrouver en secret, loin des regards indiscrets, mais surtout hostile, que pouvait engendrer une relations tel que la leur, impie, contre-nature, impossible... Rien de plus faux. Si leur dieu existait, pourquoi ne punissait-il pas ces deux déviante, profanant même de leurs ébats une ancienne place sainte. Rien n'était moins possible que leur amour, la preuve étant qu'il avait duré, duré si longtemps que seule la mort pût les séparer. La mort, et pas un dieux fictif et frigide.

Une mort injuste, hasardeuse, et brutal. Une mort révoltante, mais hélas incontestable. Sauf que cette nuit, elle est là. Le cœur brisé, amer, blessé, et déterminé. Cette nuit, c'est sa seule chance. Grâce au grimoire, elle pourra la ramener de ce coté de la barrière, du côté des vivants.

Elle parcoure les derniers mètres en courant, craignant de s'attarder encore sur la plaine, et perdre de nouveaux son précieux livre aux main de l'ombre et de ses goules. Elle parvient à peine au pied de l'arbre, que les nuages s'en reviennent, dissimulant la clarté d'argent de la lune sous leurs ténèbres aériennes. La nuit reprend son dût, et la peur enserre mieux que jamais le cœur à vif de l'aventurière. Mais, elle le sent, elle y est presque. L'heure n'est pas passée, rien n'est joué, elle dois essayer, peut importe la terreur qui l'assaille, les chimères nocturnes qui l'encerclent et la menacent, peut importe que ce ne soit que quelque minutes, quelques secondes, elle doit essayer. Toute les nuits d'horreurs du monde, toute les hideuses créatures la guettant, tout les spectre malfaisant, tout les diables, ne lui feront pas faire demi-tour, ni regretter un geste d'amour réussit.

Elle se jette au pied de l'arbre, et sort de sa poche cinq petite bougie, presque déjà entièrement fondue. Elle les déposent en cercle autour du grimoire ouvert, et les allument rapidement, entièrement concentrée sur sa tache, ne laissant plus aucune prise à la peur. Elle psalmodie mécaniquement les vers incompréhensibles et piégeurs qui noircissent les pages du grimoire, sans jamais que sa langue ne fourche, sans jamais marquer la moindre pose, la moindre hésitation. Elle oublie le monde autour d'elle, toutes ses pensées ce tournent vers ses souvenirs, et le bonheur perdue qu'elle cherche à faire revenir. Les pages du livres défilent, les unes après les autres, sans qu'elle n'ai besoin de les tourner, sans qu'elle n'ai besoin de les toucher. Le vent se lève, plus fort qu'auparavant, il chasse les nuages, la lune baigne alors l'église dans sa lumière pâle, la faisant resplendir tel un phare dans la nuit, unique lueur dans cette nuit maudite des morts, un refuge fantomatique dans une nuit morbide.

Les Contes de StyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant