Chamboulement

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C'était un jour banal pour la jeune Arafinwë. Elle avait terminé sa journée par un cours de marketing des plus ennuyant et longeait actuellement l'Adour pour regagner la résidence dans laquelle elle vivait depuis maintenant une dizaine d'années, sur les hauteurs de la cité Basque. Elle n'habitait pas loin du centre-ville et avait pour habitude de se rendre à son école à pied plutôt que prendre le transports en commun.

Une trentaine de minutes plus tard, Arafinwë pénétra dans l'appartement. Sa mère était sur la terrasse et s'occupait du potager avec attention.

- Je suis rentrée, prévint la plus jeune en déposant son sac dans l'entrée.

Elle salua sa mère avant de se diriger vers la salle de bain. Elle s'y doucha avant d'enfiler un legging noir et un débardeur bleu puis se rendit dans sa chambre où elle commença à préparer ses affaires pour le week-end.
Elle et sa mère allaient passer la fin de la semaine en pleine nature. Elles avaient loué un chalet au cœur de la forêt d'Irati, à moins de deux heures de route de Bayonne. Ce n'était pas la première fois qu'elles s'y rendaient, au contraire, elles étaient pour ainsi dire des habituées des lieux puisqu'elles avaient pour habitude d'y séjourner régulièrement à l'arrivée des beaux jours.

Trois heures plus tard, elles pénétrèrent dans le chalet. En ce début d'été, la nuit n'était pas encore tombée et l'air était doux. Elles appréciaient ce lieu reculé, qui leur permettait de déconnecter de la vie citadine qu'elles menaient la semaine. Arafinwë ressentait toujours une étrange mais agréable connexion avec les arbres qui peuplaient la forêt : chênes, érables, sapins ou encore noisetiers. Ils dégageaient une énergie qui avait le don de l'apaiser. La forêt regorgeait de dizaines d'espèces propres à la région pyrénéennes.

Le lendemain matin, elles partiraient pour une longue journée de marche dans la forêt, mais, pour l'heure, elles dînaient sur la terrasse de leur location, située en contre-bas du chalet en épicéa. Au menu : salade composée, épis de maïs et légumes de saison grillés.

- Quelle heure le réveil, demanda la jeune Arafinwë, triturant ses haricots verts avec désintérêt.
- Huit heure, il serait bien que nous soyons parties pour neuf heure ou neuf heure et demi, répondit sa mère.

La jeune femme acquiesça avant de se lever de table. Elle commença à débarrasser assiettes, couverts et plats puis les remonta dans la petite cuisine équipée. Déposant le tout dans un des deux bacs en résine de l'évier, elle ouvrit l'eau du robinet, y versa du liquide vaisselle et s'apprêta à nettoyer le tout lorsqu'elle entendit un grand fracas provenant de l'extérieur. Des éclats de voix résonnèrent et de profonds et gutturaux grognements retentirent. La jeune femme reconnue uniquement la voix de sa mère mais rien qu'à l'intonation de celle-ci, Arafinwë sentit que quelque chose n'allait pas.
La blonde se précipita sur la terrasse, mais, lorsqu'elle y pénétra, elle fut tétanisée par la scène qui se jouait sous ses yeux : la table et les chaises en bois avaient valsé à plusieurs mètres de leur position initiale et sa mère tentait d'échapper à d'étranges créatures ressemblant plus à des êtres mutants qu'à des hommes. Leur aspect était répugnant, leurs visages déformés et leurs dents noires. Ils étaient de taille moyenne et courbés, semblables à des gobelins dignes des meilleures illustrations fantastiques. Ils tenaient épées et autres armes barbares dans leurs mains sales, les brandissant, menaçant, contre sa mère. Alors elle croisa son regard, un regard qu'elle n'avait jamais vu. Elle était effrayée, se dressant devant leurs assaillants en une vaine tentative de protection.

- Arafinwë ! Sauves-toi ! S'écria la plus âgée.

Fuir. Oui. C'est ce qu'elle aurait dû faire, prendre ses jambes à son cou. Cependant elle était incapable de bouger, ses jambes semblaient paralysées, enracinées dans le sol. Arafinwë était tétanisée.

- Arafinwë ! Cours ! Reprit à nouveau sa mère, horrifiée par l'absence de réaction de la jeune femme.
- Attrapez-la, ordonna le monstre le plus imposant de tous. Le maître les veut vivantes, précisa-t-il avant que ses sbires ne se jettent sur la jeune blonde.

C'est lorsqu'un des monstres s'approcha d'elle que la jeune femme sortit de sa torpeur. Elle eut le seul reflex de reculer avant de trébucher contre l'escalier en bois qui menait au chalet. Tombant de tout son poids  sur une marche, elle échappa ainsi à la poigne qui allait se refermer sur elle. Alors elle réagit, se laissant glisser sur le côté pour se relever, elle tenta alors de s'échapper.

- Arafinwë, hurla la plus âgée, horrifiée par la scène qui se jouait sous ses yeux.

Mais il était trop tard, déjà la créature attrapait fermement son poignet avec suffisamment de force pour le lui briser. La blonde laissa échapper un cris de douleur qui redoubla lorsqu'il la lança contre le sol en bois de la terrasse.

- Arafinwë ! Non ! S'écria à nouveau sa mère.

Elle se précipita auprès de sa fille, qui peinait à se relever, mais elle sentit la poigne de l'ennemi se resserrer autour de son bras. Tentant de se débattre, elle ne put que regarder avec horreur un des monstres saisir Arafinwë par les cheveux avant de la traîner aux pieds de celui qui semblait être le chef.

- Ne la touchez pas, menaça la plus âgée.
- Vous n'êtes pas en position de force, votre altesse, s'exclama ce dernier avec dédain.

Il empoigna à son tour les cheveux de la blonde qui tentait se débattre sans succès. Arafinwë vivait un vrai cauchemar : qui étaient ces monstres ? Était-ce une secte satanique ? Que leur voulaient-ils ? C'était un véritable cauchemar !
La jeune fille sentit alors une douleur aiguë la saisir au niveau de la tête. Arafinwë s'écroula alors sur le sol, sombrant dans l'inconscience après avoir reçu un coup de poing à la tête suffisamment fort pour qu'elle perde pied.

- Non ! Lâchez-là ! Arafinwë ! Hurla sa mère, tentant de s'échapper de l'emprise du monstre qui la retenait, sans succès.
- Cesse de hurler, stupide femelle, vociféra le chef.

Il s'approcha de la plus âgée, l'observant de toute sa hauteur avant de s'agenouiller face à elle. Sans aucune douceur, il attrapa le menton de la femme entre ses doigts rugueux et sales afin de l'observer avec attention, un sourire carnassier prit alors place sur ses lèvres gercées et boursoufflées alors qu'il jetait un regard sur le corps inconscient de sa fille.

- Le maître sera ravi d'apprendre que nous t'avons retrouvé, avec un présent supplémentaire, s'exclama-t-il avant de lâcher un ricanement guttural en se relevant. Il est temps de retourner au portail, attachez-les, ordonna-t-il à ses sbires.

Alors la femme tenta à nouveau de se soustraire de la poigne exercée sur ses bras, hurlant, priant pour que quelqu'un l'entende. Mais le chalet était isolé au cœur de la forêt et il n'y avait personne à au moins trois kilomètres à la ronde. Peu de chances de se faire entendre. Personne ne leur viendrait en aide.

- Relâchez-nous, ordonna-t-elle mais elle n'eut pour seule et unique réponse qu'un regard dédaigneux.
- Faites-la taire immédiatement, vociféra-t-il.

À son tour, la plus âgée ressentie une vive douleur à la tête. Elle perdit elle aussi connaissance, posant une dernière fois les yeux sur sa fille qu'un des monstres venait de soulever sans ménagement. Qu'allait-il leur arriver ? Comment avaient-ils retrouvé sa trace ?

Arafinwë - Tome I : Secrets et mensonges Où les histoires vivent. Découvrez maintenant